Le Contrat Social - anno II - n. 1 - gennaio 1958

QUELQUES LIVRES Plus attentifs, ses conseillers auraient également permis à Mme van der Esch d'éviter, ou de corriger, les erreurs qui foisonnent. 11 n'est pas très grave d'écrire de Man avec deux n, de croire que Gustave Hervé s'appelait Jules, de faire de De Brouckère un chef syndicaliste (pp. 12 et 70), de penser que la Russie cessa d'être belligérante après mars 1917 (p. 129), que Pierre Laval participa à la conférence de Kienthal (p. 125) *, que Bela Kun fonda la république hongroise des Conseils en octobre 1918 (p. 141), que la SFIO perdit soixantedix sièges aux élections législatives de 1919 (p. 143): c'est trente-cinq qu'il fallait dire, et comme le Parti recueillit 300 000 voix de plus qu'en 1914, on ne peut parler de «camouflet». Le télégramme de Zinoviev au congrès de Tours ne mentionnait pas Léon Blum en même temps que Longuet (p. 155), mais Paul Faure ; etc. D'autres erreurs sont beaucoup plus graves car elles portent sur des ensembles et témoignent d'une intelligence bien médiocre de l'évolution des partis socialistes. 11 n'est pas vrai, par exemple, que la victoire des sociaux-démocrates allemands au congrès d'Amsterdam en 1904 ait été une « fausse victoire » sous prétexte que, dans la pratique, la tactique imposée par la social-démocratie n'était pas très différente de celle que préconisaient Jaurès et les «révisionnistes» français (p. 51) : les décisions d'Amsterdam ont au contraire fortement infléchi l'action socialiste en France; elles ont détourné le mouvement socialiste français de sa voie d'évolution naturelle, et elles ont eu, de ce fait, des conséquences incalculables. N'est-ce pas d'elles que date la stérilité intellectuelle de la SFIO, même si l'admirable déploiement oratoire de Jaurès a réussi à cacher pendant dix ans le coup mortel porté au socialisme ? Au lieu de donner à Jaurès et à Vaillant une sorte de satisfecit parce qu'après 1905, et notamment à Stuttgart en 1907, «leur attitude plus décidée sur la question des menaces de guerre» fit d'eux «l'espoir [ ?] du mouvement socialiste international» (p. 100), Mme van der Esch aurait mieux fait de mettre en lumière et d'expliquer la contraê.liction manifeste entre les conceptions que Jaurès défendait en matière d'internationalisme, prêchant l'insurrection «au cas où la guerre éclaterait néanmoins », et celles qu'il développait lorsqu'il s'agissait de problèmes concrets posés au gouvernement français, exaltant alors la défense nationale (voir l' Armée nouvelle) ou préconisant la limitation des conflits (il y a sur ce point une petite brochure fort instructive de Félicien Challaye). Dans les congrès internationaux, c'était, en matière d'internationalisme, les propos de Bebel et d' Adler qui étaient «jauressistes », ceux de Jaurès que marquait un « révolutionnarisme » verbal si contraire à sa pensée. Peut-être trouverait-on la clé de l'énigme en rapprochant cette attitude de Jaurès de l'utilisation qu'il avait faite contre Guesde de l'idée de grève générale : il s'y était rallié, obtenant ainsi l'alliance de Vaillant, l'appui, fftt-il lointain, des anarchistes • Voir le post-scriptum. Biblioteca Gino Bianco 57 et des syndicalistes - ce qui lui permettait de tourner le Parti Ouvrier Français par la gauche. N'aurait-il pas transposé cette tactique sur un plan plus vaste, et tenté d'arracher l'Internationale à la tutelle des sociaux-démocrates en battant ceux-ci sur leur propre terrain, en ébranlant leur prestige révolutionnaire, en les tournant, eux aussi, par la gauche? On n'en voudra pas à Mme van der Esch de ne pas offrir de solutions à des problèmes de ce genre: elles sont toujours hypothétiques. Mais il est étonnant que ces problèmes eux-mêmes lui échappent. Sa philosophie de l'histoire est des plus courtes. On la caricaturerait à peine en disant que, pour elle, il existe une «doctrine socialiste» (p. 9) donnée une fois pour toutes et dont on s'écarte plus ou moins par opportunisme, par manque de courage, en tout cas par erreur (si le mot n'y est pas, la pensée affleure à tout moment). On aimerait que ce fût là l'illusion d'un historien apprenti : on craint d'y voir une marque de l'influence, lointaine encore, d'une idéologie de l'histoire dont les effets furent d'abord enrichissants, mais qui fait régner aujourd'hui dans la science historique un dogmatisme sectaire qui dessèche les intelligences aussi bien que les cœurs. ** GÉRARlDLAFERRE P.~S. - On pouvait espérer un moment qu'à quelque chose erreur serait bonne et que Mme van der Esch donnait enfin la source de la légende répandue par E. Dolléans ( Histoire du mouvement ouvrier, II,. Paris, 1939, p. 238) et par F. Borkenau (Der Europaische Kommunismus, Zurich, 1952) d'après laquelle Laval aurait été présent à Kienthal : « Trois parlementaires français, parmi lesquels Pierre Laval, se trouvèrent à Kienthal », écrit-elle p. 125, avec cette référence : Maxe, Jean : De Zimmerzuald au Bolchévis111e, Bossard, Paris, 1920, p. 53. Ce J. Maxe était-il donc le coupable? Or dans l'ouvrage indiqué, il est dit p. 53 : « 44 délégués y prirent part... 4 Français à " titre personnel ", dont 3 députés instituteurs : Raffin-Dugens, Brizon, A. Blanc et Guilbeaux. » Le mystère cc Laval à Kienthal » reste donc entier et se double d'un autre : celui des méthodes de travail de Mme Patricia van der Esch. ,, Faute de temps ... ,, HENRIE.TTE-ÉLISABETGHASCHET: Marx a triché. Paris, Librairie ·Art et Pensée, 1955, 158 pp. ON N'EN FINIT PAS d'écrire sur Marx et le marxisme, mais rarement en connaissance de cause. Le petit livre de Mlle Gaschet s'ajoute à une série déjà très longue et qui ne contribue pas à l'intelligence du sujet. Elle avoue, d'ailleurs : « J'ignore, faute d'avoir le temps de le lire en détail, ce que Marx a écrit en longues dissertations sur les méfaits [sic] du capital, mais je m'en doute en •• Il a déjà été rendu compte dans le dernier numéro du Contrat social (novembre 1957), de la préface de M. Georges Bourgin au livre de Mme van der Esch.

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