Le Contrat Social - anno I - n. 2 - maggio 1957

QUELQUfil LIVRES Le communisme aux Indes JOHN H. KAUTSKY: Moscow and the Communist Party of lndia. New York, Technology Press et John Wiley & Sons, 1956, 202 pp. M. R. MAsANI : The Communist Party of lndia. New York, Macmillan, 1954, 251 pp. JAWAHARLANLEHRU a dit un jour du parti communiste indien qu'il était « le plus stupide des partis communistes du monde». Quand ce parti fut sur le point de se désagréger en 1949, l'un de ses vétérans, P.C. Joshi, s'écria que «la victoire en Chine est la gloire du communisme mondial; l'effondrement des communistes indiens, sa honte». Et le livre de Minoo Masani, avec sa relation des infortunes du CPI, a inspiré à un critique du Times of lndia cette exclamation : «Quelle ombre falote des grands partis communistes du monde que le parti communiste indien!» Jusqu'ici le bilan est en effet assez triste ; mais dans le paysage politique volcanique de l'Inde, quid de l'avenir? Des événements imprévus pourraient mettre en avant une nouvelle direction communiste ayant des possibilités toutes nouvelles. Dès lors, malgré tous ses aspects vains, l'expérience des communistes indiens mérite l'examen le plus attentif. Il y a trois ans, Masani avait fait œuvre de pionnier en publiant sa chronique de l'histoire du Parti indien depuis l'origine. En 1956, John Kautsky a examiné sa ligne sur une période plus limitée, de 1945 à 1954, comme exemple de la nature des relations communistes internationales. Nous avons ainsi la bonne fortune d'avoir sur ce sujet vital deux excellents livres qui se complètent. KAUTSKY retrace de façon très pénétrante l'apparition d'une stratégie communiste toute nouvelle pour les régions économiquement peu développées. Il montre que les luttes intérieures du PCI reflètent une lutte plus large dans le mouvement communiste international. D'une part, il y a les stratégies bien connues de l'extrême gauche et de l'extrême droite. A ces «orthodoxies» s'oppose le formidable défi du nouveau « néomaoïsme », devenu la stratégie opérante du communisme indien et finalement des partis communistes dans les régions peu développées. Selon la définition de Kautsky, le néo-maoïsme exige que les partis communistes exercent la même attraction nationale multi-classe que les communistes chinois, mais sans imiter nécessairement la révolte de l'armée rouge de Mao Tsé-toung. La nouvelle stratégie tient que la lutte armée peut ne pas être nécessaire dans d'autres régions économiquement peu développées; la situation locale Biblioteca Gino Bianco 131 serait déterminante dans chaque cas d'espèce. En tout état de cause, maintient Kautsky, la violence n'a pas grand'chose à voir avec la distinction essentielle entre le néo-maoïsme et la stratégie de la gauche, qui considère le capitalisme comme son ennemi permanent, ou de la droite, qui épouse la politique du « front unique par en haut » avec les dirigeants d'autres partis. L'élément distinctif du néo-maoïsme est « son appel direct par ''en bas", c'est-à-dire sans passer par les partis bourgeois à des éléments de la bourgeoisie». Avec une combinaison de classes pouvant ainsi s'unir contre l'ennemi étranger commun, l'impérialisme occidental, la stratégie néo-maoïste est de toute évidence bien faite pour servir les intérêts de la politique étrangère de l'URSS. « En bref, déclare Kautsky, la guerre froide a pris la place de la lutte des classes». Le néo-maoïsme déforme ainsi le marxisme à le rendre méconnaissable. En même temps, il est une conséquence logique de la théorie léniniste selon laquelle l'impérialisme est un phénomène propre à un certain stade du capitalisme, théorie devenue, comme l'a fait remarquer Benjamin Schwartz, « le lien entre le marxisme-léninisme et les ressentiments asia- • tiques )>. Dans son premier chapitre, Kautsky classe d'une façon schématique les traits saillants de chaque stratégie communiste. Il cite comme texte fondamental le rapport de Mao Tsé-toung au Comité central du parti communiste chinois en décembre 1947, dans lequel il est dit : Partout où s'étend le pouvoir politique de la Nouvelle Démocratie, ces classes [la petite et la moyenne bourgeoisie] doivent être protégées fermement et sans hésitation. Tout ce que la Nouvelle Démocratie vise à éliminer est le féodalisme et le capitalisme de monopole, la classe des propriétaires terriens et la bourgeoisie bureaucratique, non le capitalisme en général ni la petite et la moyenne bourgeoisie. Comme l'un des jalons sur le chemin du triomphe de la stratégie néo-maoïste en Inde, Kautsky s'arrête d'abord sur les réunions de 1947 à l' Académie des sciences de l'URSS. A ce moment, les stratégies de gauche et néo-maoïste coexistaient à Moscou et l'Union soviétique était si préoccupée des problèmes européens d'après-guerre qu'elle « ne s'intéressait apparemment pas assez à l'Inde pour se donner la peine de formuler... une ligne du Parti à l'intention des communistes indiens ». De leur côté, les communistes indiens juraient encore leur amour au « progressiste » Nehru quand Jdanov, dans son rapport à la réunion du Kominform en septembre 1947, proclama sa doctrine des cc deux camps » et la rupture avec la stratégie de droite. Bien qu'on supposât généralement que la ligne Jdanov annonçait un retour à la stratégie de gauche, Kautsky fait remarquer que malgré tout son verbiage anti-impérialiste, Jdanov ne fut jamais expressément antibourgeois; en fait il semble avoir délibérément ouvert la porte au néo-maoïsme.

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