Le Contrat Social - anno I - n. 2 - maggio 1957

A. Ç. HORON lisières, dont nous sommes témoins. A mesure que l'Europe devenait moins «française », elle se dégradait, se détruisait. Le problème est de savoir en quoi consistait autrefois l'ascendant de la France et ce qu'on peut faire pour qu'il puisse s'affirmer à nouveau. QN se bornera ici à un seul aspect de la question, mais particulièrement important : aux «sciences de l'homme». L'expression définit assez bien un ensemble de recherches, de découvertes, de préoccupations intellectuelles qui touchent aux sciences exactes et aux disciplines sociales. Elles participent à la curiosité scientifique désintéressée, mais aussi à ce besoin qu'ont les hommes et les collectivités humaines de se connaître et se comprendre. A mi-chemin entre la spéculation abstraite et la routine des simples techniques, les «sciences de l'homme » peuvent être appelées à jouer, au xxe siècle, le rôle qui appartenait naguère aux «humanités». Rôle d'harmonisation d'autant plus nécessaire que le monde moderne souffre davantage du déséquilibre introduit par l'hypertrophie des sciences appliquées et le développement gigantesque des puissances mécaniques. L'humanisme est peut-être la marque la plus profonde de la civilisation française, et ce n'est pas un hasard que l'expression : «··sciences de l'homme » soit d'origine française. L'aspect qu'on se propose d'examiner a donc toutes chances d'être caractéristique. Les disciplines historiques et la sociologie, l'archéologie, l'ethnographie, la linguistique, etc., tout ce vaste ensemble des sciences de l'homme ne peut être examiné avec fruit qu'à condition de le limiter dans le temps et l'espace. Certes, r l'esprit français a pénétré tous les domaines de l'histoire et de la préhistoire, les érudits et penseurs français ont presque partout fait œuvre de pionniers. Il y a cependant des zones géographiques où la contribution de la France à la somme des connaissances humaines est particulièrement importante. Parmi ces zones, le bassin de la Méditerranée. La moitié occidentale de l'Ancien Monde gravite, depuis les temps les plus reculés, autour de la grande mer intérieure ; la France y tient des positions essentielles - intellectuelles et territoriales ; et maintenant la collaboration ou la concurrence scientifique de l'Allemagne n'y interviennent guère. Cet ensemble naturel et culturel qu'on peut appeler eurafricain, et dont l'Europe même tire son origine à travers l' Antiquité classique, l'Orient de l'archéologie, la préhistoire de l'Afrique du Nord et de !'Extrême Occident, - tel est le milieu permanent où sont situés la plupart des intérêts de la France. C'est donc à la France de poursuivre l'étude de cette région, d'en pousser l'exploration scientifique, d'en préparer l'harmonie spirituelle, d'en inciter la prise de conscience. Car à une époque où il faut penser en «continents))' le continent français - au sens culturel - ne saurait être ailleurs que dans cette Eurafrique. Biblioteca Gino Bianco 85 L'esprit, ici, s'accorde avec les nécessités et possibilités pratiques. Les temps sont révolus où la France pouvait à elle seule déterminer - automatiquement, pour ainsi dire - la culture de l'Europe, voire du monde. Aujourd'hui il s'agit de faire porter l'effort principal dao~ des directions qui ne sont pas encore accaparées par les trois grandes puissances dont la masse humaine et matérielle est hors de proportion avec celle de la France. Culturellement autant que politiquement, les États-Unis influencent le Nouveau Monde, et avec le Commonwealth Britannique dominent les bassins des Océans, tandis que l'Union Soviétique tient les terres continentales de l'Eurasie. Même sur le plan de l'esprit, le rayonnement français ne peut plus s'exercer partout avec la même liberté qu'aux siècles précédents. Il faudrait le diriger d'abord sur la région du globe où il aurait encore toutes chances de pouvoir devenir, ou redevenir, la force culturelle prépondérante. L'EUROPEla plus occidentale, la Méditerranée, la moitié septentrionale de l'Afrique et enfin le Levant - telle est donc la zone à considérer. Encore convient-il d,en préciser les contours dans le temps. Les sciences de l'homme ne comportent aucune limite inférieure dans le passé, autre que celle des origines humaines. C'est dire que la préhistoire participe organiquement au tableau, et avec elle, les aspects de géologie et de géographie inséparables. Quant à la limite chronologique supérieure, vers le présent, elle ne saurait être tracée d'une façon uniforme à travers toutes les subdivisions de la zone eurafricaine. Du côté de l'Afrique et du Levant, il n'est pas utile, ni même toujours possible, de séparer le présent du passé. Ainsi l'étude du Sahara d'aujourd'hui va de pair avec celle de son climat et de sa civilisation préhistoriques. Ou, autre exemple, la linguistique chamito-sémitique, lorsqu'elle veut comparer deux langues mortes telles que l'égyptien et l'assyro-babylonien, doit opérer en grande partie sur des parlers africains qu'on ne connaît que dans leur état actuel. Sur les rives nord de la Méditerranée, les réalités contemporaines ne se rattachent pas toujours aussi directement aux faits «archéologiques». Pour l'Europe, dans beaucoup de cas tout au moins, il conviendra de s'en tenir au niveau du Moyen âge, voire de l'Antiquité classique. Interruption qui pourrait sembler artificielle, en principe. Mais il y a en outre de bonnes raisons pratiques : le monde romain, l'Europe moyenâgeuse et moderne intéressent de si près toutes les nations européennes qu'il faut s'attendre dans ce domaine à une très forte participation étrangère. Les études françaises, ici, se développeront dans des conditions sensiblement différentes de celles qui se présentent au sud ou même à l'est de la Méditerranée. LE TABLEAU embrasse des disciplines fort diverses, mais qui dépendent intimement les unes des autres ; on ne les sépare ici que pour la clarté

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==