Le Contrat Social - anno XI - n. 1 - gen.-feb. 1967

I LIBÉRALISMEET « LIBÉRALISATION» par Lucien Laurat DEPUIS que le parti communiste de l'U.R.S.S. a entrepris de réorganiser certains secteurs de l'économie soviétique en les dégageant quelque peu des contraintes d'une planification par trop centralisée, maints Occidentaux se plaisent à parler d'une « libérali_sation » en dépit des démentis catégoriques que leur opposent les économistes soviétiques. On « libéralise » au-delà du rideau de fer ; on devient de plus en plus « dirigiste » en deçà : de là à conclure que les deux systèmes se rapprochent graduellement pour se rejoindre à mi-chemin en fin de compte, il n'y a qu'un pas, que les utopistes de toujours franchissent allégrement. Il est ·vrai que le mot « libéralisme » se prête à de multiples usages. Sans aller aussi loin que Victor Hugo qui, dans sa préface à Hernani, étendait le libéralisme jusqu'à la poésie, nombre de nos contemporains emploient ce terme sans discernement pour désigner des phénomènes superficiellement semblables mais fort différents de nature. Il est temps d'apporter un peu d'ordre dans ces controverses confuses, ne serait-ce qu'en rappelant quelques notions jadis généralement admises, mais tombées dans l'oubli de nos jours. Les remarques qui suivent, il va sans dire, n'auront rien d'exhaustif. DANS SON ACCEPTION première, le libéralisme s'identifiait avec la libre concurrence, avec la loi de l'offre et de la demande étaBiblioteca Gin,o Bianco blissant spontanément ce que l'on appelait le « juste prix », en impliquant qu' « offrants » et « demandants », vendeurs et acheteurs, fussent propriétaires de leurs marchandises (et de leur argent) et, partant, libres d'en disposer. Cela supposait en outre qu'aucune pression, ni étatique ni monopoliste, ne fût en mesure de dérégler - il faut encore des guillemets pour un terme oublié - le « libre jeu des forces économiques ». Cette vue des Smith, Ricardo et Say fut toujours un postulat plutôt qu'une réalité, mais l'économie occidentale des années 1860-90 s'en rapprochait dans une assez large mesure. Le libre jeu des forces économiques n'y était vicié que par quelques survivances précapitalistes, par les faibles monopoles privés naissants et par un protectionnisme purement fiscal (Grande-Bretagne) ou défensif (industries continentales encore trop faibles pour résister à la concurrence anglaise). Le libéralisme d'alors se rattache donc à la concurrence, à la liberté de chacun de se présentçr sur le marché avec son bien (marchandise ou monnaie), et à la propriété indt~ viduelle (faute de quoi cette propriété n'aurait pu se négocier). Et le profit ? demandera-t-on. C'est à dessein que nous n'avons pas parlé de cet autre élément constitutif du système libéral, parce que le profit n'a rien à voir avec le libéralisme. Le, profit, dans l'acception présente du terme, est une catégorie capitaliste ; mais le libéralisme, le libre jeu des forces économiques, peut également fonctionner - a effectivement fonctio_nné - dans un système où des producteurs, paysans ou artisans, vendaient - ou vendent - des produits fabriqués par eux ,,,

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