Le Contrat Social - anno XI - n. 1 - gen.-feb. 1967

CH. JOHNSON quel est le meilleur cri de ralliement que le Parti puisse proposer pour mobiliser les masses ? C'est là ce que les communistes appellent << partir des masses ». Pendant leur révolution, ils ont mis à l'essai deux programmes principaux : la promesse d'une réforme agraire et l'appel au nationalisme. Provoqué par la guerre sine-japonaise, ce dernier a permis au P.C. chinois d'enrôler sous sa bannière plus de cent millions de paysans. Deuxièmement, le Parti doit organiser le peuple sur la base d'un programme. Pour les théoriciens chinois, c'est là « aller aux masses ». On croit que les masses, une fois organisées, compenseront par leur force collective les déficiences individuelles de l'instruction et du matériel et que le Parti pourra les utiliser pour surmonter les obstacles militaires - et, par extension, les obstacles économiques et politiques - apparemment infranchissables. Aujourd'hui, Mao et Lin Piao pensent que ce principe fondamental de la guérilla - « partir des masses et aller aux masses » - peut être appliqué à la solution des besoins intérieurs de la Chine. Le 3 juin 1964, par exemple, Ma Wei-koei publiait un article dans le Quotidien du peuple sur les « principes fondamentaux qui gouvernent l'administration des entreprises socialistes gérées par l'Etat ». Ce faisant, il cite Mao Tsé-toung : Que voulons-nous : obtenir le soutien des masses? consacrer tous les efforts au combat ? Si nous le voulons, il nous faut aller aux masses, les inciter à l'action, nous inquiéter de leur bonheur et de leur malheur, servir assidûment et sincèrement leurs intérêts et résoudre leurs problèmes de sel, de riz, de logement, de vêtements et de natalité, en résumé tous leurs problèmes 2 • Puis, il affirme : Bien que ce passage tiré des œuvres du président Mao concerne la façon dont l'activisme des masses doit être mobilisé pendant la guerre révolutionnaire, l'esprit qui l'inspire est totalement applicable à l'administration des entreprises industrielles socialistes. Pour prendre un autre exemple, dans le numéro du 2 janvier 1965 du Quotidien des travailleurs, Wang Tchouo se réfère à « la base philosophique des quatre premiers ». Il s'agit des principes que Lin Piao introduisit dans l'Armée de libération populaire (A.L.P.) en 1960 en vue de réformer son instruction selon les directives récemment approuvées par le Parti. Wang s'interroge : « Pourquoi les hommes 2. Œuvre, choi,ie, dt Mao T,é-toung, vol. _11. Pékin, Maison d'édition populaire, 1952, 2• éd., pp. 131-3.S. Biblioteca Gino Bianco 33 prennent-ils le pas sur le matériel ? Quelle est la doctrine à ce sujet ? N'y a-t-il pas des questions comme : le travail idéologique peut-il accroître la production de céréales, de charbon, de fer et d'acier ? » Et il répond : Dans la guerre, l'homme est l'élément décisif. Ce principe a été prouvé par le fait de la victoire révolutionnaire de la Chine. Les masses révolutionnaires comptaient sur le sorgho et les fusils pour battre plusieurs millions de soldats réactionnaires du Kuomintang équipés par les Etats-Unis. Le principe de l'homme jouant le rôle d'élément décisif que le camarade Mao Tsé-toung a mis en avant est également applicable à la lutte entre l'homme et la nature. Depuis 1949, la « mentalité de guérilla » a continué à exercer une influence sur nombre de pratiques, sans toucher toutefois au même titre à tous les aspects de la politique et sans se manifester à tout moment. Inauguré en 1958 avec le « grand bond en avant », l'esprit de guérilla est devenu le principal moteur de l' économie dirigée chinoise. Un personnage aussi autorisé que Chou En-lai a expliqué les origines du « grand bond ». Dans l'article intitulé « Dix grandes années », il célèbre la stratégie victorieuse de Mao : Le Parti a combiné la direction des affaires publiques avec les grands mouvements des masses, guidant celles-ci pour élever constamment le niveau de leur conscience révolutionnaire et pour organiser leur propre force afin qu'elles s'émancipent graduellement, au lieu de leur imposer la révolution et de leur octroyer la victoire comme une faveur. Ce qui est nouveau, c'est que le Comité central du P. C. chinois et le président Mao ont continué à appliquer leur méthode de travail en construisant le socialisme et en ordonnant le grand bond en avant (Revue de Pékin, n° 41, 1959). Le repli MALHEUREUSEMENpoTur les leaders, la stratégie ne fut pas aussi efficace qu'ils l'avaient prévu. En 1960~ l'économie chinoise était en plein chaos. Il n'avait pas manqué de hauts dignitaires dans la hiérarchie du Parti pour prédire que l'esprit de guérilla appliqué à l'économie ne conduirait qu'au désastre. Bien que le Parti ait expliqué publiquement la crise de 1959-62 comme le résultat d'une catastrophe naturelle sans précédent, et aussi de la décision soviétique de supprimer l'aide économique et technique, il y a tout lieu de croire que les dirigeants ont rejeté une part de la responsabilité sur leur entourage immédiat. Mao et les siens n'ont jamais désavoué la stratégie du « grand bond », mais ils ont donné à entendre qu'elle avait échoué à cause de la carence des cadres et des organisations chargés de la mettre

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