B. SOUVARINE des archives historiques nous apportent dépasse toute attente. Il faudra du temps pour étudier cette documentation comme elle le mérite et en extraire ce qui devrait être retenu pour la postérité. On n'a pas fini d'épiloguer sur les révélations ainsi fai~e.s, sur Jes responsabilités respectives des participants a la conférence sur les fautes commises et leurs conséquence~ présentes ou à venir. L'essentiel serait de dégager les leçons de cette expérience terriblement coûteuse ·et c'est à qui s'y emploie, parmi les commentateurs politiques intéressés à trouver de nouveaux arguments pour justifier leurs thèses. Mais encore faut-il ne pas encombrer ni obscurcir le débat par toutes sortes d'affirmations qui. n'aident en rien à y voir plus clair. Il est vain, par exemple, de dire pour commencer que la récente publication n'ajoute pas grand-chose à ce qu'on savait déjà. On était l~in, ?e tout _savoir et ce qu'on savait n~a été revele que par fragments, par bribes dans des mémoires ou des articles qui n'engag~aient que leurs auteurs. Très peu de gens ont lu l'ensemble de ces té1:11oignageest de ces analyses, que seuls connaissent des spécialistes et il n'e~iste aucun résumé cohérent, impartial, qui en informe convenablement le public capable de comprendre. En outre, rien ne vaut les pièces documentaires proprement dites, les procèsverbaux, la correspondance, les notes de séances, les aide-mémoire, etc., pour rectifier les versions tendancieuses rédigées après coup par des « personnes du drame ». L'ouverture des dossiers ne permet plus d'ergoter à l'infini sur des points essentiels qui restaient controversés tant qu'une seule allusion, un seul écho en attestait la véracité. . Que la publication ait été entreprise à des fins de politique intérieure américaine cela n'a . ' aucune importance et ne réduit nullement l'inté~êt_capital de ~es pages d'histoire. Les républicams et les democrates aux Etats-Unis sont é~alement responsables de la poli tique extérieure de leur pays et il n'y avait pas de différence entre M. Roosevelt et ses antagonistes républicains, W. Willkie et D. Dewey. A l'époque de Ialta, les sénateurs des deux partis n'ont manifesté aucune divergence de vues ni d'appréciations sur la conférence. Il faut enfin passer outre aux objections selon lesquelles Washington aurait dû s'abstenir afin de ne pas déplaire aux maîtres du Kremlin ni compromettre la perspective de futures négociations internationales. Ce sont là des propos dénués de sens et qui devraient discréditer leurs Biblioteca Gino Bianco 371 auteurs, dont ils décèlent l'ignorance probablement incurable. Les dirigeants soviétiques se moquent bien de telles affaires, ils n'ont de compt~s ~ rendre à personne, l'opinion publique n existe pas chez eux, et au surplus ce sont Roosevelt et Churchill qui sortent très diminués de l'épreuve, non Staline. Ils ont une li~ne. de cond.uite tracée sous l'empire de considerauon~ maJeures qu'aucune question morale ne saurait affecter. Ils la suivront avec ou sans négociations ~omme celles dont on parle et sans se soucier des disputes qui agitent les démocraties occidentales. La vraie leçon à tirer de Ialta, maintenant que les données principales sont à la portée des observateurs politiques, c'est celle que personne encore ne s'est avisé de mettre en lumière, à savoir qu'il ne fallait pas aller à cette conférence, nécessairement nocive dans son principe même. En effet, l'initiative de Roosevelt soutenue par Churchill impliquait la conviction foncièrement aberrante de trouver en Staline un partenaire de la même espèce que les deux autres. Or c'était faire abstraction de tout ce qu'un hom1ne d'Etat était tenu de ne pas ignorer au sujet du régime soviétique et de son Führer. Pendant plus de six mois, les deux leaders de la coalition démocratique ont sollicité la rencontre dont Staline ne voyait nullement la nécessité. ApJ?aremment, ils se croyaient capables de modifier par persuasion la nature même du bolchévisme dégénéré en stalinisme. Après un quart de siècle de prétendue « dictature du prolétariat », de terrorisme policier d'exclusivisme à outrance, après la collectivisation forcé~ _au prix d'innombrables victimes, après les s1n1stres procès de Moscou et les tueries systématiques consécutives, les illusions de Roo_sevelt e~ de Churchill sur le compte de Staline paraissent encore incroyables. Et puisque ces illusions persistent sous des formes nouvelles, puisque tant de politiciens occidentaux s'obstinent à exiger une nouvelle conférence de Ialta, cette fois une conférence à quatre avec les successeurs de Staline il importera d'insister sur la vraie leçon qui 'découle non seulement de Ialta, mais de toutes les conférences de ce genre. Leur principe même est condamnable. Les négociations sont du domaine de la diplomatie et des ambassadeurs. B. S.
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