. 86 de l'exposé ou parce qu'elles ont acquis une autonomie assez artificielle, ·instable, d'un ordre tout pratique. La spécialisation a joué ici comme partout dans le monde moderne ; ses conséquenèes ne sont pas toujours heureuses ; il faudrait les compenser par un effort de· synthèse. La connaissance dont on a à traiter comprend notamment la géologie de l'âge quaternaire, la géographie physique, la géographie zoologique et humaine ; les discjplines variées de la préhistoire, de l'anthropologie et de l'ethnographie; l'archéologie occidentale et africaine, depuis le Paléolithique jusqu'à l'âge du fer; l'archéologie préhistorique et historique de la Méditerranée et du Levant ; l'orientalisme, ou du moins ses aspects les plus occidentaux, tels que l'égyptologie, l'assyriologie, les études bibliques, les études islamiques ; la philologie appliquée aux diverses traditions littéraires du monde eurafricain ; la linguistique générale et comparée, qui trouve autour de la Méditerranée une matière si riche et d'une attestation si ancienne ; · les études chami tosémitiques, dont le rôle, à peine esquissé, est de ·coordonner les premières langues méditerranéennes et les parlers modernes, insuffisamment connus, de l'Afrique ; la sociologie, aux intérêts multiples, qui opère sur des notions puisées à toutes les sources mentionnées plus haut ; !'Histoire enfin, qui devrait_ - comme le· signifie la majuscule - incorporer toutes ces disciplines, dont elle procède, et qui comprend les histoires particulières qui ont -pour centre commun la Méditerranée éternelle : ,Haute Antiquité, Antiquité classique, époque ·chrétienne et musulmane, puis - avec les réserves formulées ci-dessus - les diverses histoires régionales ou nationales des peuples du monde ·eurafricain ; enfin les aspects en lesquels se nuance l'histoire générale : histoire économique, histoire des sciences, histoire .de l'art et des arts, histoire -des littératures, histoire · des croyances et des ·mythologies, des philosophies et des religions. Bref, c'est l'essentiel de l'héritage occidental que distillent les sciences de l'homme dans ce continent culturel[où se meut la France. IL N'EST p AS de discipline, sur cette r liste si longue et pourtant incomplète, où les recherches -·etles idées françaises n'aient eu un rôle de premier plan. Il suffira de rappeler quelques faits bien connus : la géologie, comme la paléontologie, comme l'anthropologie, ont commencé par être des sciences françaises ; la préhistoire a été fondée ·en France, sa terminologie, adoptée dans le monde entier, reflète encore aujourd'hui ses origines; la géographie de l'Afrique du Nord et du Sahara, l'aire la plus vaste dans la· zone en question, est œuvre essentiellement française ; l'archéologie orientale, en Égypte, a eu son premier animateur en la personne de Bonaparte ; dans l'archéologie èu Levant asiatique, les Frfu~çais ont été parmi les initiateurs :· la résurrection des langues et littératures de la Haute Antiquité a commencé BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL avec Champollion ; elle a abouti, dans les dernières années d'avant-guerre, à la découverte - française - des textes phéniciens de Ras-Shamra. Ainsi, depuis le x1xe ou le xv111e siècle, la France a fait figure de fondatrice des sciences de l'homme, tout particulièrement dans le domaine eurafricain. Mais depuis une ou deux générations, elle s'est laissée distancer. -L'Allemagne, plus récemment les États-Unis, sans compter les nations d'importance secondaire, ont réussi à se placer au rang ·de la France, ou parfois à surclasser la science française ; et cela dans les recherches concernant l'Eurasie et le Nouveau Monde, mais quelquefois même dans cet espace culturel eurafricain, traditionnellement français. Quelques illustrations : la géologie du xxe siècle, dont les théories et les découvertes intéressent la préhistoire humaine de !"Occident tout entier, a été dominée par des écoles d'inspiration allemande, anglo-saxonne, suédoise ; les grands noms tels que De Geer, Wegener, etc., y ont été rarement français. Dans la préhistoire la plus occidentale, où la France a tout fondé, évolution assez analogue : ainsi pour l' Ibérie, région importante, où des auteurs allemands tels qu'Obermaier ou Schulten ont fini par tenir plus de place que les Français, malgré les très grands mérites d'hommes tels que l'abbé Breuil. En Afrique du Nord, phénomène non moins frappant: ce sont des savants de France qui ont commencé l'étude de l'art rupestre dans l'Atlas et le Sahara préhistoriques ( il suffit de mentionner G. Flamand, E. Gautier). Mais ce sont les Allemands qui en ont apprécié toute la portée, c'est Frobenius et son école qui ont rattrapé, puis dépassé les précurseurs français. · De même pour les langues de l'Afrique du Nord : la plupart des données reposent sur des travaux français, mais ce sont des africanistes de· langue allemande qui ont tenté les premières synthèses chamito-sémitiques : Reinisch, Meinhof, Zyhlarz, auxquels la France n'a pu guère ajouter, avec retard, que le nom de Marcel Cohen. L'égyptologie est restée une science essentiellement française jusqu'au temps de Maspéro; elle a cessé de l'être ar xxe siècle. Certes, la France contemporaine a produit des égyptologues de première grandeur, Alexandre Moret, par exemple ; mais ce sont les Allemands et les Anglo-Saxons qui ont fini par donner le ton, avec Flinders Petrie, Breasted, Kurt Sethe, etc. En archéologie mésopotamienne, constatations analogues ; la préhistoire de l'Asie Occidentale, qui précède immédiatement les temps historiques et forme sous le nom de « protohistoire » une discipline autonome et toute moderne, est due à l'initiative française ; elle commence avec les fouilles de la « Délégation française » en Susiane et les premières généralisations de de Morgan. Pourtant, quelques dizaines d'années plus tard, la France s'est trouvée évincée, ou peu s'en faut, du domaine mésopotamien, où les archéologues anglo-saxons faisaient désormais la loi. Depuis l'établissement du mandat britannique en Iraq, ou sa transformation en État théoriquement indé-
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