• P. LANDY définies qu'après entière discussion et que pour le moment « la tâche principale est le renforcement des syndicats ». Le 27 juillet, Kadar - en répétant, par l'organe du N epszabadsag, que << la direction de toute l'économie doit rester strictement centralisée » - a donné le coup de grâce aux dernières illusions que l'on pouvait. avoir sur le rôle réservé aux conseils. ,, Donner et retetiir ne vaut" Alors que les concessions politiques accordées par le régime à ses débuts étaient de simples promesses verbales qui n'ont reçu aucun commencement d'exécution, il n'en a pas été de même sur le plan économique ; là, dans certains domaines, de notables apaisements furent accordés aux masses - pour être retirés par la suite. Pour se concilier les paysans - dont le calme relatif était indispensable au rétablissement de l'ordre et au ravitaillement - le gouvernement proclama qu'il ne procéderait pas à la reconstitution forcée des 2.455 «fermes collectives » (sur un total de 3.954) qui s'étaient dissoutes sur l'initiative de leurs propres membres au cours de la Révolution ; il ne chercha même pas à rétablir le système des livraisons obligatoires des denrées agricoles à l'État, système aboli par Nagy. De leur côté, les classes moyennes bénéficiaient d'un assouplissement des restrictions à l'ouverture de commerces privés et d'un allègement des mesures fiscales pesant sur le secteur «libre». Quant aux ouvriers de l'industrie, il leur fut accordé une augmentation de salaire, de 10 % en moyenne, leur permettant de profiter un peu des nouvelles facilités du marché paysan et artisanal . . Mais on ne tarda pas à serrer la vis du dirigisme économique. Sous la pression réitérée du régime, le nombre des collectifs agricoles est remonté à 2.544 au 1er juillet 1957, et la charge des impôts pesant sur la paysannerie n'a cessé de s'accroître. Les seules concessions dont jouissent encore les cultivateurs sont la suspension des réquisitions d'État et un léger assouplissement des conditions d'écoulement des produits agricoles sur le marché libre; encore ces ménagements risquent-ils de ne pas durer indéfiniment. Les autres classes sociales qui ont pu bénéficier un temps des dons du gouvernement Kadar sont sans doute plus mal loties encore. Voyant que l'économie centralisée périclitait, la presse partisane multiplia bientôt les appels en faveur d'un « sain équilibre » entre les salaires et la productivité, afin de ne pas « sacrifier l'avenir»; ce fut le prélude à la réintroduction officielle, le 1er août 1957, du vieux système détesté des brigades de choc et des normes de production, dont résultait en pratique une diminution immédiate de 10 % sur les salaires réellement payés dans l'industrie; du même coup, les ouvriers d'un grand nombre d'usines furent mis en demeure de rembourser à l'État « les augmentations de salaires qu'ils avaient reçues d'une ma1tière injustifiée» (Nepszabadsag, 1 cr aoftt 1957). • BibliotecaGinoBianco 317 Quant aux boutiquiers - qui, pendant les six premiers mois après la révolution, avaient pu respirer et qui ne sont en tout que 37.000 (chiffre officiel pour l'ensemble du pays) - la presse du régime aujourd'hui ne cesse de les attaquer et la fiscalité a été alourdie. Rien de tout cela ne contribue à ramener le bien-être, la sécurité et l'efficacité dans le pays ; au contraire, l'économie hongroise est maintenant dans une situation encore plus sombre qu'à la veille de la révolution. Les réserves et les stocks n'ont pu être reconstitués, les futures recettes d'exportation sont hypothéquées, et d'immenses difficultés se font sentir tant dans le commerce de détail que pour le financement des importations. Selon les propres déclarations de J anos Incze, ministre du Commerce extérieur, le bilan largement déficitaire des rapports commerciaux avec l'étranger ne peut être équilibré que par l' « aide fraternelle » des autres pays communistes. Cette assistance extérieure a jusqu'ici permis d'éviter le pire ; mais il est douteux qu'elle puisse assurer un assainissement durable. II DEVANT LE FAIT que le régime Kadar gouverne la Hongrie en dépit de la volonté manifeste de presque toute la nation, une question se pose d'elle-même. Com1nent cela est-il. possible ? Sur quelles catégories sociales le régime s'appuie-t-il pour dominer le pays? Il serait absurde de supposer qu'une demi-douzaine d'hommes de paille soutenus par Moscou peuvent à eux seuls faire fonctionner tout l'appareil de l'État. Les assises du régime Le régime, de toute évidence, s'appuie en premier lieu sur ceux dont la fortune, la carrière et la sécurité sont indissolublement liées au sort de l'organisation communiste et de sa domination dans le passé, le présent et l'avenir. Ce sont ceux qui, prisonniers de leur situation, ont choisi d'être contre leur peuple du côté de l'occupant russe lorsque les tanks soviétiques sont venus rétablir l'ordre social dont ils étaient les gardiens et les bénéficiaires.Sans l'intervention russe, la situation des familles attachées au sort des permanents syndicaux et des fonctionnaires politiques, des militaires et des policiers, des organisateurs et des spoliateurs patentés par le Parti, eût été compromise par la révolution ; ce sont elles qui constituent la classe à la fois asservie et dirigeante de la « société sans classes ». Bien que leur pourcentage soit faible dans l'ensemble de la population, les carriéristes de la machine administrative constituent toujours une force considérable, occupant les postes-clé du régime ; si, au lendemain de la révolution, l'appareil communiste a pu se reconstituer si rapidement, c'est en grande partie grâce à la fidélité de ces cadres communistes à Kadar .
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