5.8· recueillant ici et là une phrase choisie... » Elle n'a pas eu le temps de lire Marx en détail, ni en gros non plus, :mais à l'instar de beaucoup d'autres, elle a eu le temps d'écrire un livre sur Marx. Elle ignore, notamment, que la théorie de la plus-value se trouve chez Sismondi, chez W. Thompson, chez Proudhon, et que par conséquent Marx n'a pas eu besoin de «tricher». Elle ·se trompe, d'ailleurs, dans son interprétation de la pl.us-value, qui n'est pas celle de Marx. Elle croit •que celui-ci a passé sous silence le rôle des techniciens et des patrons dans la production ; ce qui s'explique par la raison déjà dite, le manque de temps pour lire l'auteur qu'elle réfute. 1 Elle prête à Marx des thèses qu'il n'a jamais soutenues (non seulement sur la plus-value résultant -d'un vol et sur le travail patronal de direction, mais .aussi sur la valeur de l'œuvre d'art), voire qu'il a -critiquées (comme la «formule trinitaire » selon laquelle le capital produit le profit, la terre produit la rente et le travail produit le salaire). Elle n'a pas -compris le résumé dont elle s'est servie, celui de Borchardt, et qu'elle prend pour une traduction ... Ses intentions sont peut-être excellentes, notamment quand elle dénonce le totalitarisme soviétique. Mais elle rend un mauvais service à une juste cause en prenant les disciples de Staline pour des marxistes et en méconnaissant les disciples authentiques de Marx qui, au nom du marxisme, ont combattu les théories de Lénine depuis 1904 et le coup d'État bolchévik dès 1917. Elle lirait avec profit, puisque le temps lui est si mesuré, les -quelques pages consacrées au Manifeste de Victor ·Considerant dans le n° 3 du Contrat Social. L. LAURAT f National-communisme ~ Louis VALLON : L'histoire s'avance masquée. Préface de RENÉ CAPITANT.Paris, J ulliard, 1957, 151 pp. ON NE COMPRENDguère ce que l'auteur et le préfacier ont voulu prouver dans «ce livre de souvenirs et· de réflexions politiques », à part leur hostilité systématique envers les Etats-Unis et leur philocommunisme non moins systématique. M. Capitant tient le communisme, dont il déplore l'échec en France, pour l'une des forces qui veulent « arracher notre pays à des structures anachroniques, pour lui forger des institutions mieux adaptées à notre époque, pour l'orienter vers un nouvel avenir ... »Un avenir dont les camps de concentration soviétiques et le massacre des ouvriers et des étudiants hongrois, notamment, ont déjà présenté l'image séduisante. M. Vallon croit que les ÉtatsUnis entendent «assurer leur domination sur le monde»; pour les tenir en respect, il y a en France une «gauche réelle», laquelle «englobe nécessaiBiblioteca Gino Bianco LE CONTRAT. SOCIAL rement .:le parti communiste », faute de quoi elle ne serait « qu'un camouflage de la droite». A part cela, on a du mal à trouver un sen~ à oes pages dont M. Vallon reconnaît qu'elles n'appellent pas de conclusion «précise». Il y est beaucoup question de · masques, mais non du stalinisme masqué de patriotisme. Quant aux faits, il s'agit de s'entendre : «Un fait n'a, par lui-même, aucune signification. C'est l'homme qui interprète... » Ainsi, pour ne prendre que l'exemple de la Hongrie, le plus récent : «L'affaire hongroise, exploitée à fond par la droite, est une source d'inquiétude pour toute .la gauche ; elle n'est pas nécessairement le signe que la politique extérieure de l'URSS soit hostile à la France. »Donc, ce qu'a eu de fâcheux l'affaire hongroise, c'est son exploitation par la droite (et la droite, on le sait maintenant, c'est la gauche sans les communistes) ; d'où· l'inquiétude, non la réprobation, non l'indignation, non la sympathie pour les travailleurs insurgés, de la gauche ; inquiétude que M. Vallon s'empresse de dissiper, car suspecter la politique extérieure de l'URSS, serait faire preuve de perversion damnable. «De Gaulle, par décision des Américains, a été tenu à l'écart» du débarquement des Alliés en Afrique du Nord, se souvient M. Vallon. Or, «un fait n'a, par lui-même, aucune signification. C'est l'homme qui interprète ... »Décision des Américains ou de M. Winston Churchill ? Et pour quelles raisons ? Le lecteur reste dans l'ignorance, de même qu'il ne saura pas pourquoi la politique du pacte franco-soviétique, « loyalement poursuivie », aurait exclu « toute tentative d'hégémonie américaine sur l'occident de l'Europe». Loyalement poursuivie par qui? Staline, ce modèle de loyauté, est a priori hors de cause. On se demande quels sont les coupables. Le thème de la malignité américaine et celui de l'excellence soviéto-communiste ont déjà été largement traités et le seront peut-être encore à propos d'ouvrages plus substantiels. Ce livre de M. Vallon ne mérite qu'un instant d'attention à titre symptomatique. La tragique expérience des gouvernements de coalition établis après la guerre à Prague, à Varsovie; à Budapest, à Sofia, à Bucarest est déjà bien oubliée en France. Les toutes récentes tueries de Hongrie, qui se prolongent e11corede nos jours, n'ont guère qu'un inconvénient, semble-t-il, celui de susciter la protestation de la «droite». Les politiciens de toutes étiquettes qui, par nostalgie du pouvoir, veulent se concilier les bonnes grâces des communistes, s'empressent d'aller à Moscou et se pressent dans les salons de l'ambassade soviétique. Au· bout de la voie qu'ils préconisent, ils finiront bien par goûter aux délices d'un régime policier terroriste qu'ils pourront alors comparer à l'occupation allemande et à ce qu'ils ont le front d'appeler une occupation américaine. A moins qu'un opportun sursaut de dignité ne préserve décidément la France de cette ultime · déchéance en devenjr sous le masque de la gauche. SYLVAIN MEYER
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==