OUVRIERS RUSSESCONTRE LE BOLCHÉVISME* par Grégoire Aronson L ORS de la révolution d'Octobre, une grande partie de la classe ouvrière, entraînée dans le sillage du mouvement révolutionnaire, adoptait à l'égard des bolchéviks une position d'attente, voire, de temps à autre, une attitude sympathisante. Les milieux prolétariens qui avaient subi l'influence de l'idéologie socialiste et qui étaient passés par l'école de la lutte sociale, soit politique, soit syndicale, inclinaient à une sorte de neutralité bienveillante. Mais, -parmi les ouvriers, il y avait aussi des sympathisants qui croyaient aux promesses démagogiques des bolchéviks et qui étaient séduits par les mots d'ordre dans le genre de « la paix, le pain et la liberté » lancés par Lénine lors de son arrivée en Russie, en avril 1917. Beaucoup d'ouvriers russes - surtout ceux qui l'étaient devenus pendant la guerre - conservaient des liens étroits avec la classe paysanne, laquelle, personnifiée par les soldats, ces fils de paysans en capote grise, fut précisément la base sociale fondamentale du bolchévisme dans la période d'Octobre et l'élément principal du mouvement. Pendant les huit mois que dura la révolution démocr.atique de Février, l'évolution des soldats et marins, gagnés par la propagande bolchéviste, était évidente. Des régiments et des équipages entiers qui, la veille, se disaient socialistesrévolutionnaires, devenaient le jour suivant bolchéviks. La paix avec l'Allemagne, même une paix séparée, se confondait avec le rêve caressé depuis longtemps par les paysans : s'emparer de la terre, et ce mot d'ordre, joint • Ces pagea sont extraites d'un ouvrage en langue rua1e : La Ru11le d l'lpoque de la rlvolullon, New York 1988. Biblioteca Gino Bianco à celui de « liberté illimitée », était gravé sur le drapeau des bolchéviks, dont la propagande pénétrait profondément les masses. . Aussi n'est-il pas étonnant que les ouvriers n'aient pu résister à la pression des paysans-soldats. De plus, l'un des principaux arguments des bolchéviks consistait à accuser le Gouvernement provisoire de « retarder » de façon criminelle la convocation de l'Assemblée constituante, maîtresse souveraine de la terre russe. Il est donc naturel que, dans les masses profondes du peuple sans expérience politique et, bien que socialement éveillées, sans idée ·précise de ce qu'était un Etat, les bolchéviks aient trouvé des sympathies actives, ou tout au moins des dispositions favorables. C'est ainsi que la Russie aborda Octobre. Etant donné l'état d'esprit des masses et les hésitations qui se manifestaient jusque dans leurs propres rangs (nous voulons parler de l'opposition de Kamenev, Zinoviev et consorts), les bolchéviks, qui venaient de s'emparer du pouvoir, négocièrent avec les menchéviks et les « s.-r. » la formation d'un gouvernement « allant des bolchéviks aux socialistes populistes ». Mais il apparut bien vite que Lénine et Trotski n'étaient pas disposés à des concessions. Le nouveau régime tenait à exploiter ces négociations à seule fin de gagner du temps ; en fait, il poussait délibérément à la guerre civile qui lui fournirait des forces pour monopoliser le pouvoir et instaurer sa dictature terroriste. S'appuyant sur des troupes fanatisées de marins et de soldats, recrutant des volontaires pour la garde-rouge qui allait être envoyée à la conquête de la province, encourageant la mentalité anarchisante ( « pille ce qui a été pillé », Lénine dixit), s'entourant r
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