Le Contrat Social - anno V - n. 6 - nov.-dic. 1961

374 décida d'en faire un roman, se rendit à Boston pour se documenter, interrogea quantité de gens, visita tous les lieux. Il avait son récit complètement formé dans l'esprit quand il put revoir Fred Moore, à Denver. A sa grande consternation, l'avocat qui s'était entièrement dévoué à la cause pendant sept ans lui dit qu'à son corps défendant il avait fini par penser que Sacco était coupable, et Vanzetti peut-être aussi ( possibly Vanzetti also). Durant de longues heures, Sinclair questionna· Moore qui lui expliqua comment certains anar-· chistes volaient de l'argent, pas pour eux personnellement, mais pour leur mouvement, comme Staline autrefois en Russie. Cependant jamais Sacco ni Vanzetti n'avaient admis leur culpabilité dans le privé avec leur défenseur, qui d'autre part professait que le rôle d'un avocat au cri~h1el était « d'inventer des alibis et de recruter (hiring, louer en· payant) des témoins». Très troublé, Sinclair rentra· chez lui et la première personne qu'il-consulta fut Lola Moore, ex-épouse de Fred,. qui connaissait intimement l'affaire et affirma que jamais son mari n'avait exprimé une telle pensée. D'une façon ou d'une autre, Bob Minor, leader du parti comrnuniste, apprit ce que Fred Moore avait dit à Sinclair, qui relate : ·Mon téléphone en Californie sonna, c'était Bob, de · New-York. La communication dut être coûteuse, mais- ·-sans nul doute le Parti payait. Je n'ai jatllais entendu •:un homme dans une telle panique, au téléphone ou autrement. « Upton,, vous ne devez p~s le dire., vous ne devez pas ! Vou~ perdriez le mouvement ! Ce s.~rait trahison ! » Ma réponse fut : Cl Je n'ai pas. l'intention de le dire. Je ne peux pas, car je n'~n sais rien. » Mais le pauvre Bob devenait sourd avec les ans et n'entendait pas un mot, si fort que je criasse. Il ne cessait de répéter : · « Vous ne dev~z pas le dire ! », arguant, plaidant, pleurant presque. Certes, je ne pouv~is.. « le dire », car je ne le savais pas. · Sinclair avait causé avec la famille Sacco et senti .qu'un sombre secret pesait là. Personne ne lui parlait frat?-~hem~~t,on le suspectait, bien· qu'il fût introduit et recommandé par Mrs. Evans, une, _dame riche de Boston _qui avait conduit et fil}anc~_la.c~mpagne en faveur des deux Italiens. Par contre, il acquit la certitude que Vanzetti était' i~oçent :_· « Mais je puis comprendre qu'iJ préférâr-la chaise électrique plutôt que de révéler ce qu'il savait à propos d'un ami. » Finalement, Si!)cl~ir~crivit son ~o~an, Boston, ~n toute objectivA~, san.s tai~e .c~ qQ.~ilavait appris quant à (c. .I?:~~-ti9:Q 9'irecte.. »: et· e~ .situant son per~onnage a~ar~~ts!e en Suisse. ·.-.- . ~ Contre Sacco et Vanzetti, l'accusation retint qu'ils avaient gagné Mexico.en 1917 pour ne pas participer à la guerre, en vertu de leurs principes paèifistes, mais qu'ils· étaient lourdement armés quand on les arrêta en 1920: cc Cette contradiction eut du ·poids sur le jury qui les a çondamnés. » A ce point de son exposé, Max Eastman en arrive à un témoignage décisif, celui de Carlo Tresca, anarchiste italien lui aussi, trente-six fois incarééré, le plus éminent, aimé et admiré de tous, Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL confident de chacun, l'homme qui avait organisé avec Moore la défense des deux accusés et transformé leur procès en cc cause célèbre », l'homme le mieux informé de ces choses. Max eut l' occasion, seul à seul, de lui demander: cc Carlo, vous sentez-vous libre de me dire la vérité à propos de Sacco et Vanzetti? » Carlo répondit : cc Sacco était coupable, mais pas Vanzetti. » Quelqu'un survint et interrompit la conversation, que Max se proposait de reprendre, mais il n'en eut pas la possibilité avant l'assassinat de Carlo Tresca (par un agent de Staline, selon toute vraisemblance). La conviction de Max Eastman était faite. Conclusion : Sacco aurait pu sauver son camarade en disant la vérité; Vanzetti s'est sacrifié par solidarité, pour ne pas ruiner leur commun système de défense. Les communistes le savent, et sont de mauvaise foi en continuant d'exploiter- ,. la tragédie à leurs fins partisanes. Errata Dans notre dernier numéro (septembre-octobre 1961), deux erreurs doivent être rectifiées : I. Article de K. Papaioannou sur « le Dépérissement de l'Etat », p. 271, 1re col., avant-dernier alinéa ; lire : <( En 1845 [au lieu de 1895], Engels dénonçait ... »; 2. Article d' A. Patti sur « la Scolastique du marxismel~ninisme », p .. 282, 2e col., note 13 ; lire : c< C'est la géon:iétrie sans, parallèles de l'Allemand Riemann qu'utilise [au lieu de qui utilise] la théorie de la relativité généraµsée ... ». -. leCOMRU SOCY ·,., revue ltistorique et criti'lue Jes faits et Jes iJles Rédaction - Administration : . . , , 165, rue de l'Université, ~arls 7• . SOL(érino 43-30 Abonnementg: voir nouveau tarif ci-dessous. - A NOS LECTEURS Malgré d'importantes hausses de prix, nous n'avons procédé à aucune majoration de notre tarif depuis le début de 1958. [!ne révision s'imposait.. Nous ne doutons pas que nos lect~urs et abonnés voudront lnen_ le comprendre. . A partir de . la prochaine livrai-son (janvi-er-février 196.2), l~ prix de v~nte au numéro.sera porté à 3 NP. A compter du 1er- janvier 1962, le montant d'un abon~ nement.d'un an (6 numéros) sera de: - France et Communauté......... 13 NF - Etranger ........... : . . . . . . . . . . . 15 NF - Abonnement de soutien ...... ~ . . 40 NF IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE D'ÉDITION 45, rue Colbert - Colombes (Seine) Le gérant : L. Cancouët Dépôt légal: 4e trimestre 1961 Imprimé en France

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