Le Contrat Social - anno I - n. 2 - maggio 1957

Quelques Croissance et paupérisation ÉLIANE MossÉ : Marx et le problème de la croissancedans une économiecapitaliste, préfacé par ÉMILE JAMES. Paris, Armand Colin, Coll. cc Études et mémoires », 1956, 250 pp. L'AUTEURa le mérite d'exposer une thèse économique centrale de K. Marx à une époque où, plus encore que dans le passé, trop de gens parlent du marxisme sans avoir pris la peine d'aller aux sources. Elle résume les lois et co11tradictions du développement capitaliste telles que Marx les formule dans le Capital et dans l' Histoire des doctrines économiques; après quoi elle s'applique à vérifier, en se fondant sur une surabondance de statistiques, quelques points précis et essentiels, notamment la paupérisation absolue et relative, l'élévation de la composition organique du capital, la baisse du taux de profit. Déterminée à se limiter au marxisme de Marx et au capitalisme du x1xe siècle, Mlle Éliane Mossé arrête ses recherches statistiques à la veille de l'autre guerre; peut-être eût-il été plus indiqué d'en rester au début du siècle. Son exposé de la théorie économique de Marx est concis et clair. Elle a réussi à faire tenir en 130 pages, sans rien oublier d'essentiel, 1 e fonctionnement de l'économie capitaliste, sa dynamique interne et ses mouvements contradictoires. La ma11ière dont elle présente les célèbres schémas du livre II du Capital - eritreprise vraiment ardue - témoigne d'une brillante intelligence. Il est vrai que le débroussaillement accompli par Rosa Luxembourg lui a facilité la tâche, 1 mais cela ne diminue en rien son mérite propre. Le résumé de la théorie marxiste des crises révèle également une incontestable maîtrise du sujet : il est aussi objectif que possible en un domaine où les théoriciens marxistes eux-mêmes ne sont pas d'accord entre eux quant au « cœfficient de pondération » qu'il convient d'attribuer à chacun des éléments constitutifs du phénomène. La distinction qu'elle fait (pp. 126-127) entre les causes « soudaines » et c, permanentes » de la baisse du taux de profit prouve qu'elle ne s'est pas contentée 1. Mlle Mossé se réfère à la traduction anglaise de L' Accunzulation au capital de Rosa Luxembourg en indiquant (p. 79) qu • la traduction française présentée par Lucien l.aurat est incomplète 11. Mlle Mossé confond ici de toute évidence notre ouvraac de 1930, qui n'est qu'un résumé, avec la traduction de Marcel Ollivier, publiée à la Librairie du ·rravail et dont seul le r,rcmicr tiers vit le jour. Biblioteca Gino Bianco . Livres de lire le Capital et l' Histoire des doctrines économiques, mais que son effort d'assimilation est réel. Son ouvrage n'en laisse pas moins une sensation de malaise au lecteur averti : on a l'impression d'une intelligence desservie par un outillage (tant statistique qt1e doctrinal) insuffisant et à sens unique. Sur le plan de la statistique, l'entreprise était évidemment des plus ingrates pour une époque (xrxe siècle et début du xxe) où les données chiffrées étaient fragmentaires et peu sûres. De cette documentation difficile à réunir Mlle lv..ossé n'a pas tiré moins de vingt-neuf tableaux et seize graphiques relatifs à l'évolution industrielle française en général et à l'industrie textile en particulier. Mais les conclusions qui s'en dégagent, Mlle Mossé le dit ellemême, sont incertaines et d'une signification limitée : les chiffres ne confirment que très partiellement les principales thèses de Marx. Il ne pouvait en être autrement puisque, à l'époque considérée quoique relativement libérale et conforme aux prémisses de Marx, les lois énoncées par celui-ci étaient viciées par l'expansion mondiale, génératrice de substantiels surprofits. Mlle Mossé cite d'ailleurs à ce st1jet Engels et Lénine, mais elle ne semble pas se rendre compte que ce fait rend illusoire son effort de vérification portant sur des lois suspendues par l'action des « causes antagoniques » que Marx énumère en se fondant sur Stuart Mill, et dont elle parle elle-même. Il n'y a donc point lieu de s'étonner qu'à partir de 1875 a tendance à la baisse du taux de profit soit l< difficilement observable >> (p. 231). Il est au contraire surprenant que Mlle Mossé s'efforce, dans ces conditions, de rechercher la paupérisation absolue et qu'elle croit même l'avoir démontrée au moins pour la période qui va de 1800 à 1870. Pour la période 1870-1913, cette paupérisation absolue lui paraît « moins facilement observable >> (p. 229). Elle devrait sérieusement recalculer les tableaux sur lesquels repose une conclusion aussi déconcertante, car si la paupérisation relative ne fait aucun doute, de nombreuses statistiques prouvent que non seulement il n'y eut point de paupérisation absolue, mais encore que le niveau d'existence de la classe ouvrière s'est très sens1:blement relevé pendant toute cette période. Mlle Mossé a négligé de consulter des théoriciens marxistes dont les travaux font autorité et qui ont fourni des données chiffrées en conradiction nette avec sa conclusion hésitante quant à la paupérisation absolue. C'est ainsi que Fritz Sternberg, sur la base d'une documentation solide, démontre que le salaire réel de l'ouvrier françai .

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==