Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

188 thique qu'à une recherche scientifique sur le passé des peuples. Il est vicié à la base dans le fait qu'il projette dans .un passé, qu'il voudrait le plus éloigné possible, un concept mi-intellectuel, mi-affectif, surgi au début de l'époque actuelle quand le réseau des relations féodales n'était plus qu'une survivance parasitaire. Les peuples parviennent alors à la conscience de leur réalité ; ils deviennent non des objets, mais des sujets de l'histoire. Il eût été possible que, sans les annexions militaires de la République et de l'Empire français, cette conscience se soit manifestée par la proclamation des droits de l'homme étrangers aux particularités nationales. La prédication de Fichte n'aurait eu_alors aucun sens. Mais les événements furent autres : l'impérialisme français pratiquant le despotisme après avoir affirmé les droits imprescriptibles de la liberté humaine devait réveiller ou susciter les particularités nationales devenues chez un peuple opprimé par l'étranger le ciment de sa résistance collective. Bien • que pénétré d'idées libérales de tendance cosmopolite, héritées du siècle des « lumières », le nationalisme populaire préféra à la notion universelle de l'homme, ne relevant que de la nature, celle de l'homme allemand, italien ou slave, relevant de la tradition historique, avec ses traits spécifiques, se voulant étrangers à la domination française comme à celle des dynasties qui lui succédèrent après 1815. L FAUT ici distinguer entre la naissance d'un sentiment national exprimant la conscience d'un peuple qu'il est sujet de l'histoire [et le rnationalisme qui a été et est encore l'exploitation politiqHe de ce sentiment. Hors des explications biologiques de ce sentiment, se référant aux « qualités » spécifiques de telle ou· telle race, Renan dans Qu'est-ce qu'une nation ? lui attribuait deux sources d'ordre psychologique : d'une part « la possession en commun d'un riche legs de souvenirs », de l'autre un « consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis». 11 mettait en évidence le rôle des archétypes dans la manière de vivre et de sentir des peuples, et en même temps l'aspect affectif et- passionnel du sentiment national. Celui-ci peut être conditionné suiBiblioteca Gino Bianco • LE CONTRA'T SOCIAL vant les lieux et les temps par des facteurs objectifs comme les intérêts économiques, les liens culturels ou géographiques, sans qu'aucun d'entre eux puisse être considéré comme déterminant. Ces facteurs · ne sont que des supports d'importance variable de la commune volonté de vivre, volonté consciente ·d'elle-même à. quoi se résumait pour Renan l'essence d'une nation dont il disait qu'elle était « une âme, un principe spirituel, un plébiscite de tous les instants ». Le sentiment nationa 1s'oppose au vieil ordre ' dynastique : le sacré s'est transféré du Prince à la Nation ; et le Prince n'a survécu qu'en prenant conscience de cette mutation capitale, en se présentant comme l'incarnation du sentiment populaire. Mais en drainant avec lui ce que Renan appelle un « riche legs de souvenirs », il consacre officiellement et exploite pour la pérennité de son régime des archétypes où même les actes de folie et de barbarie deviennent exemplaires, et il en fait des composantes de l'orgueil national. Qu'à la faveur de certaines circonstances politiqués ce sentiment devienne une passion agressive, alors on voit comme dans le national-socialisme la résurgence des vieux instincts refoulés ou enrobés dans des mythes à réso- • nance romantique. Il y a un nationalisme des opprimés et un nationalisme des oppresseurs. Le premier a été souvent un levain de l'éveil démocratique des peuples depuis cent cinquante ans. Le second a contribué par réaction à la naissance du premier, c'est-à-dire à la naissance de tendances démocratiques. Ainsi le nationalisme révolutionnaire et conquérant de la France a-t-il provoqué l'éveil des peuples européens.- Mais ces deux sortes de nationalismes ne s'opposent que dans l'instant; dans la durée historique le second naît aisément du premier qui le contient implicitement. Il suffit de relire les discours de Fichte à la nation allemande pour le comprendre. Tout désir de libération suppose une exaltation des ve$s nécessaires à cet acte, une hypertrophie de la confiance en soi qui peut devenir la source d'une croyance plus ou moins explicite .en sa propre mission. Fichte, grandi dans un esprit cosmopolite, admirateur des droits de l'homme, en vient à dire à ses compatriotes, lorsque la Prusse est écrasée par Napoléon : « C'est vous qui, parmi les peuples modernes, possédez le plus nettement le germe de la perfectibilité humaine, et à qui revient la préséance dans le développement de l'humanité. » Le nationalisme égyptien des temps

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