Le Contrat Social - anno X - n. 4 - lug.-ago. 1966

CORRESPONDANCE Une lettre de notre abonné R. Selitrenny est restée regrettablement en souffrance, sans aucune malintention de notre part, simplement pour des raisons techniques : elle est extrêmement longue, alors que nous avons chaque fois de grandes difficultés à boucler notre numéro (au point même d'ajourner parfois la liste des livres reçus) et en outre elle met en cause des tiers, sans rapport direct avec la revue. Nous n'en tenons pas moins à en citer l'essentiel, avec quelques lignes indispensables de commentaires. Notre correspondant croit qu'un certain Bruno Rizzi, dont il a été question dans le Contrat social en novembre 1958, a << circonvenu >>notre << talentueux collaborateur K. Papaioannou >>,lequel a << fort judicieusement rassemblé des textes ~ur le marxisme et les marxistes qui, commentés par lui, ont paru dans la collection "J'ai lu l'essentiel'' (sous le titre : Les Marxistes, Paris 1965, Librairie Flammarion, 512 pages)>>. Après avoir rappelé tout ce que le marxo-fasciste italien a écrit de fâcheux, et qui le disqualifie à ses yeux, R. Selitrenny poursuit en ces termes : Dans le chapitre « Critique du stalinisme », votre collaborateur inflige au lecteur non averti deux pages du furibond antisémite, entre des textes de Trotski et d'Hilferding. Par contre, pas un mot de James Burnham qui a, de toute façon, le mérite historique d'avoir posé le problème pour le grand public, le sortant ainsi des discussions byzantines d'un petit cercle. Il faut aussi reprocher à Kostas .Papaioannou une petite falsification en faveur du forcené. La citation est bravement signée Bruno Rizzi, comme les œuvres des deux illustres victimes, Trotski de Staline, et Jiilferding de Hitler, à qui les autorités françaises de Vichv l'ont livré avec Breitscheid. O~ l'auteur de La Bureaucratisation du monde s'est pudiquement caché derrière une initiale R., ne livrant que son prénom, à l'époque où ses opinions pouvaient lui attirer quelques ennuis avec la police politique de Mussolini. K. Papaioannou, et sans doute G. Henein, qui s'était laissé circonvenir aussi, n'ont probablement pas lu le pamphlet en entier, car autrement ils n'auraient sans doute pas aidé Bruno R. à se mettre en avant. Je ne nie pas quelques idées et formulations heureuses, mais c'est le livre entier qui condamne l'auteur. Notre correspondant soulève ici une question qui, pour nous, était réglée depuis longtemps. En outre, il met en cause une édition qui n'a aucun rapport avec le Contrat social. Nous consentons volontiers que James Burnham eût mérité plus que Bruno R. de figurer dans le recueil (et pas seulement Burnham; nous pensons à Martov, à Karl Renner, à Otto Bauer, à Julius Dickman, à Fritz Sternberg par exemple). Mais il nous paraît abusif de parler de falsification à propos d'un nom écrit en toutes lettres au lieu de sa seule initiale : l' anoaiblioteca Gino Bianco ~, nymat se justifiait sous le fascisme, il perdait sa raison d'être après la guerre. En tout cas, cette polémique ne concerne pas notre revue. Après quoi, R. Selitrenny s'en prend à l'article de Léon Emery, << Les relations germano-soviétiques >>,paru dans notre n ° 5 de l'année dernière : Cela me paraît important, parce que divers documents et publications obligent à nuancer fortement tout l'exposé des origines et de l'avènement du régime soviétique, l'influence de ces faits sur la politique extérieure de la Russie soviétique et de l'Allemagne après la fin de la première guerre mondiale. Suit une référence au livre de Z. A. Zeman : Germany and the Revolution in Russia (Londres 1958) et une autre dont on pourrait se dispenser, car il s'agit d'une compilation de seconde _et troisième main contre laquelle seraient valables les griefs formulés à l'adresse de Bruno R. La lettre continue comme suit : Certes, on savait que l'état-major avait permis le passage d'extrémistes russes avec Lénine à leur tête dans le fameux « wagon blindé », et que Lénine avait reçu des fonds allemands. Ce dernier fait a d'ailleurs été soigneusement caché et nié par les complices~ Mais avant la publication des documents, personne ne pouvait savoir exactement que tout l'appareil gouvernemental allemand et ses généraux, avec les chanceliers successifs à leur tête, dirigeaient secrètement le sabotage de la défense nationale, la propagande défaitiste, et inspirait le slogan de la réconciliation des soldats ennemis dans les tranchées, en y consacrant des dizaines de millions de marks. Il est évident que toute l'histoire d'après guerre en a été influencée. Citons quelques faits principaux : le traité de Brest-Litovsk, le parti pris plus ou moins pro-allemand dans ce qu'on a appelé la campagne « innocentiste », le traité de Rapallo, le sabotage du désarmement de l'Allemagne imposé par le traité de Versailles en acceptant de transformer en partie les grandes usines Poutilov en fournisseurs d'armes interdites à la Reichswehr, sont autant d'étapes menant au traité honteux de 1939, alliance des complices de 1915-19' pour dépecer ensemble la Pologne, que suivit immédiatement le début de la deuxième guerre mondiale. Il est clair que la révolution de février 1917 et la chute du tsarisme ont des causes déterminantes dans tout le cours de l'histoire russe au XI~ et au début du xxe siècle. La plus importante est évidemment la situation intérieure de la Russie. Sa politique extérieure n'a pas non plus toujours été dictée par les rapports de la Cour et des classes dirigeantes en Russie et en Allemagne. Par exemple, la participation de nobles baltes aux noms germaniques de von Stœssel, von Rennenkampf, von Kaulbars, von Plehwe, von Kingenberg, et bien d'autres, à l'armée, à l'administration, au gouvernement russes, n'a pas empêché depuis le début du XVIIIe siècle les guerres contre des Etats allemands. Durant les trente-cinq dernières années, la Russie était alliée à la France et faisait partie de 1a- Triple Entente avec l'Angleterre. Cette politique a abouti

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