NOTES DE LECTURE DANS son numéro 18, Diogène groupe une série d'articles dont le commun dénominateur paraît être la révision d'une conception mécaniste-instrumentale propre à la vulcanocratie du x1xe siècle : conception d'un monde à fouiller et à exploiter, à saccager au besoin pour la plus grande gloire d'une efficacité sans contenu, alors que l'antique -vocation de l'homme est de contempler et de conserver l'équilibre des choses. Dans sa « Biologie de l' [œuvre d']Art », Wladimir Weidlé ne s'attarde même pas à rejeter la notion fonctionnaliste du moindre effort appliquée à l'accomplissement d'un programme rationnel, fini, donné d'avance. Il dépasse la notion cristalline ·du Gestalt pour s'élever à celle d'un organisme, que son « irrégulière régularité», sa surdétermination ou « surabondance » formelle, enfin sa structure intime faite d'un « tissus de tensions vitales », rapprochent davantage des êtres vivants individuels que des machines et de leurs produits. De même, examinant « Les Rapports de l'homme et du monde» sous l'angle de la participation à une totalité, Ming Wong et Pierre Huard insistent sur les rapports d'analogie, et non point de causalité, sans lesquels une image satisfaisante du cosmos ne saurait A • , • • , etre 1nter1or1see. Distinguant « le domaine animal » ( Umwelt) propre à chaque espèce, et « le monde humain » ( Welt) avec ses valeurs, Raymond Ruyer rend honneur au dépassement universaliste (par rapport aux valences instinctives liées à l'utilisation du milieu biologique) et il exalte la sympathie élargie et la soumission au monde qui lui paraissent caractériser notre espèce à l'état de civilisation. Prenant la question par un autre bout, Denis Sinor envisage « Les Barbares», à travers la notion qu'en ont eu les diverses civilisations historiques ; et, sans paraître faire aucun effort de généralisation, il n'en suggère pas moins, comme traits fondamentaux de la barbarie, le nomadisme (ravageur du milieu naturel), l'intolérance (ravageuse des cités), et la tendance de l'homme à marquer son passage terrestre par des destructions. Plus décevant est l'essai de Jacques Ellul sur « Information et Propagande» que l'auteur représente comme indiscernables en théorie et inséparables dans la pratique. Des études de Jan de Vries sur « L'État actuel des Études sur la Religion germanique », et de Paul-Henri Michel sur les « Cosmologies de la Renaissance » complètent un ensemble de textes dont les suggestions convergent fort heureusement sans que cette rencontre ait rien de forcé ni d'artificiel. LA REVUE The Twentieth Century, de Londres, n° de juillet, donne un article de J. Erickson sur « The Soviet BibliotecaGinoBianco Military Purge», c'est-à-dire sur le massacre, ordonné par Staline, de quelque 30.000 officiers de l'armée rouge en 1937 et dans les années suivantes. Sans rien apporter de nouveau, et même en produisant des affirmations erronnées qui ne s'appuient sur rien, l'article conclut pourtant à « un élément de folie dans la méthode employée pour détruire le haut commandement soviétique» et constate avec raison : « En 1937., les généraux ont été fusillés pour des crimes dont ils n'étaient pas coupables». Il est évident qu'aucun complot militaire n'a motivé le crime de Staline, pas plus que les autres crimes du même ne s'expliquent par les prétextes officiellement invoqués. De trahison., d'espionnage, de terrorisme, il ne saurait être question non plus. Enfin., il n'y a certainement pas eu de procès., fût-il truqué., pour couvrir l'assassinat de Toukhatchevski et des autres. Tout ce qui a été raconté en Occident à ce sujet sortait du cerveau détraqué de Staline. Staline a tué des milliers de militaires pour les mêmes raisons que celles qui l'ont incité à tuer des millions de civils. Entre l'exécution de Toukhatchevski et celle de Zinoviev, ou celle de Boukharine., la différence n'est que de forme, non de fond. Aussi est-il erronné de traiter séparément « The Military Purge» comme s'il s'agissait d'un cas particulier., alors que la dite tuerie n'était qu'un épisode de la tuerie d'ensemble par laquelle Staline a « liquidé » tous les cadres supérieurs., civils ou militaires, du parti de Lénine et de l'État soviétique d'avant la guerre. M. Erickson se trompe donc complètement, malgré ce-qu'il y a de vrai dans sa conclusion., quand il cherche diverses explications à la « purge » dans les divergences de conceptions stratégiques ou tactiques passées. Il se trompe aussi en faisant état., sans esprit critique., d'ouvrages sans valeur qui font écho aux mensonges staliniens attribuant des complots imaginaires aux victimes de la rage homicide du tyran. Il se trompe enfin et entretient la confusion sur le sujet traité en discutant toutes sortes de questions., techniques notamment, qui n'ont rien à voir avec le sang versé. D'ailleurs., le discours secret de Khrouchtchev au xxe Congrès d.ti Parti a fait justice des calomnies de Staline., du Guépéou et des agents du Guépéou émigrés en Occident où ils trouvent des éditeurs pour répandre leur prose. Il suffit de savoir le lire. La « réhabilitation » nominale de Ian Gamarnik et de Robert Eideman par la presse de Moscou ne lave pas seulement deux généraux., mais aussi leurs prétendus « complices ». Khrouchtchev., sous une forme impersonnelle., a disculpé tout l'état-major que W. Churchill., après E. Bénès, a voulu salir dans une page de ses Mémoires qui ne lui fait pas honneur. ' •
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