, Pages oubliées LETTRE A VICTOR CHAUFFOUR par Edgar Quinet Le texte que nous publions ci-dessous est extrait des Lettres qu'EdgarQuinet écrivit alors que, chassé de la vie politique par le second Empire, il vivait en exil. * Notre auteur y exposeune idée qu'il a, d'autre part, longuement développéedans sa Philosophie de !'Histoire de France.** Il s'agissait de combattrela thèse,/ort répandue parmi les historienset écrivains de son temps, selon laquelle l'absolutisme, dans les siècles passés, aurait favorisé le développement du tiers état et par là même concouru à l'éclosion de la liberté, couvée en quelque sorte par les despotes. C'était une grande tentation pour certains libéraux de s'emparer d'une théorie qui justifiait si bien leur ralliement au pouvoir de Napoléon Ill. Républicain intransigeant, Quinet réprouvait les ralliements,et sans doute les réflexions qu'on va lire ne sont-elles pas étrangèresà cette préoccupation.Mais ce n'est pas là l'essentiel. Notre historien philosophe dénonceune conceptionfausse de la liberté : elle n'est pas le simple couronnementdu progrès • L,ttr,, d',xil, tome I, p. 100. • • Pub li~ dans la R1t1U1 d,1 D,ux Mond,, du I S fc!vrier 1Bss, pages 23s à 32s, au p~u• fort de l'Empire autoritaire. Quel que soit le mal que Qwnet pen11 de toute tyrannie, ce dmil nous permet d'apprkier à quel point celles du li~e dcmier &aient plus dc!booo•ir~• que les n~tre1. Biblioteca Gino BiancQ économique,et non plus l'aboutissement d'un long processus de centralisation étatique.Les esprits « profonds » pour qui la tyrannie, en dépit des apparences,ouvrirait le cheminà la liberté, font absolumentfausse route. Le paradoxe est éclatant, et Quinet s'attache à le mettre en évider,ceI.l pressentle dangerd'une «déviation• du jugement qui, corrompanttoutes les notions, en/erme le peuple dans son adulation des despotes, étouffe la vie et la consciencecollectives, trahit l'avenir. Ainsi se trouve stigmatisée,bien avant l'avènement des régimestotalitaires, une perversion, pour ne pas dire une turpitude idéologique,qui fait aujourd'hui de si grands ravages dans l'intelligentsia. Les paroles du philosophesont prophétiques: il s'est formé, de nos jours, une nouvelle scolastiquequi a pour raison d'être le contre-sens historique et la mauvaise foi politique. Nombre de nos.intellectuels,prompts à justifier toutes les violencescommisesau nom du « sensde l'histoire », auraientintérêt à méditer ces pages oubliées, qui nous frappent sans doutepar certainesfacilités de penséeet destyle, mais où s'affirme une incontestablevolonté de traiter la personnehumainecommeunefin dont la valeur est absolue, et jamais comme un moyen. •
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