Le Contrat Social - anno I - n. 4 - settembre 1957

L. EMBRY des ressources, la valeur de certaines réussites techniques autorisent un relatif optimisme. S'il est bien évident d'autre part que le régime politique de la France mérite les plus sévères critiques, généralise le. gaspillage, livre les grandes administrations à la cinquième colonne moscovite, favorise la conquête insidieuse par l'intérieur, il n'en est que plus intéressant d'enregistrer l'échec des grands assauts staliniens de 1947-1948, la résistance des gouvernements à l'asservissement total, puis la récente perte d'influence du parti communiste français et des syndicats qu'il manœuvre. Disons même qu'en dépit de fautes immenses et de revers douloureux la position impériale de la France n'est pas encore aussi fatalement compromise qu'on a tendance à le croire ; sur ce terrain qui tremble subsistent quelques chances d'une édification raisonnable, tenant compte des transformations qu'exige le siècle. Le témoin sans passion conclura donc que le destin de la France n'est pas scellé, que les forces de destruction travaillent en elle d'inquiétante façon, mais que d'autres forces, plus obscures, plus prof ondes peut-être, arrêtent la marche des lésions, préservent l'essentiel, et opposent l'instinct vital aux dissociations qu'opère l'intelligence égoïste, sceptique ou frelatée. La patience et l'énergie n'ont pas le droit de déserter le combat. Mais que vaut une spéculation sur l'avenir français qui prétendrait ne tenir compte que de _ la France? Croire qu'une vieille nation d' envergure très moyenne peut aujourd'hui pratiquer l'autarcie et se fier à son dynamisme personnel, c'est archaïsme ou démesure; même si la France dans la meilleure des hypothèses maintenait son emprise sur l'Afrique, elle n'en serait pas moins en présence de responsabilités qui excèdent ses forces et insérée bon gré mal gré en des solidarités dont tout dépend. Il ne s'ensuit pas qu'on doive disperser son attention sur toute l'étendue de la planète ; non certes que tout ne soit lié, mais parce que la première règle de la sagesse pratique revient à concentrer ses efforts sur le terrain limité où ils peuvent donner les meilleurs résultats. Dans ses rapports avec les géants de notre époque la France ne peut guère que recevoir, subir ou résister, selon les cas d'espèce; se flatter de jouer un rôle déterminant serait de sa part mégalomanie et chimère. Par contre les zones ouvertes à ses initiatives et à l'intérieur desquelles elles ont chance d'être décisives sont l'Afrique d'une part et l'Europe occidentale de l'autre; cette dernière notamment est aujourd'hui le terrain d'élection des réciprocités fécondes et l'un des secteurs où l'avenir se préfigure avec le plus de rapidité. Biblioteca Gino Bianco 221 Que l'existence et le tracé du rideau de fer comporte de très douloureuses et dangereuses conséquences., rien n'est plus évident ; par ce malheur une occasion unique n'en est pas moins offerte aux hommes d'Occident. Ainsi que le remarque Jacques Pirenne, il se trouve que la frontière entre deux mondes, telle qu'elle est très approximativement marquée par le cours de l'Elbe, rejette vers l'Est l'Allemagne féodale et agrarienne du passé tandis qu'elle presse contre les pays atlantiques des régions germaniques depuis longtemps ouvertes aux influences occidentales et activement associées à l'édification d'une culture libérale. Ces considérations ne sont pas entièrement consolantes et, du point de vue de la tradition culturelle, font regretter bien plus encore que Dresde et Leipzig, Iéna et Weimar soient au pouvoir des Russes ; elles ont néanmoins une grande force attirante, d'autant plus que depuis peu la Pologne tente d'échapper à ses geôliers et de faire un pas vers cet Occident dont son catholicisme séculaire la rapproche obstinément. Un coup d'œil jeté sur la carte et sur l'histoire montre donc quelle chance exceptionnelle est offerte à l'Europe et comment elle peut devenir bien autre chose qu'une expression géographique. On a dit cent fois que les résultats d'une complète intégration européenne seraient incalculables. Sur un territoire assez exigu, ce qui n'est pas forcément une faiblesse., il y aurait désormais une puissante collectivité, disposant d'un potentiel très élevé., d'une main-d'œuvre excellente et de cadres techniques de premier ordre. L'importance du résultat prévisible, le caractère anachronique des vieilles frontières nationales en Occident., devraient s'imposer à tous les esprits et faire tomber tous les obstacles ; mais on sait bien qu'il n'en est rien et qu'il faut compter avec une pesante hérédité historique., avec le souvenir paralysant des divisions et des guerres. Pour que naisse l'Europe libre, habilitée à retrouver son rang parmi les grandes puissances et à mener une politique qui lui soit propre, encore est-il nécessaire que s'éveille un patriotisme européen. Gardons-nous de l'illusion des technocrates ou des partisans simplistes du matérialisme historique; il leur arrive trop souvent de croire que des conventions économiques engendrent l'union totale et ils prétendent expliquer l'Allemagne impériale du siècle dernier par la conclusion du Zollverein. 11 y a là une erreur manifeste et l'on ne saurait trop rappeler que le ralliement des petits États germaniques à la formule du marché commun s'opéra dans les limites d'un territoire qui jouissait de l'unité

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