222 périté des peuples de l'URSS et du monde entier. Pour attirer les meilleurs esprits, cette foi dans la science comme force créatrice dans la vie des sociétés humaines est peut-être encore plus séduisante que l'espoir de récompenses matérielles et de considération sociale. La jeunesse soviétique est élevée dans un monde de pauvreté et de privations. Il n'est pas difficile de lui insuffler le désir de transformer par la science la société, de la rendre plus heureuse et plus prospère. Ainsi, en vantant les buts du développement scientifique, le régime insiste moins sur l'augmentation de la puissance militaire soviétique que sur des fins aussi attrayantes que l'exploration de l'espace, les voyages interplanétaires, les lendemains qui chantent. Il n'est pas surprenant que le lancement des satellites ait enflammé l'imagination de la jeunesse soviétique, qui voit dans ces réalisations une promesse d'échapper au sombre et oppressant présent, au profit d'un avenir heureux et digne. Le pouvoir veille TANDIS QUE l'attention mondiale reste fascinée par les divers succès soviétiques dans la production des armes thermonucléaires, des fusées et des satellites, on oublie aisément qu'il n'y a là qu'un aspect du vaste effort de la science soviétique. Le régime vise, par la science et la technologie, à faire de l'URSS le pays non seulement le plus puissant, mais le plus productif du monde. 11 cherche également à faire accepter par les autres nations· et son aide et son autorité dans les domaines scientifiques et techniques. C'est vers ce but plus large que l'énorme organisation de la recherche scientifique en URSS est orientée. Le centre de cet effort est l'Académie soviétique des sciences. Il ne s'agit pas d'une simple société savante, mais bien d'une administration gigantesque qui a pour tâche de mettre en œuvre une grande partie des recherches faites en URSS. La recherche dans les universités est devenue relativement négligeable ; les professeurs d'université effectuent leurs travaux dans les instituts de recherche de l'Académie. Celle-ci dispose maintenant de 118 instituts pour les sciences naturelles : r8 pour la physique et les mathématiques, 16 pour la chimie, 20 pour la géographie et la géologie, 32 pour la biologie et 32 pour la technologie. 10 Outre 16 filiales régionales de l'Académie centrale, il existe 12 Académies dans les Républiques constitutives de l'URSS, avec leurs instituts de recherche propres, qui lui sont associées. Lorsqu'ils étudient l' œuvre accomplie par cette grande institution, les savants occidentaux remarquent d'abord sa subordination au contrôle du Parti et aux buts politiques du régime. S'ils sont sociologues, cQmme le professeur Vucinich, ils seront frappés par le faible niveau des sections · 10. A. Vucinich, The Soviet Academy of Sciences, Stanford University Press., 1956. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE historique, sociologique et économique de l' Académie et par leur soumission dans tous ces domaines à la ligne du Parti. Ils attireront l'attention sur le caractère factice de l'autonomie de l'Académie, sur le manque de pouvoirs de son assemblée générale soi-disant suprême, sur l'influence de son praesidium et de son secrétariat permanent, dominés par le Parti. Tout cela est vrai et cependant, dans la plupart de ses fonctions scientifiques, l'Académie fait preuve d'une parfaite compétence et bénéficie d'une large indépendance. Elle se compose des plus éminentes personnalités de la science soviétique, y compris un grand nombre d'hommes d'un certain âge dont la formation est antérieure à la révolution. Ceux qui doivent leur présence à des considérations autres que leur valeur scientifique, comme Lysenko, sont en petit nombre. Bien que Nesméianov, l'actuel président de l'Académie, et Toptchiev, le principal secrétaire scientifique, soient tous deux membres du Parti, ils n'en sont pas moins des chimistes éminents et non des charlatans ou des bureaucrates. Quant aux deux précécesseurs de Nesméianov, le .botaniste Komarov et le physicien Vavilov, ils n'étaient du Parti ni l'un ni l'autre. Avec l'Académie des sciences, le régime semble avoir trouvé un heureux compromis entre, d'une part, la dictature du Parti et, d'autre part, la compétence et l'intégrité professioIL.,elles sans lesquelles la science ne peut prospérer. On a présenté l'Académie comme l'état-major général d'une armée scientifique, lançant ses troupes sur telle ou telle région décisive du front scientifique, suivant les directives du pouvoir communiste. En vérité, c'est une image que le Praesidium lui-même se plaît à introduire dans ses rapports officiels. La science est présentée comme une activité planifiée. Ses réalisations les plus spectaculaires sont interprétées comme les résultats d'une concentration méthodique sur un petit nombre d'objectifs choisis en raison de leur importance militaire ou de leur valeur de prestige. . Cette ~mage n'est que partiellement vraie. Les efforts en science appliquée peuvent être planifiés ; s'ils sont d'une importance nationale, ils peuvent être accélérés par un programme d'urgence. Le Manhattan Project, aux États-Unis, qui mit au point la bombe atomique en 1945, en est un exemple. Il est fort probable que les satellites soviétiques furent le résultat d'un programme semblable, bien que rien ne prouve vraiment qu'un groupe important de physiciens · ou de chimistes académiciens aient contribué à cet effort. (Le nom de Kapitsa a été cité, mais il avait aussi été évoqué à propos de la bombe atomique sovi_étique, ce qui par la suite est apparu sans fondement.) Il est plus que probable que les projectiles et les satellites soviétiques sont principalement l' œuvre de savants militaires russes, spécialistes de l'aérodynamique et de la balistique, comme l'académicien Blagonravov qui détient le graae mi]itaire de général et dont la
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==