Le Contrat Social - anno II - n. 1 - gennaio 1958

A. BENNIGSEN . Propos timides encore, mais qui trouvent un écho considérable. Le xxe congrès du Parti jeta une grande confusion dans l'historiographie soviétique, les historiens ne sachant plus quelles thèses il convenait de rejeter comme staliniennes et quelles autres devaient être conservées et développées comme léninistes. Pendant cette période d'incertitude totale, parut dans le n° 3 (mars 1956) des Voprosy lstorii l'article d' A. M. Pikman, « De la lutte des montagnards caucasiens contre les colonisateurs tsaristes ». Cet article, publié après la chute de Baghirov, laisse prévoir un retour aux anciennes thèses marxistes de Pokrovski : ... Le parti communiste nous enseigne une attitude respectueuse envers la lutte des peuples asservis pour leur souveraineté politique et pour leur indépendance nationale. Or, depuis quelques années, on observe chez nous des abandons de cette conception marxisteléniniste, notamment dans les ouvrages consacrés à l'histoire des peuples du Caucase. Pour certains historiens, la lutte des montagnards caucasiens est un phénomène .réactionnaire, bien que cette attitude aille à l'encontre des faits et des documents historiques. Et Pikman invoque l'autorité de Marx pour réha ... biliter Chamil : En interprétant les faits de cette époque (1834-1849), nous devons partir de l'intérêt de la révolution en Europe occidentale et en Russie. Lénine a précisé qu'« en 1848 et dans les années qui suivirent, le principal souci de la révolution était la lutte contre le tsarisme ». C'est précisément pour cela que Marx et Engels soutenaient la lutte menée par les montagnards contre le tsarisme. Pi.kman accuse Baghirov et les autres adversaires du muridisme de mauvaise foi : ... Certains auteurs ont accusé ceux qui considéraient le mouvement des montagnards comme un mouvement libérateur d'avoir « négligé les déclarations formelles de Marx et d'Engels ». Ces auteurs invoquaient comme principal argument ces références à Marx et à Engels pour déclarer le mouvement des montagnards réactionnaire et à la solde de l'étranger ... Pikman démontre qu'en réalité il n'en était rien. Marx et Engels accusaient les dirigeants anglais et turcs de ne fournir qu'une aide très insuffisante aux montagnards. En prenant position contre la Russie tsariste, Marx défendait les montagnards caucasiens. Marx estimait que la prise du Caucase et la répression du soulèvement polonais étaient les événements les plus graves survenus depuis 1815 et l'archiréactionnaire congrès de Vienne, graves du point de vue de leur influence néfaste sur la révolution. L'attitude de Marx et d'Engels à l'égard du mouvement des montagnards exprimait le sentiment de toute la démocratie révolutionnaire et de l'ensemble du mouvement ouvrier international. Pikman conteste également l'importance objective et le sérieux des documents invoqués par Baghirov et ses successeurs pour démontrer que le Biblioteca Gino Bianco '15 mouvement des montagnards avait été déclenché par des agents de renseignements étrangers et présentait un caractère réactionnaire. Il affirme au contraire que le muridisme était un mouvement populaire de masses. « L'islam, écrit-il, fut au Caucase un facteur de progrès dirigé contre l'aristocratie féodale. » Tout en reconnaissant les nombreuses «erreurs» commises par Chamil, Pikman insiste sur son rôle positif : ... Nous ne pouvons naturellement passer sous silence les faiblesses du mouvement ni les défauts et les erreurs de Chamil. Non seulement il ne réussit pas à créer une administration véritablemen~ démocratique, mais il se montra incapable, encore qu'il le tentât, de refréner le pillage éhonté auquel se livraient les naïbs. ... De semblables défauts et erreurs ont été communs à nombre de mouvements de libération nationale. Ainsi une des principales raisons de la défaite essuyée par le soulèvement polonais de 1863 fut l'incapacité ou le refus des chefs du mouvement de rompre définitivement avec les féodaux et de défendre les intérêts des paysans. Cela ne nous empêche cependant pas de considérer le soulèvement polonais comme un mouvement de libération nationale. Devons-nous dénier ce même caractère au mouvement des montagnards et le considérer comme réactionnaire pour la seule raison que Chamil n'a pas réalisé des réformes démocratiques radicales? Non, bien sûr. Les intérêts des montagnards coïncidaient avec ceux des travailleurs russes. Ils avaient un ennemi commun, le tsarisme. Et Pikman termine son article par une attaque directe et violente contre l'esprit chauvin et impérialiste grand-russien qui caractérisait l'historiographie de l'époque stalinienne : L'affirmation du caractère réactionnaire du mouvement des montagnards pour leur indépendance sous la direction de Chamil procède d'un esprit impérialiste et ne contribue pas au raffermissement de l'amitié entre les peuples. Malgré la violence directe de l'article de Pikman, les travaux consacrés au muridisme caucasien restèrent ambigus jusqu'à l'été de 1956, car les historiens, habitués à recevoir des consignes strictes et bien définies du Parti, étaient en plein désarroi. Les événements agitant le monde arabe compliquaient encore la situation. Des doutes pouvaient surgir sur le fait de savoir dans quelle mesure il était possible de critiquer l'islam et de traiter le mouvement national et religieux des peuples musulmans de «réactionnaire». En été 1956, les autorités soviétiques, rompant définitivement avec le passé, décidèrent de réhabiliter Chamil et, à travers sa personne, tous les mouvements de résistance nationale des musulmans à la conquête tsariste. Ce revirement idéologique correspond à un moment très important de la politique extérieure de l'URSS. La pénétration économique et politique au Moyen-Orient commence : l'amitié du monde communiste pour les Arabes et l'islam est sans

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