Emile Vandervelde - La Belgique envahie et le socialisme international

UN MOINE GUERRIER 15 « Vous y rencontrerez », me dit-on, « un homme peu ordinaire. Hier, c'était un moine. Aujourd'hui, c'est un officier. Après de brillants débuts dans l'armée, il entra, un beau jour, dans un couvent de franciscains. La guerre l'y surprit et l'en fit sortir. Son froc jeté, il reprit l'uniforme, et le voici lieutenant, décoré pour fait de guerre, réclamant comme une faveur d'être envoyé à des postes pénibles et périlleux. » Nous partîmes donc, pour aller voir ce moine guerrier dans son ermitage. Une digue de fascines y conduit, reliant des îlots bouel}x, où l'on enfoncë jusqu'aux genoux. Pour les traverser, chaque compagnie dispose de quelques paires de hautes bottes en caoutchouc. La nuit était claire. Un mince croissant de lune se reflétait dans la lagune. Du côté de Nieuport, les Allemands lançaient des fusées lumineuses, pour éclairer leurs approches en prévision d'une attaque possible. Les canons ennemis grondaient au loin et, par-dessus nos têtes, les 120 longs français envoyaient leurs obus dans les cantonnements, de l'autre côté de l'Yser. Ils passaient en sifflant, comme des oiseaux, très haut dans le ciel. Après avoir marché pendant une heure, le bâton à la main, pour ne pas trébucher, nous atteignons le village de O... , ou, plutôt, ce qui reste du village de O... : quelques pans de murs, un clocher écroulé, une ferme éventrée par les projectiles.

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