Le Contrat Social - anno II - n. 1 - gennaio 1958

4 était faite que l'Université gauchiste formait désormais un État dans l'État. Des cent vingt mille instituteurs, les trois quarts faisaient partie du puissant Syndicat national, vingt mille au moins du parti socialiste où ils jouaient un rôle des plus actifs. Encore convient-il d'ajouter que parmi ces derniers comptaient la plupart des dirigeants et que beaucoup d'entre eux se montraient partisans de l'unité d'action avec les communistes, alors adeptes de l'internationalisme prolétarien, de la destruction du traité de Versailles et des insurrections coloniales. Deux épisodes illustrent suffisamment les conséquences de ces attitudes. D'abord l'action menée en faveur de ce qu'on appelait l'école unique. Dans son livre sur la République des professeurs, Albert Thibaudet a montré que le grand public s'était en somme désintéressé de cette querelle de pédants à laquelle il n'avait rien compris; elle n'en fJit pas moins très vive, fertile en équivoques et en obscurités. Il s'agissait de faciliter l'accès des pauvres aux degrés moyen et supérieur de l'enseignement, chose louable pourvu qu'on la réalisât avec mesure et prudence en tenant compte des exigences d'une vraie culture. Mais on eut en bien des milieux l'impression que l'esprit primaire et scientiste cherchait à se frayer des voies plus larges vers les sommets de la hiérarchie universitaire et que la démagogie s'insinuait de plus en plus dans les discussions. D'autre part l'occasion était bonne d'utiliser des termes ambigus et de soutenir que la seule école unique digne de ce nom, c'était l'école du peuple, égale pour tous, qu'avait préconisée Michelet, donc le monopole universitaire. Nul doute que si des soucis plus graves ou plus pressants n'avaient sollicité l'attention, on aurait vu se développer une nouvelle manœuvre visant à donner enfin aux lois Ferry ce que certains disaient être leur achèvement logique. Plus ostensible et plus fracassante fut, à partir de 1934, l'intervention du monde universitaire dans la bagarre entre fascistes et antifascistes. Il parut évident que la foi laïque et socialiste ordonnait de s'engager contre les imitateurs français de Mussolini et de Hitler. Ne voyait-on pas d'ailleurs se ranimer, se colorer tous les souvenirs fournis par la tradition libérale et radicale du siècle précédent? On constatera sans surprise que les dirigeants du Syndicat national des instituteurs travaillèrent au lancement de ce qui allait être le « Front Populaire » bien avant que les communistes se fussent, par ordre, ralliés à l'opération pour la faire servir à leurs fins propres. N'oublions pas de situer au centr~· du grand rassemblement une organisation Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL nouvelle qui eut presque valeur de symbole, le « Comité de vigilance des intellectuels antifascistes » dont il convient de préciser tout de suite qu'il se recrutait à peu près exclusivement dans le monde des écoles ; plus tôt, plus clairement qu'aucun autre groupement, il fut conçu de manière à signifier la fraternelle alliance des radicaux, des socialistes et des communistes. C'est à son président que revint l'honneur de patronner le premier et sensationnel meeting parisien où Daladier, Blum et Thorez conclurent dans l'émotion générale le pacte d'amitié des partis de gauche. Ce n'est pas le lieu d'évoquer les rivalités, les manœuvres, les fourberies qui devaient proliférer derrière le décor de l'union antifasciste et produire de ruineuses conséquences. Il suffit d'avoir montré que les universitaires se portèrent, et dans la plupart des cas en toute bonne foi, à ce qu'ils croyaient être la pointe du combat. Il suffit aussi de rappeler que, voyant venir la seconde guerre mondiale, nombre d'entre eux se sentirent de plus en plus tiraillés entre le pacifisme et l'antifascisme car, nonobstant une dialectique fort creuse qui prétendait instituer le contraire en _axiome,la primauté du pacifisme conseillait des concessions aux puissances fascistes tandis que la primauté de l'antifascisme faisait admettre la fatalité, la nécessité raême, de la guerre idéologique. CE RETOURsur le passé était indispensable. Il permet de mieux comprendre la situation présente et, sous le paradoxe choquant, de retrouver une logique explicative. Nul doute que le communisme subisse déjà un vieillissement ·morbide, qu'en Russie même il soit ébranlé, que les satellites tirent sur les liens qui les rattachent à la planète centrale, que dans les démocraties d'Occident les ouvriers ne croient plus guère en lui. Il spécule, comme cela va de soi, sur l'entrée en lice des peuples affamés et igno,.. rants, mais on s'étonne de voir qu'en France notamment ses positions les plus fortes sont celles qu'il conserve ou améliore parmi les intellectuels et les universitaires. Faisons le point en quelques mots. Admettons que trois cent mille fonctionnaires dépendent aujourd'hui du ministère de !'Éducation natio.- nale : cinquante mille d'entre eux pour le moins cotisent au parti communiste ou à ses filiales. L'enseignement technique, les grandes écoles ont été particulièrement colonisés. Au dernier

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