Le Contrat Social - anno VI - n. 5 - set.-ott. 1962

QUELQUES LIVRES dramatis personae avaient pris les devants et mis leur futur assassin hors d'état de nuire, au lieu de recourir à des exégèses pseudo-marxistes qui ne tiennent pd debout. Divers penseurs éminents ont opiné en d'autres circonstances qu'en fait de leçons de l'histoire, il n'y a pas de leçons de l'histoire. Du moins est-il permis de considérer • que les événements saillants de notre époque ont tranché un vieux débat sur le rôle des individus dans l'histoire. B. Souv ARINE. P.-S. - La matièrelde cet ouvrage foisonne de thèmes et d'allusions prêtant à contestation ou mise au point. Bornons-nous à noter que Zinoviev n'est pas rentré en Russie «dans le train plombé d'avril 1917 » (p. 31), car le train n'était nullement plombé, et le wagon non plus. Cette invention inséparable de la légende malveillante qui fit de Lénine un « agent du Kaiser » a été maintes fois réfutée, notamment dans le n° 2 de la présente revue en 1958 (Chronique : Autre point d'histoire, p. 121). Quant à l'adjonction finale d'un «récit» journalistique sur «l'exécution de Zinoviev »,mieux eût valu s'en abstenir : il n'y a pas le moindre témoignage sur une· exécution capitale en U.R.S.S. et personne n'a pu raconter comment ont péri les victimes de Staline. La caution citée par G. Rosenthal ne sert qu'à discréditer davantage, si possible, la« source» malpropre en question. Mais il faut ici se restreindre et il faudra traiter de tels sujets plus explicitement ailleurs. Le « père du marxisme russe » GEORGES PLEKHANOV : Œuvres philosophiques. Tome premier. Moscou, s.d. (1962), Editions ~n langues étrangères, 907 pp. (Paris, Librairie du Globe, 21, rue des Carmes.) Sous ce titre quelque peu fallacieux qui englobe certains écrits aussi peu philosophiques que possible, l'État soviétique commence la publication en français d'œuvres politiques et historiques de Georges Plékhanov, le « père du marxisme russe». On ne peut que saluer une telle initiative et souhaiter qu'elle soit menée à bien. Toute étude sérieuse de la révolution en Russie et de ses conséquences internationales doit nécessairement remonter aux origines du mouvement social-démocrate dont le bolchévisme est issu, et par consé~uent aux idées plus ou moins « marxistes » dont Il s'est inspiré et nourri. Sous ce rapport, la lecture de Plékhanov s'impose puisque Unine a toujours considéré « Georges » comme un de ses maîtres, mêmalllu plus fort de leurs controverses quand la tactique, puis la politique,eurentopposé irrévocablement le maître et le disciple. Biblioteca Gino Bianco 309 La publication doit comprendre cinq volumes, sous la direction d'un Comité de rédaction de cinq membres et par les soins techniques de quatre rédacteurs dont les noms ne diraient rien à personne (depuis la déportation et le meurtre de D. Riazanov et de ses principaux collaborateurs par Staline, ce sont inévitablement des inconnus qui leur ont succédé ; peut-être même a-t-on affaire maintenant à une génération plus jeune). L'édition russe étant achevée depuis 1958, la traduction française devrait être réalisée assez vite, si l'on songe aux ressources pour ainsi dire ilJimitées dont disposent en ce domaine les institutions soviétiques. Mais à en juger par la lenteur piteuse dont celles-ci font preuve pour sortir en français les œuvres de Lénine, il n'y a pas lieu de se montrer optimiste à cet égard : de ce «trésor idéologique » (sic), une quinzaine de volumes seulement, sur quarante-trois promis, ont paru en cinq ans. A ce rythme, on n'en verra peut-être jamais la fin car, entre-temps, les successeurs de l'équipe dirigeante actuelle auront peut-être résolu d'exclure Lénine de son mausolée et ses œuvres de.s bibliothèques. Ce tome premier de Plékhanov ne posait pas de problème difficile aux rédacteurs : il ne comprend que des écrits antérieurs aux désaccords avec Lénine, écrits dont celui-ci a fait grand éloge. La discrimination commencera évidemment avec la période où Plékhanov s'opposa au bolchévisme, après la scission social-démocrate de 1903 et surtout après la révolution de 1905. Deux œuvres principales figurent dans ce premier tome, parmi des textes non moins dignes d'attention, mais plus courts : Nos désaccords (et non pas : Nos controverses, version des traducteurs), où Plékhanov entreprend de réfuter le populisme au nom de son marxisme ; et La Conception moniste de l'histoire (plus exactement : monistique ), où il esquisse une histoire du matérialisme et expose la théorie du matérialisme historique, le terme de monisme servant ici de pseudonyme à marxisme pour endormir la censure. Mais la première brochure de Plékhanov : Socialisme et lutte politique, ses écrits sur le programme social-démocrate, son bref discours au Congrès socialiste international de I 889, son article sur Hegel, etc., méritaient au même titre de prendre place dans le volume, car ils sont de la même veine et nécessaires à l'intelligence de la matière ; on a profit à les lire ou relire. Certes, tous ces textes chargés d'allusions exigent de larges connaissances implicites pour être pleinement compris malgré vingt-trois pages de notes explicatives fort utiles. Il faut admettre que l'édition s'adresse à des lecteurs déjà sérieusement préparés, sans doute peu nombreux. Elle se présente, cette édition, sous une forme très correcte, très soignée, avec de bons Index des noms et des matières, bref, excellente. On ne chipotera pas ici les traducteurs pour quelques lourdeurs, solécismes et clichés qui déparent leur travail consciencieux, très supérieur aux traduc-

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