Le Contrat Social - anno XI - n. 1 - gen.-feb. 1967

• revue l,istori'lue et critique Jes faits et Je1 idées Janv.-Fév. 1967 Vol. XI, N° 1 UN « TEMPS DES TROUBLES» EN CHINE par B. Souvarine L A CHINE TRA VERSE de nos jours une phase de son histoire qui fait penser au « Temps des Troubles » de l'ancienne Moscovie ( smoutnoié vrémia ou smouta) pour désigner l'interrègne écoulé au début du xvrt siècle entre Boris Godounov et Michel Romanov : autres lieux, autres temps, autres gens, autres proportions, autres moyens, mais analogies tout de même alors que dans de vastes provinces le pouvoir semble en déshérence. Aux rivalités des boïars autour d'un trône chancelant et contesté, aux soulèvements locaux ou régionaux de moujiks, d'allogènes, de cosaques, correspondent plus ou moins les querelles intestines de l'oligarchie communiste, les résistances et mouvements sporadiques d'ouvriers et de paysans que provoquent les troupeaux frénétiques de la jeunesse inculte mobilisée en « gardes rouges » et déchaînée à l'aveugle contre des ennemis possibles ou imaginaires. Mais sans pousser trop avant la comparaison, et tandis que les « troubles » chinois sont en pleine extension dans une situation générale indécise, certaines remarques s'imposent sans égard à l'issue des événements en cours. L'état réel des choses en Chine, dont divers signes peu intelligibles perçaient déjà depuis plus d'un an à travers le voile épais des mensonges conventionnels, et brusquement révélé à grands traits en sa détérioration profonde depuis six mois et quelque, dément tout le système des informations officielles répandues et pour ainsi dire imposées depuis l'occupation du pays par les armées communistes. Sont démentis également les récits ou comptes rendus des politiciens, des journalistes, des affairistes, des touristes et des fumistes qui ont inondé le monde de leurs verbiages et « témüi Biblioteca Gino Bianco gnages » en faveur du régime sino-staliniste. Sur les centaines et milliers d'ouvrages et reportages publiés en hâte après le sempiternel « voyage en Chine », bien rares sont ceux que l'on puisse encore retenir. D'autre part, aucun spécialiste, pas un sinologue n'a donné la moindre idée de ce que dissimulait l'optimisme de commande affiché par les trompeurs et leurs dupes, de ce qui s'élaborait sous les apparences prestigieuses ni de ce à quoi l'on pouvait s'attendre tôt ou tard. C'est que la sinologie est une chose et que le communisme en est une autre. Tout n'était pas mystère au-delà du décor planté pour faire illusion aux esprits superficiels. On savait que le communisme chinois imitait le communisme soviétique dégénéré en totalitarisme le plus exécrable et que Mao copiait laborieusement Staline, ses pompes et ses œuvres. Tout cela en invoquant le marxisme et le léninisme sans comprendre ce que parler veut dire, comme l'atteste une « littérature » diluvienne, notamment signée Mao, traduite en une douzaine de langues et distribuée à grands frais partout dans le monde. On n'ignorait pas certaines rivalités personnelles et luttes de cliques dans les hautes sphères du parti au pouvoir. Le noyau dirigeant qui avait naguère éliminé successivement Chen Tu-hsiu, Li Li-san, Wang Ming et de moindres personnages dut recourir à la traîtrise et à la violence en 1955 pour se défaire de Kao Kang et de son allié Jao Shu-shih* traités en factieux. Lin Piao en personne connut des jours difficiles avant de • Il faut se résigner à adopter, malgré les inconvénients qu'elle oppose à la phonétique française, ln transcription britannique qui prévaut partout dans ln presse. Pourtant il eQt mieux valu transcrire du russe, dont la prononciation serre de plus près le chinois, lequel ottre des vnrlantcs du Nord nu Sud.

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