L'expérience communiste LA SCIENCE EN U.R.S.S. par Eugene Rabinowitch L ES RÉCENTS et retentissants succès de la technique et de la science soviétiques ne surprennent que ceux-là qui oublient le rôle éminent joué par les savants russes dans l'histoire de la science européenne au XVIIIe et au xrxe siècles. Le plus célèbre des précurseurs _de la science russe contemporaine fut Mikhaïl Lomonossov (1711-1765), auquel l'Académie russe des sciences, fondée en 1724 par Pierre le Grand, doit sa juste renommée. Lomonossov fut suivi par bien d'autres grands savants dont les travaux, au cours des deux siècles suivants, firent de la Russie un des centres les plus actifs de la pensée scientifique en Europe. Lobatchevski et Tchébychev en mathématiques, Mendéléev en chimie, Lébédev en physique, lvanovski (qui découvrit le premier virus) en phytophysiologie, Dokoutchaev et Prianichnikov, qui fondèrent la science du sol, Joukovski, pionnier de l'aérodynamique, Pavlov et Metchnikov, dont les travaux en biologie et en médecine furent couronnés par deux prix Nobel, autant de noms qui rappellent que la Russie tsariste figurait en bonne place sur la carte scientifique de l'Europe. Sans doute, dans la seconde moitié du x1x 0 siècle, l'état d'esprit des classes dirigeantes de l'ancienne Russie mit obstacle ou retarda les progrès en science pure et appliquée. Les meilleurs chercheursdevaient travailler dans d'étroits laboratoires pauvrement équipés ; les pouvoirs publics n'encouragèrentguère leurs efforts. Le conflit croissant entre le gouvernementréactionnaire et l'intelligentsia libéralene manquapas de t'étendre aux hommes de science, Beaucoup, Biblioteca Gino Bianco parmi les plus distingués - tels Metchnikov, Sophie Kovalevskaïa et Bakh - s'exilèrent. Même Mendéléev, de tendance conservatrice, eut sa part de difficultés lorsqu'il prétendit défendre l'indépendance de l'U Diversité et du corps enseignant. 11 n'empêche que l'héritage de la Russie tsariste fournit à celle de I 9 I 7 une solide base de départ. Une tradition de travail, de patiente recherche et de spéculation audacieuse était fermement établie dans les grandes universités - Saint-Pétersbourg, Moscou, Kharkov, Kiev et Kazan - ai11si que dans les différents instituts techniques et les académies militaires spécialisées. La destruction du régime tsariste fit naître de larges espoirs parmi les savants et les intellectuels, qui estimaient en général que l'avènement d'un climat de liberté allait favoriser le progrès universitaire et scientifique. Les premières années Ces espoirs furent vite déçus. Après avoir arraché le pouvoir à l'éphémère gouvernement provisoire, les bolchéviks entreprirent, par la violence, la transformation radicale de la société. D'abord les laboratoires restèrent vides, sans gaz ni courant électrique ; ils n'étaient même plus chauffés. Les étudiants partirent faire le coup de feu dans la guerre civile. Les professeurs, devant l'effondrement de leurs rêves de liberté et de démocratie parlementaire, se retranchèrent dans une sorte de résistance passive. Bien des savants se réfugièrent dans les régions encore occupées par les Blancs, pour s'exiler cns\lÎtc, •
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==