DES COMMUNAUTÉS AGRAIRES A L'AGRICULTURE DE GROUPE par Michel Collinet VERS 1837, Louis Reybaud, tirant la ~eç?n. des idées de Charles Fourier, ecr1va1t : Quand le morcellement aura produit tous ses fruits et qu'à la suite de dommages évidents on reviendra de la culture émiettée à la grande culture, un autre progrès se fera dans les voies d'une alliance entre les intérêts humains. De la propriété parcellaire naîtra l'association. Cette « association » était alors la revendication commune à la plupart des écoles socialistes, au moment où les dernières communautés agraires, séquelles de l'Ancien Régime, disparaissaient sous la poussée individualiste et bourgeoise née de la Révolution. Par un curieux paradoxe, des réformateurs projetaient dans l'avenir ce qui sombrait dans le passé, comme s'ils succombaient à la nostalgie d'un temps que, par ailleurs, ils condamnaient violemment. Ce n'était là qu'une apparence entretenue par la confusion des mots : à l'ombre des châteaux, des communautés paysannes avaient vécu, pour la sécurité et la subsistance de leurs membres, ne connaissant du monde extérieur que les redevances obligatoires et les servitudes féodales. L'association préconisée depuis le siècle dernier avait pour but d'arrêter la pulvérisation des propriétés individuelles et la prolétarisation des paysans écartelés entre la misère agricole et la misère industrielle, aboutissement de l'exode rural vers les villes. Il s'agissait en même temps d'intégrer la production agricole à la grande transformation économique du siècle, cela en évitant la forme capitaliste dominant l'industrie. Les communautés anciennes étaient fermées, ignorant la division entre travail agricole et travail industriel, formant des microBiblioteca Gino Bianco sociétés. Les associations devaient être ouvertes, éléments d'une société globale tendant à l'homogénéité sociale. En fait, ni le capitalisme agraire ni les sociétés coopératives de production n'ont joué le rôle qui leur était attribué il y a plus de cent ans en notre pays. Jusqu'à ces dernières années, l'agriculture française a manqué tant d'espace que de capitaux et n'a pu assimiler les progrès techniques mis à sa disposition ; en grande partie, elle est restée un monde sous-développé, en marge de la société industrielle dont elle ignore les rythmes. Aujourd'hui, cependant, la nouvelle génération comprend l'urgence qu'il y a à industrialiser la production agricole, à en organiser la base technique, la croissance régulière et les débouchés extérieurs. Dans ce mouvement tourné vers l'avenir, on retrouve les idées d'association préconisées autrefois, mais adaptées aux besoins nouveaux. C'est ce qu'on nomme l'agriculture de groupe, celle-ci se substituant à la propriété parcellaire, renouant d'une certaine manière avec les anciennes communautés tout en les dépassant quant à la liberté individuelle et à l'ouverture au monde extérieur. LA SOCIÉTÉ RURALE du Haut Moyen Age ignorait l'individu : une ou plusieurs familles de cultivateurs travaillaient une même terre, le manse, dont le partage était interdit par les règlements seigneuriaux. Immuable, le manse était à la fois uni té d'exploitatian et uni té fiscale. Certains étaient serviles, d'autres ingénuiles, c'est-à-dire libres. Marc Bloch évaluait leur superficie entre 5 et 30 hectares, les ser-
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==