L. EMERY congrès du Syndicat national des instituteurs, il est apparu que les communistes détenaient le quart des mandats. L'arithmétique ne dit pas tout, à beaucoup près ; un marxisme plus ou moins diffus, plus ou moins sollicité à l'avantage de l'Union soviétique tend à se répandre du haut en bas de l'Université comme s'il s'agissait d'une vérité indubitable qu'on donne ouvertement pour telle sans cesser pour autant de jeter feu et flamme au nom de la neutralité scolaire contre quiconque prétendrait enseigner le thomisme ou l'idéalisme chrétien. Soit consciemment et méthodiquement, soit dans le demi-jour des formules scientistes et d'un progressisme mal défini, l'école accorde à la propagande communiste un concours d'une inestimable importance. On se doit d'analyser avec le plus grand soin un fait aussi inquiétant. Faut-il se contenter d'une explication quelque peu mécanique? L'école fut d'abord radicale, puis, nous l'avons vu, chercha son centre de gravité du côté du socialisme jauressiste ; aujourd'hui elle penche vers le communisme. N'y aurait-il là que le phénomène bien connu de la poussée vers ce qu'on dit être la gauche, du changement des étiquettes politiques et, dans une moindre mesure, dans une mesure très variable, des pensées qu'elles recouvrent? Parler ainsi, c'est résoudre le problème en le supprimant; on ne saurait trop répéter que cette évolution vers le communisme n'est point du tout générale, qu'elle est depuis plusieurs années remplacée dans la classe ouvrière française par un mouvement de désaffection et de méfiance, qu'il faut donc revenir aux gens -d'école et se demander ce qui leur est spécifique. La réponse ne se dérobe pas derrière des voiles très épais. Une fois de plus il faut commencer par l'obsession laïciste. Les grandes espérances suscitées par le triomphe électoral du « Front Populaire » aboutissent en quatre ans et presque jour pour jour à la défaite, à l'invasion et aux funérailles de la République. Selon le sentiment de nombreux instituteurs et professeurs, un nouveau Mac-Mahon règne à Vichy et instaure un nouvel « ordre moral». Cette conviction, d'abord hésitante ou muette, se renforce lorsqu'on voit se développer contre les universitaires d'extrêmegauche une persécution relativement bénigne mais souvent injuste et presque toujours maladroite, lorsque est annoncée l'intention de supprimer les écoles normales, enfin et surtout lorsque s'accuse le dessein de redonner place officielle à l'Église. Dans ces conditions, la libération prit valeur d'une éclatante revanche républicaine, antifasciste et anticléricale, à laquelle les communistesse flattaientd'avoirdécisivement Biblioteca Gino Bianco 5 contribué ; elle devait pourtant être suivie d'amères déceptions. On croyait, aux élections de 1946, assurer le monopole du pouvoir au front commun socialiste-communiste, mais ces prévisions furent mises en déroute par la modeste rentrée des radicaux et bien plus par le succès retentissant de la démocratie chrétienne. A travers les fluctuations ou les inversions de la vie parlementaire, il fallut désormais constamment compter avec un parti qui, si désireux qu'il fût de se tourner vers la gauche, ne pouvait trahir la religion dont il se réclamait. Les changements imposés par le rapport des for ces ont ainsi créé un malaise chronique. Les milieux dont le laïcisme est la charte ne se consolent pas de voir les lois sur les congrégations tomber en désuétude, l'État subventionner les écoles confessionnelles et des catholiques avérés admis dans les conseils gouvernementaux ou même appelés à la magistrature suprême. Pour eux, que de scandales ! Or il est patent que socialistes et radicaux devenus ou redevenus partis de gouvernement ont dû pactiser avec la démocratie chrétienne, tandis que les communistes, à l'aise dans l'opposition, pouvaient se prévaloir d'une farouche orthodoxie anticléricale, ce qui ne les empêchait nullement de prodiguer sur d'autres plans les avances aux « chrétiens progressistes ». Tous ceux qui n'ont pu se guérir de croire que Rome demeurait l'ennemie jurée de la liberté de conscience et que la consigne gambettiste avait toujours force impérative quémandent donc des appuis auprès de ceux qui s'offrent avec audace. Et ils paient par la sympathie, la confiance déclarée ou la . , . , connivence res1gnee. D'autres désillusions, à peine moins mordantes, ont joué dans le même sens. La période 19441947 fut en France, comme en bien des pays, une période révolutionnaire ; mais les révolutions mécontentent toujours ceux qui les ont souhaitées, car elles ne sont pures et grandioses que dans l'attente ou la légende. Voici qu'étaient réalisées bien des réf ormes pour lesquelles on avait passionnément combattu : nationalisation des moyens de production et des « trusts », extension du droit syndical et des lois sociales, généralisation des conseils d'entreprise. On n'en était que plus amer devant les privilèges de l'argent, la persistance de la misère en certains secteurs, le désordre endémique, l'insécurité mondiale. Encore un faillite, l'éloignement du mirage, le report à plus tard des « lendemains qui chantent », tandis que les gouvernants reprennent l'antienne connue, l'exhortation à l'effort, à la modération, à la patience. Ils ont cent fois raison, bien peu d'audience. La déconvenue, l'irritation, l'augmen- •
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