Le Contrat Social - anno VI - n. 1 - gen.-feb. 1962

revue historique et critique Jes /aitJ et JeJ iJéeJ Janv.-Fév. 1962 Vol. VI, N° 1 MONOLITHISME DE FAÇADE INNOMBRABLES sont les déclarations des dirigeants communistes affirmant l'unité monolithique, voire le « monolithisme » de leur parti. Affirmations d'autant plus catégoriques et insistantes qu'elles paraissent contredire des faits bien évidents. Dès le premier jour du XXIIe Congrès tout récent, un orateur (K. T. Mazourov) se félicita de « l'unité monolithique » du Comité central, curieusement manifestée en 1957 par l'expulsion du groupe dit « antiparti » formant la majorité du Présidium. Un autre (V. N. Titov), le surlendemain, vanta « le renforcement de l'unité et du monolithisme » réalisé par le XXe Congrès (où Khrouchtchev avait prononcé son fameux discours secret). Un troisième (B. Ovezov), à la même séance, assura que le Parti était devenu « encore plus fort, plus monolithique ». Un quatrième (N. G. Ignatov), deux jours après, flétrit les dissidents qui « durent affronter le mur monolithique du Comité central». Selon un cinquième (P. A. Satioukov), « notre parti est uni, monolithe comme jamais». Etc. On n'en finirait pas de collectionner les propos de ce genre. Cependant l'importance accordée aux « antiparti », tou~ en les traitant maintes fois de « cadavres politiques » (A. N. Chélépine dixit, notamment), et l'ampleur des révélations ayant trait aux luttes intestines du Présidium ne témoignent pas précisément dans le sens du monolithisme. Au point que tous les commentateurs sérieux se demandent encore pourquoi les puissants du jour ont jugé nécessaire de piétiner ces « cadavres » pendant deux semaines, devant «l'élite» communiste réunie pour consacrer le nouveau programme du Parti, et de les vilipender, par la presse et la radio, devant un auditoire universel. Quant aux divergences de vues à l'intérieur du monolithe, on s'en faisait déjà quelque idée plus ou moins juste depuis la crise de juin 1957 où Khrouchtchev faillit perdre sa place et sa vie, mais jamais tant de renseignements et de précisions n'avaient divulgué les réalités en cours derrière la façade du monolithisme. Avant comme après la session du Comité central de juin 1957 où les principaux collaborateurs de Staline furent dénoncés, flétris et exclus du pouvoir, l'unité monolithique était un leitmotiv constant de la propagande officielle. Pourtant Biblioteca Gino Bianco des indices. parfois indéchiffrables démentaient cet optimisme de commande. La mort de Staline avait été suivie d'un épisode encore très obscur, d'où Khrouchtchev sortit en fait, sinon en titre, premier secrétaire du Parti, évinçant Malenkov (quelques mois plus tard, le titre ne fera que confirmer le fait). Sans l'intelligence de ce point de départ, tout le reste devient incompréhensible. Ensuite le monolithisme se traduisit par l'assassinat de Béria commis en pleine séance du Présidium, ainsi que par l'arrestation et la suppression ultérieure de V. Merkoulov, V. Dekanozov, V. Kaboulov, S. Goglidzé, P. Mechik, puis de V. S. Abakoumov, de M. D. Baguirov et de moindres personnages. On assista peu après à la rétrogradation continue de Malenkov, qui dut reconnaître en public son incapacité gouvernementale, et à l'humiliation de Molotov, qui s'avoua coupable de n'avoir pas remarqué le socialisme en U.R.S.S. Entre-temps, des indiscrétions polonaises et yougoslaves avaient indiqué une opposition de certains membres du Présidium à la politique de réconciliation avec Tito et le titisme. Il y eut aussi des signes implicites de mésentente lors de la décentralisation de l'économie, de la refonte des ministères industriels. De ces péripéties se dégageait une constante, l'appui indéfectible que la majorité du Comité central donnait à Khrouchtchev, son interprète, depuis qu'elle en avait fait son représentant principal au Secrétariat en écartant Malenkov. Il est impossible de savoir ce qui, dans l'orientation de la direction collective post-stalinienne, revient en propre à Khrouchtchev personnellement, et ce gui, élaboré par d'autres, devient aliment de sa politique. Toujours est-il qu'au Présidium se constituait peu à peu une majorité de mécontents, majorité contraire à celle du Comité central, disparate quant aux conceptions diverses, mais unie sur un point essentiel : la nécessité d'écarter Khrouchtchev et même de lui régler son compte à la façon dont Staline comprenait le monolithisme. Cette « majorité arithmétique », comme dira Khrouchtchev plus tard, composée momentanément de Molotov, Kaganovitch, Malenkov, Boulganine, Vorochilov, Pervoukhine, Sabourov et Chépilov, aurait eu facilement raison de Khrouchtchev, Mikoïan et Souslov en juin 1957

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