C. GRZYBOWSKI n'importe quelle sorte de peine ». En 1941, la portée de cette dernière disposition fut élargie par l'addition d'autres crimes à la liste. La déshumanisation du qroit pénal correspondait à la tendance générale du régime soviétique à employer la violence en tant qu'instrument de la « reconstruction sociale ». Les juges étaient constamment harcelés par deux clichés les incitant à écraser sans pitié toute manifestation d'hostilité envers l'ordre social et économique. En premier lieu, l'idéologie soviétique tenait pour axiomatique que plus la société socialiste avançait vers le communisme, plus acharnée serait la résistance de l'ennemi de classe ; toute infraction criminelle au nouvel ordre social et économique plaçait automatiquement le délinquant dans la catégorie des ennemis de classe. En second lieu, le crime constituait, selon la théorie, un vestige du régime capitaliste ; à mesure des progrès de l'édification du socialisme, l'activité criminelle serait de moins en moins justifiable. En conséquence, les actes criminels - constituant un mode de comportement « exceptionnel » dans la société - nécessiteraient des mesures encore plus énergiques pour hâter la venue du millenium. Ce que cela signifiait en matière de droit pénal a été clairement exprimé, en 1962, par le professeur V. M. Chkhikvadzé : Toute interprétation du droit pénal est essentiellement une interprétation politique. Ce fait est camouflé par les juristes bourgeois, lesquels pensent qu'en reconnaissant une interprétation politique au droit pénal ils admettraient par là le contenu réactionnaire des lois bourgeoises. Nous déclarons ouvertement que l'interprétation du droit pénal soviétique est une interprétation politique. La seule interprétation juste et véritablement scientifique du droit pénal est celle qui est pénétrée de l'esprit du parti communiste 3 • Dans les milieux les plus élevés de la profession juridique, on se rendait très bien compte des défauts du droit pénal soviétique, et l'on tentait, de temps à autre, d'introduire de l'ordre et de la méthode dans ses diverses parties. Mais tant que Staline était en vie, il ne fallait pas songer à réviser sérieusement les théories essentielles sur lesquelles reposait le système de répression. Ce n'est qu'après la répudiation de Staline qu'un mouvement en faveur de la réforme du système judiciaire prit naissance. A la recherche de la légalité APRÈS LE :xxc CONGRÈSe,n 1956, il fallait de toute urgence réparer les dommages causés à l'Etat soviétique par Staline. Pour le droit 3. V. M. Chkhikvad7.6 : LA Droit plna/ 1ovlltlque. Partie ,,,u. raie, Moscou 1952, pp. 115-16, Biblioteca Gino Bianco 235 pénal, cela signifiait la révision de l'ensemble du système et la promulgation de codes nouveaux. En décembre 1958, le Soviet suprême adoptait quatorze lois qui posaient les fondements de la réforme, traçaient les grandes lignes des principes devant servir de guide à l'établissement des nouveaux codes pénaux et des codes de procédure criminelle, ainsi qu'à l'organisation des tribunaux. Des lois distinctes concernaient les crimes contre l 'Etat, les délits militaires et le~ tribunaux militaires 4 • En 1960, le code pénal de la R.S.F.S.R. fut promulgué, offrant un modèle au code des autres Républiques. Ces mesures présentaient des avantages, mais aussi des inconvénients. Dans certains domaines, elles instauraient d'importantes réformes libérales ; dans d'autres, elles se révélèrent très insuffisantes. Le pis est qu'elles ne réussirent pas à éliminer certains concepts et institutions hérités de Staline, lesquels ont malheureusement gagné encore du terrain. Du côté positif, l'un des traits significatifs de la législation de 1958 était une réforme augmentant le rôle des formes et garanties de procédure. L'article 3 des« Principes fondamentaux de la législation criminelle de !'U.R.S.S. et des Républiques fédérées » adoptait la position libérale traditionnelle : seuls les actes que la loi définissait expressément comme criminels étaient passibles de châtiment : Seules les personnes coupables d'avoir commis un crime, c'est-à-dire celles qui, intentionnellement ou par négligence, auront commis un acte portant atteinte à l'ordre social et défini comme tel par la législation criminelle, seront tenues pour responsables et encourront des sanctions (cf. n. 4). Avec la promulgation de cet article, la farireuse clause d'analogie qui avait permis de condamner des gens pour des actes non expressément définis par la loi fut enfin supprimée. L'effort visant à humaniser le droit pénal se traduisait également dans les réformes portant sur le traitement des délinquants mineurs. Aux termes de la législation stalinienne, les mineurs ayant atteint l'âge de 14 ans étaient traités comme des adultes ; pour nombre des crimes plus graves l'âge de la responsabilité avait été abaissé à 12 ans et aucune restriction n'était stipulée quant à la sanction applicable, qui pouvait aller jusqu'à la peine de mort. D'après les règles nouvelles, les mineurs âgés de moins de 14 ans n'étaient pas responsables au pénal. Les jeunes gens de 14 à 16 ans n'étaient passibles de la juridiction pénale que pour des crimes très graves tels que le meurtre, le viol et les 4. Nouvelle, du Soviet suprtme, 1959, n° 1.
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