Le Contrat Social - anno II - n. 1 - gennaio 1958

6 tation des dés"ïrs et des besoins, la conviction bien ancrée que l'enseignement n'est pas traité selon ses mérites, l'accoutumance à l'action syndicale et même à la grève, entretiennent dans l'Université, fille chérie du régime, une opposition latente qui dispose à mieux entendre la démagogie communiste, inépuisable en récriminations et en promesses. Les chevaux de bataille sont toujours les mêmes : l'anticapitalisme qui sert à rendre haïssable la présence américaine,_ le pacifisme dont on tire argument pour les mêmes fins, l'élévation du niveau de vie des masses, doctrine reliée par de grosses ficelles à l'apologie du marxisme, la démocratisation de l'enseignement qui à travers des modalités. variables vise à étendre l'emprise de l'école su_r la nation, à faire r~gner sur toutes autres disciplines les sciences expérimentales et la pensée matérialiste, à favoriser plus encore l'école officielle par rapport à l'enseignement libre sur lequel on étend les contrôles puisqu'on ne peut l'interdire. Une tradition d'abord libérale puis socialisante et ouvriériste qui a pris la valeur d'un credo, puis un faisceau de circonstances bien faites pour jeter le trouble dans les esprits, expliquent donc les gains considérables réalisés dans l'Université par les agents du parti communiste et, ce qui revient au même, du soi-disant « Mouvement de la Paix». Les maîtres qui refusent l'enrôlement direct n'en sont pas moins dans bien des cas préparés par la nostalgie de l'union des gauches et le rêve de l'union des peuples à des collaborations dont ils ne voient pas qu'ils sont dupes. Une fois de plus d'ailleurs, l'individualisme démontre ses faiblesses et ses vacillations. Au début du siècle Anatole France rejoignait le socialisme, ce qui était paradoxal mais inoffensif et préfigurait des démarches moins anodines. N'avons-nous pas vu en notre temps les chefs de file du romantisme libertaire, André Gide, Romain Rolland tomber pour plus ou moins longtemps, et non sans dommage, dans les filets du stalinisme? Plus près de nous encore, un Sartre, ancien professeur de philosophie, ne l'oublions pas, prétend demeurer fidèle à son anarchisme, ce qui n'empêche qu'en pratique et sur presque tous les points il s'associe aux campagnes des hommes de Moscou. On songe au raccourci prophétique et symbolique dessiné . par Dostoïevski dans les Démons : le père est un honnête professeur libéral de style quarantehuitard, vaniteux, puéril, chimérique et bonasse ; le fils est un nihiliste immoral et cynique, un révolutionnaire professionnel en quête du tyran dont il sera, s'il réussit, l'éminence grise. Comme i 1 arrive bien souvent, l'art en ses exagérations mêmes dévoile de terribles vérités. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT- SOCIAL Mais tout cela dit ou suggéré tant bien que mal, il faut bien revenir à une lancinante. question. Pourquoi des intellectuels, des .. universitaires sont-ils plus crédules, plus portés à la confusion des valeurs . que les ouvriers et les paysans ? Étant admis leur idéal gauchiste et progressiste, comment peuvent-ils croire que la réalisation de cet idéal dépend d'un régime dont les forfaits sont aujourd'hui reconnus par ceux-là mêmes qui en ont été les témoins et les complices, d'un parti français dont les palinodies, la bassesse et la servilité devraient leur donner la nausée? On ne saurait trop s'arrêter devant pareille énigme, .s'appliquer à une étude psychologique et sociologique de la caste des intellectuels et de leur action politique. Disons seulement, pour ne considérer que des mobiles honorables, qu'un intellectuel, un demiintellectuel plus encore, · surtout lorsqu'il se pique d'être cartésien, est par définition celui qui réduit les objets à des principes et à des idées générales. Il s'estime satisfait lorsqu'il a construit une logique, disposé en bon ordre une suite d'abstractions. Peut-être ce penchant est-il particulièrement visible en France puisqu'on y a constamment situé l'idolâtrie des arrangements verbaux et des formules qu'on dit universelles. Dans ces conditions et malgré tous les avertissements, toutes les leçons de l'expérience, . l'intellectuel ne parvient pas à voir la réalité d'un système, la corruption d'un régime, le mensonge des mots, l'impudence des propagandes; il n'est à son aise qu'en parlant du communisme en soi, qu'en opposant dans le vague et dans le vide la droite à la gauche, le fascisme à la démocratie, le capitalisme au bien-être populaire. S'il subsiste des difficultés, la dialectique fournit réponse à tout, car elle apporte la certitude que les vérités sont en devenir et que le sens de l'histoire ne peut être altéré. Après quoi les esprits forts ont toute licence de railler le providentialisme ou de remarquer ironiquement que Hugo écrit Progrès avec une grandiose majuscule qui tient lieu.,de justification... • Nous AVONS- DIFFÉRÉ l'examen ou" dur moins la mention d'un aspect du problème qui à lui seul exigerait tout un livre. L'un des fléaux de notre époque, l'une des folies les plus explo-_ sives, c'est la volonté d'accélérer outre mesure ce qui ne peut se passer du temps, c'est-à-dire l'accession à la culture. Déjà dans tous les pays, en France comme ailleurs, il en résulte la multi-

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