128 ((a presque doublé au cours du x1xe siècle »2 et que Julian Borchardt enregistre pour la seule période de 1900 à 1910 un accroissement du salaire réel français de l'ordre de 10 % 3 • La constatation de Mlle Mossé qu'à partir de 1865., l'élévation de la composition organique du capital <( se po11rsuit moins nettement » (p. 321) n'affecte que la composition-valeur., qui est d'ailleurs plus facile à chiffrer., tandis que la composition matérielle continue de s'élever irrésistiblement. Il y a là une lacune que l'auteur aurait intérêt à combler. Mlle Mossé dispose d'un outillage doctrinal insuffisant. Quelle que ·soit sa connaissance du Capital et de l' Histoi.re des doctrines économiques., elle ne suffit pas aujourd'hui pour traiter de la théorie marxiste. Il faut connaître aussi les continuateurs de Marx ... ou bien n'en point parler. On ne doit pas., dans un ouvrage scientifique., présenter le marxiste cc légal » russe Boulgakov (transformé par une coquille en (< Boulganov ») comme un populiste (p. 89)., prêter à Rosa Luxembourg les « tierces personnes » (p. 88) chères à Pierre Struve., ni faire de Hilferding et de Tougan-Baranovski des partisans de la théorie de la sous-c611sommation (p. 120). On ne doit pas trancher le problème de la réalisation de la plus-value (pp. 88-92) en se référant aux seules remarques sommaires de Lénine sans mentionner ceux qui ont réellement participé., dans un sens ou dans l'autre., à cette longue et importante controverse : Pannekoek., Otto et Hélène Bauer., Boukharine., Dvolaïtski., Piletski., Sternberg., Grossmann., Werner Alexander., Jürgen Kuczynski (et l'on en passe). On n'est pas en droit non plus d'interpréter certains passages du Capital de Marx dans le seul sens de la. paupérisation absolue., alors que les économistes bolchévistes eux-mêmes ne la considéraient pas comme une loi permanente : pour ne citer que deux exèmple_s., M. Ostrovitianov., coauteur du Manuel d'économie pob:tique moscovite de 1954., cité fort complaisamment par Mlle Mossé (p. 129)., s'inscrivait en faux contre la paupérisation absolue en 1929 4 ., et M. Jürgen Kuczynski., présentement dictateur culturel aux ordres de MM. Pieck et Ulbricht., la jugeait hors de saison dès 1926 5 • Ce serait trop den1ander peut-être à une étudiante que d'exiger d'elle la connaissance de toutes ces controverses théoriques. Au moins serait-il nécessaire qu'elle ne portât pas de jugement avant de s'être dûment informée. Mais on perçoit., dans son travail., un refus assez net de s'informer aux sources authentiques et de ne recourir qu'à des références dénotant une mentalité « engagée ». On hésiterait à l'écrire si son livre était une compilation médiocre., mais l'exposé de la théorie de Marx et 2. F. Sternberg : Der Jmperialismus (Malik-Verlag, 1926). pp. 530-532. 3. J. Borchardt: Welthandel und Weltwirtschaft; p. 167 de l'édition russe publiée sous le titre Nakoplénié Kapitala (Gosizdat; 1926). · · 4. Lapidus et Ostrovitianov : Précis d'économie politique _(Édit. sociales internationales), pp. 103 et 315. . - _5•• Jürgen Kuczynski.: Zurück zu Marx (Hirschfeld, Le1pz1g), pp. 127-129. BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL la manière de manipuler les statistiques témoignent d'une intelligence évidente. Est-il concevable qu'un esprit aussi lucide fasse figurer., en annexe bibliographique., un écrit de Staline sous la rubrique : · (< Marx et ses principaux [c'est nous qui soulignons] disciples »., et cite comme référence (p. 61) un politicien de bas étage dont le nom seul est une souillure sur l'ouvrage? Mlle Mossé estime., à juste titre., que le Capiral de Marx a besoin d'être « complété » (p. 231)., et elle cherche ces compléments (qu'elle qualifie d'« enrichissements » - p. 232) chez Lénine et chez ... Staline. Dans la dernière partie de son livre., on trouve tous les slogans pseudo-théoriques de la période stalinienne., tels que le « développement inégal » (mentionné par Lénine dans son ·Impérialisme et dont Staline fit par la suite une « loi >i)., ·ou la « priorité de la production des moyens de production »., ou encore la « loi » du profit maximum. Mlle Mossé sait ce qu'est une loi économique (elle le dit à la page 102); elle devrait donc savoir que la « loi » du profit maximum « découverte » par Staline est une insanité. Un simple coup d'œil sur un seul alinéa de n'importe quel écrit de Staline suffit pour révéler que rien ne le qualifie pour figurer comme référence dans un ouvrage scientifique., et Mlle Mossé donne tre9 de preuves de ses capacités pour qu'on lui fasse l'injure de croire qu'elle prend Staline pour un savant et un théoricien. Son visible refus de se documenter ailleurs qu'aux sources bolchéviques., ou mieux : staliniennes., prive la dernière partie de son ouvrage de tout caractère scientifique pour en faire de la<(littérature engagée». En consacrant cette dernière partie aux analyses marxistes portant sur le capitalisme post-marxien, Mlle Mossé ne cite - en plus de la prose du Staline de 1952 - que L' Impérialisme de Lénine., étude que celui-ci n'avait jamais considérée comme une analyse théorique., ·mais comme un exposé de faits s'inspirant des vues théoriques de Hobson et de Hilferding (à ce propos., Mlle Mossé mentionne Hobson, mais passe Hilferding sous silence., bien que tous deux figurent côte-à-côte à la première page de l'opuscule de Lénine). Est-il possible de . parler 4'une interprétation marxiste de l'économie contemporaine sans exposer., sommairement., les théories - et cette fois-ci il s'agit bien de théories au sens le plus sérieux du terme - de Hilfe·rding., de Boukharine., de Renner., de Sternberg., et même de Varga? 6 Il est décevant d'avoir à conclure sur des observations de cette nature. ·, LUCIEN LAURAT 6. Karl Kautsky n'est pas à citer dans cet ordre d'idées parce que, au cours des vingt dernières années de sa vie, il se préoccupa davantage · des problèmes historiques que des problème : économiques · ··
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==