232 L'application d'une pareille répartition des rôles entraîne une opposition entre l'un et l'autre conseil, leur fait adopter la position de parties. 46 Les nouvelles mesures visent donc en premier lieu à supprimer la principale concession accordée aux ouvriers par la réforme des syndicats de l'automne 1956 : celle qui consistait à reconnaître que le personnel n'a pas les mêmes intérêts que l'entreprise qui l'emploie et qu'il doit être défendu par le conseil d' ei1treprise. Or,. cette conces~ion elle-même fut, rappelons-le bien, plus maigre que celle qu'avait faite en plein désarroi la direction ancienne lorsqu'elle se déclara prête à conférer aux conseils d'entreprise le droit de regard sur la gestion. Le caractère rétrograde de la nouvelle orientation est encore souligné par Loga-Sowinski, qui fit, dans son rapport au quatrième congrès, le procès du syndicalisme revendicatif : Il existe encore bien des militants syndicaux qui, pratiquement, ne rattachent pas dans leur activité les problèmes du mieux-être des ouvriers à celui de l'amélioration de l'organisation du travail, de l'accroissement de la production et de la réduction des prix de revient. Quels que soient les mobiles de tels militants, qu'ils se tiennent simplement à l'écart des questions de production ou qu'ils cherchent une popularité à bon compte, le manque d'intérêt dont ils font preuve à l'égard de la production est à coup sûr contraire aux intérêts ouvriers.47 Gomulka présenta d'autre part., au nom du Comité central du Parti, un projet de réorganisation radicale de l' « autogestion ouvrière ». Il s'agit de créer dans les entreprises un organisme nouveau, la Conférence de l'autogestion ouvrière, composée de tous les membres du conseil ouvrier, du conseil d'entreprise et du comité de la cellule. Cet organisme, se réunissant a? moins ~e f~is par trimestre, assume les fonctions confiees d abord aux conseils ouvriers et coordonne en même temps l'activité des trois organes qui en font partie. La Conférence est présidée, d'après le rapport de Lo~a-Sow~ski, par le secrétai~e ~u Parti; le conseil ouvrier en assure le secretanat permanent. Enfermée dans ce cadre nouveau, la représentation des intérêts du personnel perd toute indépendance. _i\ussi _la vieille ,devise !otalitaire sur les intérêts identiques de 1 entreprise et de son personnel revint-elle à l'ordre du jour. LogaSowinski n'hésita pas à déclarer : Tant le conseil ouvrier que le conseil d'entreprise représentent le même personnel et ont le même but et la même tâche : veiller à ce qu'une production meilleure et plus grande soit atteinte aux moindres frais possibles, à ce que, sur cette base, les gains des ouvriers s'accroissent régulièrement, à ce que le fonds d'entre46. Glos Pracy, 15 avril 1958. 47. Ibid., 16 avril 1958. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE prise soit réalisé et correctement réparti, à ce que les droits des travailleurs soient respectés tt les bonnes conditions de travail assurées. Mais l' cc· autogestion » se trouve, elle aussi, ramenée à peu de chose. Voici ce qu'en dit Gomulka: L'édification du socialisme se trouve dans notre pays à une étape où reste entièrement valable la thèse : les cadres décident tout. Le déroulement du processus de production dépend, dans une mesure prépondérante, des cadres dirigeants de l'entreprise, de leurs capacités d'organisateurs, niveau de connaissances scientifique et expérience pratique, et aussi de leur sens du devoir et de leur conscience professionnelle. L'attitude du personnel, le niveau de sa conscience de classe, qui influent considérablement sur les résultats de la production, dépendent des cadres du Parti et des syndicats, ainsi que des conseils ouvriers. Dans le système de direction de notre économie, le principe de la responsabilité individuelle et de la conduite des opérations par une seule personne est de rigueur. C'est un bon principe et il ne convient pas de le modifier. [...] Il importe de rappeler que le principe de la cogestion des usines par les ouvriers donne souvent lieu à un malentendu. D'aucuns entendent par ce principe le transfert des usines sous l'administration des conseils ouvriers. Cette interprétation est erronée. Il s'exprima encore plus nettement dans un autre passage de son discours : Le directeur et les autres chefs qui font partie de l'9dministration sont les représentants de l'État social liste, donc de l'État de la classe ouvrière, ce sont des hommes que l'État a chargés de diriger en son nom, donc au nom de la classe ouvrière, les entreprises socialisées. Les ouvriers et l'administration, ce ne sont pas deux parties opposées du personnel, ce ne sont que deux côtés d'un organisme unique, côtés dont dépend le fonctionnement de celui-ci. Et le chef du Parti de rappeler brutalement aux prolétaires qu'ils ne possèdent que leur force de travail, les moyens de production étant, avec ou sans cc autogestion ouvrière », la propriété de l'État : . Les personnels ouvriers ne sont que des copropriétaires et cogestionnaires des usines, non pas les propriétaires et gestionnaires exclusifs. Les organes chargés par les personnels d'autogestion ouvrière participent aux décisions, prennent part à. la conduite des usines., contrôlent les administrations qui dirigent celles-ci, mais ne sont pas les supérieurs de ces administrations. Entre les usines sociaH$éeset les organes d'autogestion se dresse l'État popùlaire, représentant et administrateur de la propriété de tout le peuple, laquelle prend la forme de ,propriété d'État. C'est au nom de l'État que l'administration nommée par lui dirige les entre- • prises. Un tel langage met fin, en effet, à bien des malentendus. PAULBARTON
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