Le Contrat Social - anno VI - n. 3 - mag.-giu. 1962

136 · démasquer et à écraser les ennemis du Parti, qui a combattu pour le triomphe de la cause du Parti ». Les historiens étaient invités à mettre en lumière « le sens progressiste du rattachement à la Russie de plusieurs territoires de Transcaucasie, d'Asie centrale et d'Extrême-Orient », à souligner « le besoin de traiter constamment et systématiquement des véritables traditions patriotiques des peuples de Russie, (...) de leurs réalisations historiques et de leur apport considérable au développement des connaissances». La revue s'engageait à accorder plus d'attention aux problèmes contemporains concernant l'histoire soviétique et l'histoire universelle, afin de dégager « l'importance historique mondiale de l'Union soviétique >> et « les grands avantages du système socialiste sur le système capitaliste >>. Ce manifeste idéologique, avec ses harmoniques staliniens, annonçait une nouvelle période de consolidation. Si les limites de la discussion admise étaient resserrées, elles étaient du moins tracées, et les historiens mis en possession de leur feuille de route. Depuis 1957, Questionsd'histoire a été réorganisée au moins deux fois, la dernière en I 960, sans que cela se traduise par une explosion tant soi peu comparable au scandale de 1956-1957. Bourdjalov a disparu, du sommaire du moins des revues historiques, et il est permis de supposer que les historiens ont tiré de son aventure les conclusions qui s 'imposaient. * "" "" IL SERAIcTependant trop simple de ne voir dans l'historiographie soviétique actuelle qu'un simple retour atavique à l'ère stalinienne et d'ignorer que des améliorations se sont produites. Certes, les historiens continuent de travailler dans les limites des directives du Parti, et dans certains domaines, telle l'histoire du Parti, les· récents changements ont eu essentiellement pour effet de substituer de nouveaux mythes aux anciens. Mais les historiens qui sont prêts à reconnaître ces limites (à la vérité, ils ne peuvent même pas songer à les mettre en question), ont à présent des occasions professionnelles qu'ils n'avaient pas du temps de Staline. Cela paraît évident à en juger par les tendances qui se sont manifestées ces derniers temps. Le fait le plus important est sans doute que les archives ont été ouvertes beaucoup plus largement aux spécialistes désirant consulter directement les sources. Qu'un coin du voile ait été soulevé, cela se traduit par la publication de documents ayant trait aussi bien à la période soviétique qu'à la -période présoviétique, ce qui est en passe de devenir une branche importante de l'industrie historique soviétique. L'énergie dépensée en ce sens donne à croire que le zèle professionnel trouve là un dérivatif relativement agréable et sans danger. Avec l'ouverture des archives, les spécialistes entreprenants qui composent monographies ou articles savants appuyés _sur des Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL sources documentaires sont en mesure d'ajouter une dimension concrète à leurs écrits, ce qui contraste de manière appréciable avec les pâles abstractions de naguère. Tout péril n'est certes pas écarté : le degré de sensibilité varie suivant le thème abordé et l'époque considérée et il est toujours délicat de décider, parmi les documents, celui qui devra être publié et celui qui sera passé sous silence, parmi les témoignages, celui qui sera cité et celui qu'il vaut mieux ne pas retenir. DEUXIÈME PROGRÈS important : la communauté des historiens soviétiqùes a brisé le cercle d'isolement dans lequel elle était enfermée, elle a élargi ses contacts internationaux, elle a maintenant davantage accès à ce qui se publie à l'étranger dans le domaine qui la concerne, qu'il s'agisse d'écrits «bourgeois» aussi bien que de littérature «progressiste ». Cette preuve de confiance de la part du régime ne va pas sans contrepartie. On attend des spécialistes soviétiques qu'ils prouvent leur fidélité à la cause qu'ils servent en démasquant les « falsificateurs bourgeois de l'histoire » et en démontrant la supériorité de la conception «marxiste-léniniste» du monde. Mais les choses ne sont pas toujours aussi simples qu'il y paraît, et il arrive qu'on invoque la règle pour mieux la violer. Non pas que les comptes rendus de plus en plus prolixes consacrés aux écrits historiques « bourgeois » se distinguent précisément par leur objectivité scientifique ; mais leurs auteurs disent parfois plus que les autorités n'auraient souhaité et il arrive à leurs lecteurs d'y trouver davantage que les auteurs n'ont voulu exprimer. Il y a tout lieu de croire que certains historiens au moins savent apprécier le stimulant procuré par la lecture des écrits de «l'ennemi» et qu'ils sont avides de voyages à l'étranger qui leur permettent de rompre des lances, mais aussi de choquer les verres, et à l'occasion d'échanger des idées avec leurs adversaires idéologiques. Autres faits nouveàux qui méritent d'être notés, l'extension des paramètres de l'historiographie soviétique et la prolifération de nouvelles revues reflétant ces préoccupations plus larges. A la suite du scandale de Questions d'histoire, trois nouvelles revues furent fondées : l' Histoire de l' U.R.S.S., qui traite de l'histoire intérieure ; l' Histoirerécenteet contemporaine, qui se concentre sur la politique étrangère et les affaires internationales; et Questionsd'histoiredu P. C. de l'Union soviétique, qui, comme son nom l'indique, est consacrée au Parti lui-même. D'autres sont venues s'ajouter,, trop nombreuses pour être énumérées, qui se limitent à certaines périodes, à des secteurs particuliers tels que les questions militaires ou l'histoire des différentes Républiques. L'intérêt accru pour l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine se traduit -par l'ouverture de nouveaux instituts de recherche, la fondation de revues, la publication d'une large gamme de monographies et d'histoires

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