Le Contrat Social - anno VI - n. 6 - nov.-dic. 1962

-Anniversaires L'année Rousseau• ROUSSEAU ET LA LIBERT:E par Sitnone Pétretnent ATORT ou A RAISON, nous croyons comprendre que démocratie signifie liberté. « ·A tort ou à raison », car ce n'est pas, comme on sait, le sens étymologique du mot. Démocratie signifie « pouvoir du peuple », et, comme le dit à peu près Montesquieu, il ne faut pas confondre pouvoir du peuple. et liberté du peuple. On a rappelé plus d'un~ fois que la liberté, c'est le droit d'aller et de venir, de faire ce qu'on veut (dans la mesure où l'on ne blesse pas le voisin), de dire ce qu'on pense, et non le droit d'élire un député tous les quatre ou cinq ans. Si du moins je choisissais moi-même le député... Mais mon avis ne compte que pour un sur des milliers qu'il en faut. Et quand bien même il n'en faudrait * L'année 1962 a été spontanément appelée « année Rousseau » en raison des trois anniversaires qui ont coïncidé, le 2ooe de la naissance de Jean-Jacques, le 25oe de la publication du Contrat social et de l' Emile, œuvres marquantes dont les effets devaient être profonds et durables, œuvres singulières dont on n'a pas fini d'analyser le sens et de commenter l'influence. A Paris et à Genève, des hommages publics ont été rendus à la mémoire du penseur, de !'écrivain, du musicien, de l'éducateur. Une remarquable exposition à la Bibliothèque nationale et une cérémonie commémorative à la Sorbonne furent en France les principales manifestations officielles, précédées de « trois journées d'études» ou « colloque international» sur le Contrat social à l'université de Dijon, l'académie de cette ville ayant couronné en 1750 le Discours, devenu fameux, sur l'influence des sciences et des arts. Il y eut aussi des pèlerinages à Montmorency, à Ermenonville. Un Choix de textes, par M. Maxime Nemo, a paru aux Editions de la Colombe, suivi d'une anthologie faite par M. Bernard Gagnebin, A la rencontre de J.-J. Rousseau, publiée chez Georg, à Genève. Les Lettres écrites de la Montagne sont rééditées par Ides et Calendes, à Neuchâtel. Aux mêmes éditions neuchâteloises mérite d'être signalé un Plaidoyer, de M. Charly Guyot, pour Thérèse Levasseur. Cette liste ne se prétend point exhaustive. Il n'a même pas manqué le salut des sots prétentieux qui admirent en Rousseau « l'un des premiers philosophes existentiels ii (sic). Notre revue n'a pu consacrer à« l'homme de la nature ii qu'une trop petite partie de son n° 3 (maijuin) de 1962, mais avec l'intention de ne pas terminer l'année Rousseau sans y ajouter des contributions nouvelles : on les lira dans les pages qui suivent. - N.d.l.R. Bibli.oteca Gino Bianco que mille, qu'est-ce qu,un millième de pouvoir? Cela· revient à l'absence de pouvoir. En fait, il ne_d. épend pas de moi d'élire tel ou tel député, de faire passer telle ou telle loi. On me démontrera que cela dépend de moi dans une certaine mesure; c'est vrai, mais puisqu'il faut que je me trouve d'accord avec beaucoup d'autres pour que mon effort aboutisse, je répète qu'en fait cela ne dépend pas de moi. Et je_ne parle même pas des modes de scrutin ~elonlesquels les députés sont choisis par les partis 'bien plus qu~ par l'éle<;- teur. Enfin,. supposé même que je puisse réellement choisir le député, nous .savons bien que la liberté, ce n'est pas ce droit-là, c'est autre chose~ C'est le pouvoir de disposer _desoi-même ·et.non un pouvoir sur autrui. . . Qu'on ait pu représenter cette ~stinction légitime comme une découverte neuve, et qui c<;>ndamnerait la démocratie, cela mon~e combien notre temps est· ignorant du fondement des institutions auxquelles il s'intéresse le plus. Car il est clair que le pouvoir du peuple n'est pas la même chose que la liberté; personne peut-être, dans les temps modernes, ne l'a jamais soutenu. Le ~ouvoir du peuple est seulement, d'après les doctrmes démocratiques, la garantie de la liberté. Qu'il en soit ..une ..bonne garantie, on peut le discuter. Mais c'est là ce qu'il faut discuter. Il ne faut pas dire que le pouvoir du peuple est autre chose que la liberté, que celle-ci est le droit d'aller et de venir, etc., car on le sait bien. Mais il faut examiner s'il en est une bonne garantie, une garantie suffisante ; ou même s'il ne s'y oppose pas au lieu de la protéger. Il paraîi certain que le pouvoir du peuple peut être tyrannique et retomber trop lourdement sur le peuple lui-même. Pourtant, si l'on est logique, c'est au premier abord inexplicable. Car, ainsi que le dit Rousseau, la chaîne retombant sur tous, nul n'a intérêt à la rendre lourde pour autrui. Il ne sert à rien de répondre que la logique

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