( . MAXIME LEROY ET LA CLASSE OUVRIÈRE par Hyacinthe Dubreuil UN HOMME vient de disparaître, sans bruit, et pour ainsi dire avec la modestie discrète qui fut la règle de sa vie. C'est pourquoi quelques amis seulement, parmi les plus chers, ont pu le suivre jusqu'à son tombeau, encore frappés de stupéfaction par cette fin rapide qui ne pouvait leur apparaître que prématurée. Prématurée malgré son grand âge, car jusqu'aux derniers jours, Maxime Leroy montra une activité bien propre à faire illusion et à chasser de l'esprit la pensée qu'il pouvait cesser d'animer autour de lui le cercle de ses familiers. Maxime Leroy laisse une œuvre considérable, où culminent les travaux qu'il consacra à la mémoire de Sainte-Beuve. Mais laissant l'examen de son œuvre littéraire, on évoquera seulement ici l'autre point culminant de ses travaux, c'est-àdire ceux qui constituent sa participation à la littérature sociale et, au-dessus de tous, son grand ouvrage sur La Coutume ouvrière. Ouvrage qui restera classique par la valeur et l'étendue de la documentation unique qu'il contie11t. A tous ceux qui prétendent s'occuper des organisations ouvrières, on ne peut que recommander la lecture préalable de ce livre. La Coutume ouvrière est au fond un ouvrage bien différent des compilations que nous sommes accoutumés à voir paraître sur le syndicalisme. C'est une enquête approfondie et consciencieuse sur les origines des organisations ouvrières et la..,.formation de leur pensée, mais une enquête poursuivie par un homme qui, s'il ne fut pas directement mêlé à l'action sociale, la vivait cependant avec une sympathie si ardente qu'on Biblioteca Gino Bianco aurait presque pu le compter parmi ses militants. Pendant qu'il travaillait à cette enquête, il fréquentait assidûment les syndicats ainsi que les syndicalistes les plus actifs, les plus intelligents de cette époque. Grâce à ce contact étroit qui lui faisait mieux pénétrer la pensée des hommes du travail, il put réaliser une œuvre capitale, résultat d'une recherche co11sidérable. On y voit que Maxime Leroy a consulté une masse énorme de documents originaux, dans lesquels il suit avec une grande intelligence, et une sympathie évidente, l'évolution des organisations ouvrières. Il constate avec admiration le sens juridique qui présida à la rédaction des statuts des organisations syndicales, dont l' élaboration fut lente, mais progressa au cours du dernier siècle avec u11e continuité dont Maxime Leroy marque toutes les étapes. Si on ouvre un livret de syndiqué, écrit-il, on lit au début son statut particulier q11i frappe par l'harmonie de son agencement, le détail de ses règles, l'ordre véritable enfin, et par une sorte d'ardeur qui se trahit sous ses mots ; œuvre de juristes, non sans imperfections, il est vrai, à laquelle on peut reprocher quelques redites ou obscurités. Mais quelle loi est claire et sans conteste? Reconnaissons ici l'imperfection commune à toutes œuvres juridiques. Elle n'est point d'essence syndicale ... Ces quelques lignes montrent à elles seules, par leur esprit de justice, de quelle manière Maxime Leroy étudie cette grande manifestation de la vie ouvrière. S'il l'examine avec la compétence du savant et la sérénité du philosophe, il y ajoute un esprit de sympathie qui rend son intelligence plus hautement compréhensive •
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