LE VOYAGE EN CHINE par Richard L. Walker PENDANT QUELQUES MOIS, le gouvernement de Mao a étonné le monde par l'apparente sincérité de certaines confessions publiques ; il a fait état - implicitement et explicitement - des fêlures, des tiraillements, des résistances et des troubles qui ébranlent la Chine communiste. Ces aperçus ont donné de la situation actuelle une idée plus proche de la vérité, et, du même coup, font ressortir la fragilité d'impressions illusoires, dont beaucoup de visiteurs étrangers avaient bercé l'opinion. L'école des touristes Nous pensons, par exemple, à ce groupe de voyageurs occidentaux qui, repassant par Hong-Kong en avril 1957, parlaient à qui voulait les entendre de l'enthousiasme déployé par la jeunesse chinoise au service du nouveau régime. Précisément au même moment, la presse de Pékin commençait à rendre compte - non sans précautions ni réticences - de manifestations hostiles d'étudiants et de grèves universitaires dans les principales villes chinoises. Un peu plus tard, le 2 juin 1957, à New Delhi, un groupe de sept enquêteurs indiens faisait connaître ses conclusions. Passant outre aux réserves exprimées par deux des membres, leur rapport -soulignait le « succès » de la coopération agricole chinoise, exaltait son caractère volontaire, montrait la ferveur qu'elle avait suscitée dans le peuple, et recommandait l'adoption par l'Inde d'un programme analogue afin d'accroître la production agricole. Le malheur voulait que ce rapport se trouvât livré au public alors que déferlait sur la Chine une nouvelle vague d'« autocritique». Les autorités communistes constataient une résistance paysanne largement répandue ; elles condamnaient les excès de contrainte et de violence commis sur Biblioteca Gino Bianco le front de la « coopérativisation » forcée. Peu après, de nouvelles données officielles parvenaient : il était question, cette fois, de récoltes amoindries, de réduction du cheptel et même de famine. Récemment encore, un cc observateur critique des réalités chinoises » (dans un article daté de Singapour, et publié par une revue occidentale très appréciée pour ses récits de voyage), se fit l'écho de la victoire des communistes chinois sur l'analphabétisme; hélas! les communistes chinois eux-mêmes choisirent ce moment pour se démentir et révéler les nombreuses lacunes dans leur campagne contre l'ignorance, encore prédominante, des masses illettrées. Ce n'est pas que (dans les cas ci-dessus, comme dans bien d'autres) les voyageurs en Chine « populaire» n'aient procédé à d'honnêtes efforts concertés et persévérants pour s'en tenir aux faits. Les erreurs de leurs comptes rendus - paradoxalement mises en lumière par les communistes eux-mêmes - montrent simplement que ces efforts étaient illusoires dans les conditions du cc tourisme organisé » ; et cela engage à n'utiliser qu'avec réserve les informations des visiteurs d'un pays totalitaire. Dans les méthodes appliquées aux observateurs étrangers, le régime de Mao se sert fidèlement des techniques mises au point par les Soviets, depuis quelque quarante ans, dans l'usage des circuits préparés, des associations camouflées, des cc délégations culturelles », enfin et surtout du monopole des moyens d'information et de communication. 1 Les résultats obtenus sont surprenants. 1. Pour une bonne analyse de ces techniques savamment combinées, et de leur développement en URSS, voir Louis Nemzer/ « The Soviet Friendship Societies », Public Opinion Quarter y, vol. 13, n° 2, 1949, pp. 265-284. Les méthodes modernes utilisées par les Soviets en matière de diplomatie culturelle et d'accueil des visiteurs sont prés ntées avec compétence j)&r Frederick C. Barghoorn, « The USSR : Monolithic Controls at Home and Abroad », in S. Neumann (Ed.)"- Modern Political Parties (Chicago, University of Chicago l'ress), 1956, pp. 254 sqq.
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