Pages oubliées LE COUP D'ÉTAT BOLCHÉVIK par Maxime Gorki A l'occasion du quarantième anniversaire du coup d'État bolchévik de novembre I 9 I 7, il sied de relire les pages trop oubliées qu' écri,z;it à l'époque Maxime Gorki, dans son journal Novaïa Jizn. Comme l'a noté John Reed dans son livre préfacé par Lénine, Dix jours qui ébranlèrent le monde : « Parmi les intellectuels, seuls Lénine et Trotski étaient pour l'insurrection. Même les militaires y étaient opposés. » L'opération à main armée qui imposa la volonté des révolutionnaires professionnels bolchéviks à la population passive suscita la réprobation de tous les milieux socialistes, et même parmi· les léninistes traditionnels fidèles à leurs principes. Maxime Gorki (r868-r936) n'est pas un témoin et commentateur suspect aux yeux des communistes. La dernière biographie officielle publiée à Moscou du « plus grand représentant de l'art prolétarien », comnie le définit Lénine, le qualifie de «fondateur de la littérature du réalisme socialiste, père de la littérature soviétique». Le Dictionnaire Encyclopédique cité (Moscou, I 95 3) ajoute : << Adhérant aux bolchéviks, Gorki devint l'ami et compagnon le plus proche de V. I. Lénine et de J. V. Staline qui exercèrent une énorme influence sur le développement idéologique de l' écrivain. » Dès le début du siècle, Maxime Gorki avait sympathisé avec les social-démocrates groupés autour de l'Iskra, dont Lénine était l'un des inspirateurs et des principaux rédacteurs. Par la suite, les deux hommes se lièrent d'estime et d'amitié, mais leurs relations politiques ne furent pas toujours celles d'un accord parfait. Même rallié aux bolchéviks, dans l'émigration, Gorki gardait sa liberté d'esprit et, après la révolution de r905, avec A. Bogdanov et A. Lounatcharski, il fonda à Capri une école socialiste pour ouvriers russes où l'enseignement de la philosophie s'écartait du matérialisme historique étriqué de Lénine. Celui-ci répondit en créant une école rivale à Longjumeau. La révolution de mars I9I7 ramena tous les émigrés socialistes en Russie et, tandis que Lénine rééditait sa Pravda, Gorki publia la Novaïa J izn, de tendance « socialiste-internationaliste » et « zimmerwaldienne » d'extrême-gauche (dont S. Lozovski, puis B. Souvarine furent les correspondants à Paris). Il y donna les articles reproduits ci-après, avant la suppression de toute liberté de la presse par le gouvernement de Lénine. Ils figurent dans un recueil des Écrits de Révolution de Gorki, publié par la Librairi·e Stock en 1922 (traduction d'André Pierre). A LA DÉMOCRATIE LES MINISTRES socialistes, relâchés; de la forteresse Pierre et Paul par Lénine et Trotski, sont rentrés chez eux, laissant leurs collègues Bernatski, Konovalov, Terechtchenko et les autres au pouvoir de gens qui n'ont aucune idée de la liberté individuelle, des droits de l'homme. Lénine, Trotski et leurs adeptes sont déjà intoxiqués par le poison corrompu du pouvoir, comme le prouve leur attitude honteuse vis-à-vis de la liberté de la parole, de l'individu et de cet ensemble de droits pour le triomphe desquels a lutté la démocratie. Des fanatiques aveugles et des aventuriers sans €onscience se précipitent tête baissée, soi-disant sur la voie << de la révolution sociale », mais en réalité sur la voie de l'anarchie, de l_aruine du prolétariat et de la révolution. Sur cette voie, Lénine et ses acolytes se croient Biblioteca Gino Bianco permis de commettre tous les crimes, tels que le massacre dans la banlieue de Pétrograd, le pillage de Moscou, la suppression de la liberté de la presse, des arrestations en masse, toutes sortes de turpitudes que faisaient Plehve et Stolypine. * Évidemment, Plehve et Stolypine agissaient contre tout ce qu'il y a de vivant et de sain en Russie ; derrière Lénine marche une partie assez considérable - pour l'instant - de la classe ouvrière, mais je crois que la raison de la classe ouvrière, que la conscience de sa mission historique lui ouvrira bientôt les yeux sur la vanité des promesses de Lénine, sur toute l'étendue de sa folie, et sur son anarchisme à la Netchaïev et à la Bakounine. La classe ouvrière ne peut pas ne pas comprendre que c'est avec sa peau, avec son sang, que Lénine * Ministres sous le ts_arisme. - N. d. l. R.
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