-28 dans tout complot, toute insurrection antibolchéviste, les pistes f!lénaient toujoùrs- aùx p_ai- ·sibles hôtels particuliers des amba~sades ou des consulats de l'Entente. Il s'.agissait pour Moscou « dé prouver au monde entier. que les diplomates. de l'Entente et la bourgeoisie internationale s'efforçaient non seulement d'étrangler la révolution par l'intervention militaire .ouverte, mais aussi par des coups portés dans son dos, par des actes de sabotage » (Histoire du soldat..., p. 155). Peu après ·1eur première rencontre, Tilti_ne aurait proposé• à Berzine d'entrer dans urie organisation politique luttant pour -la liLération de la Lettonie ·: · - Outre la satisfaction morale, cette· lutte peut vous apporter de grands avantages matériels : beaucoup d'argent, un domaine agricole, une villa sur la côte, 1~ grade de colonel. . Berzine se rebiffa : - L'argent ne m'intéresse pas. · Si je change. de pavillon, je le fais uniquement par conviction mor.ale et politique. -. Je suis heureux de vous l'entendre dire·.· Cela prouve que nous ne nous sommes pas trqmpés. Vous êtes un vrai fils de la Lettonie. C'est à un certain M. Constantin, qui représente une grande puissance, que vous aurez affaire désormais (pp. 161-64). Berzine rendit aussitôt compte de cette proposition à Peters, qui l'avait prévenu que sous le nom de Constantin se cachait Reilly, et qui l'amena chez' Dzerjinski. Dzerjinski écouta attentivement le récit du recrutement de Berzine par Tiltine. Favorablement impressionné par le maintien du jeune officier, il 'lui demanda : -· Aurez-vous assez de forces ? Il vous faudra résister à une tensi9n intense. · -· Je ne me plains pas de ma santé. Mais je ne sais pas si· je vais être à la hauteur de ma tâche. - Je comprends votre hésitation; On ne naît pas tchékiste, on le devieqt. Si vous nous dites « non » maintenant, nous . l'admettrons .fort . bien. N'est-ce pas, camarade Peters? . - Certes, mais tel que je· le connais, Berzine n'est pas homme à dire « non »... . - Tant mieux. Je devais tout de même le prévenir que son travail sera très difficile. Berzine, nous vous ·chargeons d'une lourde mission- et nous plaçons en vous de grandes espérances. Des organisations clandestines de gardes-blancs foisonnent dans· nos villes. Il _nous·faut _savoiroù elles se cachent, quelles sont leurs ramifications, leurs relations mutuelles. Nous avons toutes les raisons de supposer que la proposition de Ti;ltine vous a ·été faite- au nom de la mission politique .anglaise dirigée par· Lockhart. Selon nos renseigne- ·ments, cette mi~sion. fomente un vastç .çomplot contre le pouvoir soviétique. Pour mieux dire., il s'agit de toute une ·série de complots que noùs désignons sous l'appellation ctjnventionnelle de ~< --complot des ambas: sadeurs .». Vous ..devez pénétrer dans la tanière des BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT-SOCIAL .ennemis de la révolution. Votre tâche consiste à percer à jour leurs projets. Avec quell~s forces, ~a~. quels moyens, où, quand, ~t c9mment cqmptent-ils nous .porter le coup décisif ? Ces jours:ci, vous allez rencontrer Reilly,_ alias Constantin., T~nez-voqs sur vos _gardes. C'est de cette entrevue que ,dépendra ~our vous la possibilité de gagner ]a confiance ·des diplomates. Mais n'ayez crainte ; la chancë sourit _auxaudacieux. Quant. au reste, entendez-vous avec -le camarade Pet.ers.-Bonne ch_a_nce(pp. 165-:66). , Le même soir, rue Néglinnaïa, un passant heurta lêgèrement l'ép.aule de Berzine : « Suivez-moi.. Je suis Constantin. » · Surpris, le Letton vit l'autre traverser la rue et entrer dans un café. Y pénétrant lui-même, il fut accueilli par une exclamation joyeuse de Reilly, déjà installé à une table : « Mon Dieu ! quelle heureuse rencontre ... Ce cher Edouard, après tant· d'années ! » · Selon les ·apparences, ce · pterriier' contact n'était qu'une rencontre inopinée de deux vieux amis ·qui s'étaient. c;lepuislongtemps perdu de vue. ' . . , .. .,.· La conversation débutà par des futilités. Puis Reilly pass~ aux choses sérieuses : ... , -.. On m'a dit que vous désirez partir. pçmr: J~ front? - C'est exact. · : - .Mais si l'on vous p·roposait de combattre sur· un autre front -··. sans· tranchées, · sans gourbis, sans canonnades ? · . . - On m'a déjà parlé de cela. Après mûre réfl.exion, je suis décidé à accepter ... Mais je dois d'abord savoir qqelles s~ront mes obligations: · Reilly rapprocha sa chais~ de Berzi~e : . . _ -· Oh, c'est bien simple. Pour commencer, il ·s'agit de. faire p~sser. de .:votre côté le plus graµd nombre possible de tirailleurs lettons: A cette fin, il faudra non seulement parler aux· hommes, mais aussi prendre des mesures plus énergiques, tendant, par exemple, à réduir~ leurs rations de pain, de gruau, .qe tabac• et le reste. · -· Mais les tirailleurs sont déjà fort mal nourris. - Il faut que cela empire. Pour ·toucher le cœur du soldat, visez l'estomac. Affamés, les tirailleurs haïront férocement messieurs les ·bolchéviks. En ~econd_ lieu, il. vous. faudra réfléchir aux moyens d'amener l'état-major de la division à· transférer deux rêgiments lettons à Vologda. Bien ente1;1du,c·es unités devront nous être acquises. Arrivées à Vologda,. elles se déclareront solidaires des Alliés. · · . . Cette· deuxième .mission n'était qu~un piège tendù à Berzine. · ,Reilly· n'ignorait pas que son interlocuteur ne disposait d'aucun moyen pour provoquer ]e transfert de_ deux régimènts d'une garnison à upe_·.a-utr~. S'il acceptait cette tâche-, cela signifiait. qu'il était ou uh fumi~te ou un agen_tde la Tchéka. Berzine · avait flairé le traquenard :_ - Une telle. mission me surprend. Je· commande un groupe d'artillerie, et non la division. D'ailleurs, le ·commandant de la division lui-même ·n'est pas en mesure d'ordonner de son propre chef un tel transfert. · Déçu,. Reilly reprit . d'un ton indifférent ,:. - Je vous comprends, monsieur Berzine. Plus tard, nous reviendrons peut-être à ce projet. Il vpus faut constituer autour de vous un groupe solide d'officiers convaincus, prêts .à marcher contre les bolchêviks à votr~ premier signe. Nous savons qu'~n tél ,trav~il implique de nombreux frais et nous sommes , prêts à assunJ.er toutes les dép~ses.
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