104 La jeune femme décida de l'abandonner. Elle lui écrivit qu'elle voulait divorcer. Il lui répondit que si elle demandait le divorce, il la tuerait dès sa sortie de prison. Comme vous voyez, sa décision était prompte et définitive ... Et cela se passe, camarades, de nos jours, dans notre société... Comment cela peut-il être toléré ? }'ai déjà dit maintes fois, je le répète, c'est notre impardonnable tolérance envers les tares qui rend ces choses-là possibles. On se demande pourquoi, pour le mettre en prison, nous devons attendre qu'un pareil homme vole quelque chose. Après tout, il vivait dans une ville, il avait des voisins qui savaient qu'il ne travaillait nulle part, qu'il était un ivrogne invétéré maltraitant sa femme et ses enfants. Pourquoi la population tolèret-elle ces choses ? Je répète: est-ce que pour le traduire en justice nous devons attendre qu'un tel individu, qui nargue la société, vole ou commette quelque autre crime ? Ne vaudrait-il pas mieux créer une espèce d'établissements où, par décision d'une organisation publique, ces fai.riéants seraient forcés de travailler ? (Pravda, 21 avril 1962). Cette indignation de Khrouchtchev est démagogie pure, la fabrication de la vodka et des boissons alcooliques étant en U.R.S.S., comme du temps des tsars, .un monopole d'Etat fort lucratif; des mesures très sévères sont prises contre les bouilleurs de cru et brasseurs clandestins qui risquent un emprisonnement· de un à trois ans 3 • Mais il y a mieux : on planifie le nombre annuel des cas manifestes d'ivresse en public qui nécessiteront le traitement de l'ivrogne dans un établissement spécial de « dégrisement ». Ces cc dessouloirs » ( vytrezvitiéli) ,. qui coûtaient assez cher à l'Etat, sont désormais payants et leurs recettes prévues au budget municipal. Ainsi, les Izvestia du 11 janvier 1962 nous apprennent qu'à Achkhabad, capitale du Turkménistan, le plan, dorénavant obligatoire, de fonctionnement des « dessouloirs » prévoit 28.500 roubles de dépenses et 33.000 roubles de recettes; pour le personnel de ces établissements, la non-exécution du plan entraînera une réduction de salaire. Comme les recettes en question ne proviennent que des versements exigés des ivrognes traités, « leur montant signifie en langage clair que 3.300 ivrognes doivent être dégrisés en 1962 ». Cela n'est pas trop mal pour une population, jadis musulmane, d'une capitale de 170.000 habitants. Aucune mesure efficacen'est prise en U.R.S.S. contre l'ivrognerie, répandue aussi bien parmi les jeunes que chez leurs aînés. Au pays soviétique, l'ivresse est toujours considérée avec une tolérance fraternelle: « C'est toi qui es ivre aujourd'hui, demain ce sera peut-être mon tour.» Les dirigeants se bornent à des protestations platoniques contre ce vice des plus profitable aux caisses de l'Etat. 3. Décret du 8 mai 1961 du présidium du Soviet suprême de la Fédération de Russie, in Nouvelles du Soviet suprhne de la R.S.F.S.R. [l'équivalent de notre Journal officiel], n° 18-139, II mai 1961. · Biblioteca Gino Bianco L,EXPÊRIENCE COMMVNJSTE QUANT A L'ÉDUCATION des enfants, le sondage de la Komsomolskaïa Pra'Dda montre que les jeunes couples citadins éprouvent en U.R.S.S. les mêmes difficultés que dans le monde « capitaliste». Mais leurs difficultés sont multipliées par les complications matérielles autrement grandes de la vie quotidienne soviétique : La grande majorité des jeunes parents n'ont aucune possibilité de s'occuper de l'éducation de leurs enfants et sont obligés de les confier aux grand-mères. Ces vieilles femmes. élèvent souvent leurs petits-enfants dans les plus mauvaises traditions de leur propre génération. Souvent, les enfants vivent dans la même pièce que leurs parents. Autre difficulté pour ces derniers, l'énorme perte de temps pour se procurer et préparer la nourriture pour les enfants (Kom. Prav., 17 déc. 1961). Le caractère de l'enfant est formé surtout par la famille, dont l'influence est beaucoup plus grande que celle de l'école, en particulier de 10 à 12 ans, âge où le caractère se précise. (...) En règle générale, les parents sont trop absorbés par leur travail, et de plus ils ont un désir bien naturel d'étudier et de se développer intellectuellement (Kom. Prav., 24 déc. 1961). Une fois de plus, nous pouvons constater là que les grands-parents, surtout les grandmères, constituent un lourd handicap pour la formation de l'homo sovieticus. En elles se trouve la source principale de la survivance chez les jeunes des « vestiges du passé » tant haïs par les dirigeants. Pour deux générations, l'effort d'éducation communiste s'est déjà brisé contre cette survivance qui paraît indéracinable. La réalité quotidienne ne facilite pas davantage cet effort : . PaFmi les difficultés de l'éducation des enfants, il faut mentionner en premier lieu l'influence de la rue. Beaucoup ont une très bonne conduite à la maison et à l'école, mais, une fois dans la rue, ils changent complètement. Leur langage n'est plus le même, ils parlent entre eux un argot barbare. Les jeunes voient au cinéma à peu près tous les films pour adultes et adoptent facilement le comportement des personnages négatifs (Kom. Prav., 6 janv. 1962). C'est là le contrecoup, que n'avait pas prévu · la propagande communiste et qui n'est pas pour lui plaire, de la projection de certains films occidentaux, choisis justement pour montrer à la population soviétique la « pourriture capitaliste ». Les « personnages négatifs », souvent séduisants, abondent dans ces films. Parfois, le comportement antisocial des parents et des voisins influence aussi les enfants. Ainsi, à Motovilikha [quartier ouvrier de Perm], le lendemain des jours fériés, les enfants se présentent à l'école avec une gueulé de bois manifeste (ibid.). On le voit, la « joie de boire » russe commence de bonne heure, et Khrouchtchev a peut-être tort de compter sur les voisins pour dénoncer les ivrognes.
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