L. PISTRAK pour les ennemis de la classe ouvrière, avant tout pour les propriétaires fonciers polonais et les barons allemands. C'est pourquoi les agents polonais, les pilsudskiens mirent tout en œuvre pour affaiblir la discipline bolchévique, pour corrompre l'organisation du Parti 13 • La diatribe de Khrouchtchev contre les « ennemis du peuple qui siégeaient à la direction du Comité central ukrainien et à l' obkom de Kiev » visait Kossior et Postychev. En même temps que Khrouchtchev s'en prenait à Kossior, Rodos «le faisait avouer », et peu après Khrouchtchev occupait le siège de membre titulaire du Politburo laissé vacant par la disgrâce de Kossior. IL Y AVAITplusieurs raisons pour que d'éminents vieux bolchéviks comme Postychev et Kossior dussent céder la place à Khrouchtchev. L'une d'elles était leur supériorité intellectuelle et leur plus grande indépendance de pensée, qualité qui n'a pas sa place dans une dictature totalitaire. -De plus, malgré leur brutalité, Postychev et Kossior, comme Kirov et Ordjonikidzé, possédaient un semblant d'honnêteté: ils n'avaient pas montré tout l'empressement désirable à coller à l'aveuglette l'étiquette d'« ennemi du peuple » selon le bon plaisir d'un léjov ou d'un Staline. Enfin, last but not least, leur chute était due à leur popularité parmi les militants ukrainiens et, dans le cas de Postychev, auprès de la jeune génération (pionniers et komsomols). Staline ne pouvait laisser qualifier Kossior, Postychev et autres de « chefs du peuple ukrainien », comme ce fut le cas en plusieurs circonstances : lui vivant, il n'y avait place que pour un seul chef. Que la chute de Postychev ait été causée, au moins en partie, par la violation de cette règle d'or, cela ressort avec évidence d'une déclaration d'un de ses anciens «amis», N. N. Popov, qui, bien qu'ayant abjuré, n'en fut pas moins liquidé : cc Une des raisons pour lesquelles le camarade Postychev était devenu si vite enclin à se laisser griser par le succès était le bruit fait par notre presse autour de son nom 1 '. » Conscient du danger de l' « autopromotion », Khrouchtchev, à la première occasion, sacra Staline «chef du peuple ukrainien » dans une résolution adoptée au 148 congrès du P.C. ukrainien. De plus, il donna la preuve de sa modestie en se contentant des titres de «fils glorieux du Donbass prolétarien » et de «meilleur fils de notre peuple » 15 • Ces appellations étaient toutefois moins employées que celles qui se référaient à son intimité avec Staline : «fidèle disc!J,le de Staline», « ami et compagnon d'armes de J. V. Staline », « le plus proche rdisciple et compagnon d'armes de Staline », « dirigeant 13. Bilchooik Oukralny, 1938, n° 6, p. 10. 14. Vi1ti V. T.1.V.K., 2 juin 1937. is. Ibid., 22 mai et 21 juin 1938 respectivement. Biblioteca Gino Bianco 87 stalinien des bolchéviks ukrainiens », «le plus proche compagnon d'armes du grand Staline, le chef militant des bolchéviks ukrainiens » 16 • La «modestie» n'était pas le seul avantage de Khrouchtchev sur ses prédécesseurs. Plus importants étaient sa cruauté et son empressement à dénoncer et liquider les «ennemis du peuple ». En fait, l'épuration en Ukraine n'avait été 9ue modérément gênée par Postychev et Koss1or. Comme partout ailleurs, la machine de terreur de léjov y fonctionnait assez bien avant l'arrivée de Khrouchtchev, mais Staline et léjov aimaient à fignoler et ne toléraient pas la moindre obsti:uction propre à en ralentir la marche. Ils attendaient de Khrouchtchev un meilleur rendement que celui de ses devanciers. Dans un discours prononcé au . 14 e congrès .du Parti, Dé~an S. Korotchenko, alors président du Conseil des commissaires du peuple d'Ukraine, déclara que Khrouchtchev, «le meilleur fils de notre peuple, l'excellent bolchévik, le mineur du Donbass», avait été envoyé par Staline «pour porter le coup final à toute cette bande trotskiste, boukharinienne et bourgeoise-nationaliste en Ukraine » 17 • L'épuration des hauts fonctionnaires locaux du Parti fut menée par Khrouchtchev avec une célérité remarquable. S. A. Koudriavtsev, nommé premier secrétaire du comité régional de Kiev, après la révocation de Postychev en janvier 1937, et membre du Politburo ukrainien en juin de la même année, fut arrêté quelques mois plus tard. Le 17 avril 1938, Khrouchtchev élimina à son tour le successeur de Koudriavtsev, D.N. Ievtouchenko, membre du Comité central ukrainien, et s'installa à son poste. Même procédure au comité urbain de Kiev, dont Khrouchtchev devint premier secrétaire. Avec l'aide de Mikhaïl Alexiéiévitch Bourmistenko, dépêché par Moscou en même temps que lui pour devenir deuxième secrétaire du C. C. ukrainien, Khrouchtchev, donnant de sa personne dans bien des cas, fit périr pratiquement tous les hauts fonctionnaires du Parti et du gouvernement en Ukraine. * ](- ](- LA MISSIONde Khrouchtchev impliquait non seulement qu'il collaborât étroitement avec les séides de Iéjov en Ukraine, mais encore qu'il fît preuve d'initiative dans la chasse aux «ennemis du peuple ». En mai 1938, dans une lettre où il acceptait de poser sa candidature au Soviet suprême, il écrivait : « Je jure de ne ménager aucun effort pour anéantir sur notre libre sol ukrainien tous les a~ents du fascisme, les trotskistes, les boukharinlens et tous] ces méprisables nationalistes bourgeois 18 • » 16. Visti V. T.s. V.K., 23 mai 1938, 18 juin 1938, 9 Juio 1939 et 24 nov. 1940 respectivement. 17. Ibid., 21 juin 1938. 18. Ibid., 23 mai 1938.
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