Le Contrat Social - anno II - n. 1 - gennaio 1958

34 On peut se rappeler aujourd'hui que certains des tableaux les plus brillants jamais présentés à l'étranger par les hôtes de l'Intourist le furent pendant les années les plus sombres de l'enfer stalinien, évoqué naguère par Khrouchtchev : celles où Staline procédait à la collectivisation forcée, au massacre des « koulaks » et aux ~terribles épurations qui suivirent. Des milliers de visiteurs consciencieux parcouraient alors l'Union soviétique, euphoriquement, sans rien voir. La terreur, la famine, l'esclavage et autres atrocités dévoilées depuis lors leur échappèrent entièrement, dissimulés qu'ils étaient derrière le joyeux spectacle officiel d'une nation en marche vers le progrès. Si l'on en savait déjà quelque chose à l'époque, ce ne fut pas du fait des touristes. Hospitalité organisée Les voyageurs en Chine sont confiés au bureau de voyages officiel, le China International Tourist Service, qui dépend de la SPCRCE (Société populaire chinoise pour les relations culturelles avec l'étranger). Cette institution, analogue au VOKS soviétique, fut établie en mai 1954 par le ministère des Affaires étrangères ; elle travaille en liaison avec le ministère de la Culture ainsi qu'avec diverses organisations cc de masses»; l'une de ses tâches principales est de gérer les associations dites des « Amis de la Chine populaire » qui lui servent de prête-nom dans les pays étrangers pour distribuer la propagande communiste chinoise et qui aident à organiser les voyages en groupe au cc pays du sourire ». La SPCRCE fournit les interprètes, ménage les entrevues, met en scène les effusions d'amitié, et accorde en général aux hôtes de la Chine l'hospitalité et les attentions les plus flatteuses. Le produit net de cette industrie est la publicité gratuite qui est faite à l'étranger par bien des non-communistes, et plus généralement le fait que le régime de Mao bénéficie, en Occident, de ce qu'on appelle «une bonne presse». Depuis trois ans qu'existe la SPCRCE, des progrès très sérieux ont été faits sur le plan du tourisme politique. L' Intourist chinois annonçait, le 21 février 1957, que les visiteurs du monde entier seraient désormais accueillis sans distinction de nationalité ; en fait., des efforts particuliers étaient dirigés vers les pays asiatiques (surtout le Japon et l'Inde), et l'on commençait à amadouer l'Amérique latine. En 1955, . selon un rapport officiel., plus de 4700 voyageurs provenant de 63 pays s'étaient donné rendez-vous en Chine, et cet effectif, pendant l'année 1956, fut porté à plus de 5200 personnes «représentant» 75 pays; sur ces 5200., on comptait, d'après l'Association pour l'Amitié sino-japonaise, 1243 ressortissants nippons. 2 Certes, ces chiffres-sont-assez bas, si l'on songe que la Grande-Bretagne, par exemple, a reçu la même année plus d'un million d'étrangers; mais, plus 2. New China Agency, Pékin, 10 janvier 1957. BibliotecaGinoBianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE que le nombre, c'est le statut social des visiteurs qui compte ; c'est leur influence sur l'opinion publique en tant que maîtres à penser, savants, écrivains, professeurs, hommes politiques ou « personnalités »diverses; c'est l'effet de choc, la « sensation » causée ·par leur retour ; ce sont les récits de voyage que publient les éditeurs et les journaux; c'est enfin l'intérêt qu'inspire le puissant État communiste de la Chine continentale. Tout cela contribue (avec d'autres facteurs encore) à valoriser, bien au delà d'un simple élément statistique, cet aspect des relations chinoises avec l'étranger qu'est le tourisme politique. LA PLUPART des «délégations» et des «touristes» isolés accèdent à la Chine via Hong-Kong. Dès l'instant qu'ils traversent la frontière à Choumtchoun et prennent le train pour Canton, ils sont l'objet d'une attention vigilante, et leur voyage est conduit selon toutes les règles de l'art. Un témoin, Saïlakumar Mukherjee, a raconté que, pour accueillir à Choumtchoun les trente-cinq membres de la «délégation amicale indienne » de 1954, le secrétaire général adjoint de la SPCRCE et celui de l'Amitié sino-indienne s'étaient déplacés tout exprès de Pékin et accompagnèrent la délégation durant tout son séjour. 3 Suivons le guide La plupart des hôtes «font » la Chine en une vingtaine de jours. Il en est cependant qui demeurent jusqu'à un mois et plus, voire deux mois. Le trajet habituel a lieu en train, de Canton à Hankéou, puis à Pékin, avec retour en avion (ou inversement). Un bon tiers, ou même la moitié du séjour est consacré. à Pékin même, où se succèdent visites, réceptions, conférences, soirées, meetings, manifestations «culturelles »et excursions rapides hors de la ville. Le reste du temps se passe selon divers programmes. Pour ceux qui veulent ausculter ·le «cœur » industriel de la Chine, il y a un voyage en Mandchourie., très demandé ; pour les amateurs de derricks, il y a, en Chine occidentale, le nouveau bassin pétrolier de Youmen ; et pour les curieux de pièces montées architecturales, Tchoungking, la capitale du temps de guerre, exhibe une combinaison particulièrement ostentatoire d'hôtelpalais de la Culture. On peut aussi se rendre en pèlerinage au village natal de Mao et parler à son oncle, ou pJutôt, paraît-il, à celui de ses «oncles » qui est de service à ce moment-là. Enfin, beaucoup de visiteurs font un crochet par Changhaï et Hang-Tchéou avant de revenir à Hong-Kong. Mais en dépit des variations brodées sur ces thèmes, la plupart des rapports écrits au retour d'un voyage , 3. Ce voyage fut organisé oar l'Association oour l'Amitié sino-indienne. Saïlakumar Mukherjee, A Visit to New China ( Calcutta, A. Mukherjee and Co), 1956, J). 7.

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