Le Contrat Social - anno II - n. 1 - gennaio 1958

QUELQUES LIVRES Un memorandum IMRE NAGY : Un communisme qui n'oublie pas l'homme. Paris, Pion (Tribune libre), 1957. L'UNE DES CONSÉQUENCES, et non des moindres, de la mort de Staline est la révélation de ce qui se passe au sommet de la hiérarchie soviéto-communiste. Des faits longtemps inaccessibles sont désormais avérés. Déjà deux documents primitivement destinés aux cadres supérieurs du Parti ont trouvé le chemin de l'Occident : le discours secret de Khrouchtchev, puis le memorandum d'lmre Nagy. Ce memorandum a été écrit en été 1955 par l'ex-président du gouvernement hongrois à l'effet suivant : « ••• Je rédigeai cette étude à l'intention du Comité central, étude conçue comme une réponse détaillée, justifiée sur le plan des principes, aux accusations formulées contre moi devant le public le plus large.» Mais Nagy n'eut p,as la chance de pouvoir présenter sa défense devant le Comité central. Celui-ci le chassa du Parti sans l'avoir entendu, procédé qui étonna et indigna Nagy, eque 1 semblait considérer cette pratique comme norm ale pour les innombrables cas ayant précédé le sien, mais non pour lui-même. Cette «étude», écrite dans le jargon habituel du léninisme-stalinisme, est à la fois un plaidoyer pro domo sua et un acte d'accusation contre Rakosi. Les deux chefs hongrois avaient adhéré au parti bolchévik dès 1918 en Russie. Tous deux ont survécu aux sanglantes purges staliniennes et ont été hissés au pouvoir en 1944-1945 avec les tanks soviétiques. Lorsque le désaccord surgit entre Rakosi et Nagy, il porta exclusivement sur la tactique à suivre pour l'instauration du communisme. Selon le vocabulaire du milieu, Rakosi accusait Nagy de déviation «droitière-opportuniste» et Nagy riposta en taxant Rakosi et sa clique de déviation «gauchiste-sectaire ». Mais l'importance de ce livre n'est pas dans le récit des querelles à l'intérieur de la direction du PC hongrois. A l'instar du discours secret de Khrouchtchev, le memorandum de Nagy confirme une série de vérités élémentaires, obstinément niées par les communistes dans leur propagande quotidienne. Il montre ce qu'est le soi-disant monolithisme communiste, vu de l'intérieur : un panier de crabes. Il met à sa véritable place le prétendu internationalisme prolétarien et la fraternité des peuples socialistes, lorsqu'il brosse le tableau des relations plus que mauvaises de la République populaire de Hongrie avec deux autres républiques communistes, la Tchécoslovaquie et la Roumanie (sans o,ublier, en outre, la Yougoslavie). Quant à l'édification du socialisme et à l'élévation du niveau de vie pour le peuple travailleur, une seule phrase de Nagy suffit à en donner une idée : u Tandis que la production industrielle était portée, entre 1950 et 1954, de l'indice 150 à l'indice 300, en chiffres ronds (sur la base de 100 en 1938), le niveau de vie des travailleurs a baissé régulièrement jusqu'en 1953. » Biblioteca Gino Bianco. 59 Mais les révélations capitales de Nagy sont celles qui ont trait aux rapports entre le Politburo soviétique et le Politburo d'une démocratie populaire. Les faits divulgués par Nagy ne laissent aucun doute sur ce sujet (au moins pour la période 19531955) : le Kremlin donne des ordres, les chefs satellites les exécutent. Pour commencer, Nagy évoque à maintes reprises « les événements de juin 1953 survenus en Allemagne orientale, en Tchécoslovaquie, en Hongrie et ailleurs ... » Ceux-ci semèrent une véritable panique dans l'orbite soviétique, mais ne furent pas exploités en Occident, où d'ailleurs on ne les a jamais connus dans toute leur ampleur. Dans son memorandum, Nagy fournit de nombreux arguments et des témoignages personnels pour prouver que le cours nouveau inauguré en Hongrie en 1953 était l'œuvre de Moscou et qu'en sa qualité de dirigeant il devait tout simplement exécuter cette politique « libérale », de la même façon que Rakosi pratiquait précédemment une politique terroriste. Tout d'abord, la nomination de Nagy à son poste avait été décidée par le Politburo soviétique, dont les membres (y compris Béria) étaient réunis au complet en juin 1953 : La vérité est que ce n'est pas Matyas Rakosi, mais les camarades soviétiques Molotov, Malenkov et Khrouchtchev qui recommandèrent ma nomination, proposition que le camarade Rakosi et les membres de la délégation hongroise approuvèrent avec enthousiasme. ,.--Après avoir pris une décision, les maîtres soviétiques convoquèrent une « délégation » hongroise à Moscou pour la leur communiquer aux fins d'exécution. Tel fut le cas pour la dissolution des kolkhozes en Hongrie, que Molotov « suggéra » au nom du Politburo. De même ce fut Khrouchtchev qui «conseilla » la réhabilitation et la libér®on des communistes emprisonnés, lui encore qui en mai 1954 exigea l'application stricte du principe de la direction collective en Hongrie. En ce qui concerne la planification, c'est Mikoïan qui, en juin 1953, lors d'une séance au Kremlin, avait donné les consignes aux Hongrois et c'est Kaganovitch qui, une autre fois, s'en chargea au début de 1954, lors d'une autre entrevue. A la fin de 1953 et au début de 1954, les chefs soviétiques contrôlent l'exécution des ordres donnés: Malenkov critique Rakosi, et Khrouchtchev tance Gerô. Lorsqu'il s'agit de préparer le IIl 0 congrès du PC hongrois, le Politburo se rend à Moscou et reçoit les consignes nécessaires. Moscou décide de la ligne politique et de la composition personnelle de la direction; le congrès n'a qu'une tâche : ratifier les décisions déjà prises. A une occasion, Rakosi tenta de se tirer d'affaire avec une palinodie, en mettant les erreurs sur le dos de Béria (comme les héritiers de Staline le faisaient dans le même temps); ce fut pour s'attirer cette riposte de Khrouchtchev : En juin 1953, nous avons formulé une critiqu juste contre la direction du Parti hongrois. Cette critique reste entièrement valable. Pas moyen de se couvrir en mettant •

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