QUELQUES LIVRES de tout. ce qui fait l'essence d'un système - d'une théorie finalement réduite à un pauvre assemblage de slogans primaires,' - reste à savoir si ce processus peut être qualifié, comme le fait Papaioannou, de « dépérissement du marxisme ». A notre avis, ce n'est pas le marxisme qui est en cause, mais sa contrefaçon nauséabonde (l'épithète est de l'auteur lui-même). Et Papaioannou paraît se contredire quand, au dernier chapitre, il semble voir dans la révolution hongroise de 1956 un renouveau de l'idée marxiste, « en tant que désaliénation totale » contre l'orthodoxie dogmatique et nauséabonde, appelée « marxisme » on ne sait trop pourquoi. L'auteur produit quantité de citations montrant les volte-face et les palinodies des responsables, selon le bon plaisir « doctrinal » de Staline d'abord, au cours de la « déstalinisation » ensuite. Dans la mesure où ses exemples se rapportent à !'U.R.S.S., ces revirements s'expliquent soit par la peur, soit la « mithridatisation ». Mais en Occident? Personne ne menaçait les « intellectuels » de chez nous d'une balle dans la nuque ni d'un camp· de « rééducation ». Tous n'ont pas encensé puis blâmé Staline par esprit de lucre, ni pour se faire acclamer dans des réunions publiques. Auraient-ils été incapables de discerner la sinistre nature du père des peuples* ? Le problème devrait être étudié par des psychologues, voire par des psychiatres. En attendant, il est attristant de constater qu'au lumpen-proletariat en voie de disparition se s~bstituent, en Occident, des lumpen-intellectuels ... L. L. A propos des soviets MAX ADLER : Démocratie et conseils ouvriers. Traduction, présentation et notes d'Yvon Bourdet. Paris 1967, Ed. François Maspero, 125 pp. BIEN qu'écrite et publiée au printemps de 1919, cette brochure de l'un des « austromarxistes » les plus éminents est toujours d'actualité. En un certain sens au moins : l'attachement passionné au socialisme révolutionnaire et à la révolution russe, vieille alors de dix-huit mois, ouvre pour ce philosophe habitué à manipuler les abstractions des pers- • Noua pen1on1, entre autre,, à ce linguiste francals de nputatton mondiale qui 1'exta1lalt en 1950 devant le factum dt' Staline 1mr ln llnguf~tfquf' ... Biblioteca Gino Bianco 127 pectives radieuses où le désir l'emporte sur les réalités. Mais devant celles-ci l'auteur ne se voile pas toujours les yeux, alors que ceux qui professent ces mêmes idées aujourd'hui, après une expérience d'un demi-siècle, n'ont pas le droit de se faire des illusions ni celui de plaider les circonstances atténuantes. Max Adler a toujours fait preuve d'un courage physique et moral digne d'éloge. En décembre 1917, à un moment où cela pouvait tirer à conséquence, il fit à Vienne, dans une réunion publique, acclamer les noms de Frédéric Adler et de Karl Liebknecht ; onze mois plus tard, sollicité d'adhérer au parti communiste autrichien qui venait de se fonder, il refusa par un long article intitulé : « Le parti de la confusion ». Toujours poussé vers l'extrême gauche par son tempérament fougueux, il condamnait cependant la fondation du Comintern et la tactique des communistes occidentaux, tout en ne trouvant que des mérites - ou presque - à l'action des bolchéviks russes. On peut d'autant moins l'en blâmer que même un Karl Renner écrivait alors (et ce n'était qu'une demi-boutade ...) : « Si j'étais en Russie, je serais bolchévik. » Tout au long de la brochure, on voit se livrer dans la conscience de ce penseur désintéressé un combat entre 1'entraînement passionnel et les avertissements de la raison. Après avoir affirmé que « le bolchévisme n'est qu'une tactique particulière du communisme » que, fidèle au Manifeste, Max Adler identifie à la social-démocratie, il se voit obligé de condamner t1.< la revendication par principe du terrorisme ». Il admet la violence comme « accoucheuse » des révolutions, tout en doutant de son efficacité si elle s'exerce « avant terme » - mais n'est-ce pas précisément ainsi que les choses se sont passées en Russie ? Il admet la « dictature du prolétariat » en tant que « celle de toute la population laborieuse », mais il était clair, au printemps de 1919 déjà, que la dictature de Lénine-Trotski était une dictature contre le prolétariat. La dictature ~L justifie à ses yeux comme « moyen d'établir une véritable démocratie », mais il redoute, si elle est celle d'une minorité, qu'elle « n'aboutisse à l'esprit de l'absolutisme éclairé » (cet absolutisme était, en effet, éclairé sous LénineTrostki, mais qui eût pu prévoir alors le despotisme sanglant de Staline ?), voire à un « abandon total de tout contenu moral et culturel du ~och,Hsme ».
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