372 auraient r.èmis un « Etre suprême», l'auteur (p. 375) paraît s'étonner - sans fondement puisqu'il est bien connu, depuis la découverte d'Andrew Lang, que le cas est loin d'être isolé. Relativement à l'Iran ancien, absence de toute référence au zervanisme, antérieur au dualisme moral zoroastrien et qui, à certains égards, fait mieux comprendre la perspective de la fantaisie nietzschéenne. Les spécialistes auraient certainement beaucoup plus à dire, ou à redire ; nous ne tenterons pas de les imiter. Luc GUÉRIN. De la magie en politique MARC BLOCH: Les Rois thaumaturges. Paris 1961, Libr. Armand Colin, vu-537 pp. VOICI une réédition qu'avec une pointe de satire on dirait d'actualité. Sir James G. Frazer avait posé la question à partir de données ethnographiques en évoquant dans un essai célèbre les Origines magiques de la royauté, thème repris dans son Rameau d'Or. Le potentat d'Afrique ou bien d'Océanie - roidieu autrement archaïque que le souverain de droit divin dont Bossuet élevait le principe à la hauteur d'une théorie - serait-il une mutation du sorcier lorsque ce dernier, de personnage clandestin, devient public ? Il est vrai que Frazer y voyait magie noire autant que magie blanche : une fois posée la loi d'ambivalence caractéristique du sacré, le monarque absolu pourrait être considéré comme fauteur de maux autant que guérisseur. Ainsi serait-on amené à conjecturer que le pouvoir, traditionnellement attribué aux rois de France et d'Angleterre, de guérir par le toucher . les humeurs froides, également appelées écrouelles, n'aurait _faitqu'un avec celui de les produire. Etudiant plus spécialement le cas européen, Marc Bloch, notre grand historien sociologue, s'est refusé à pousser le comparatisme jusque-là: il LE CONTRAT SOCIAL n'existe aucune preuve qu'une magie autre que blanche, ou bénéfique, ait jamais été attribuée aux souverains chrétiens de nos climats - climats tempérés en matière médicale (M. B., p. 53). C'eût d'ailleurs été manquer de révérence que d'investir officiellement nos Majestés d'outreManche et d'en-deça d'un aussi diabolique pouvoir que celui de produire les maux qu'ils eussent ensuite guéris. Quoi qu'il en soit, d'un côté de la Manche comme de l'autre, nos monarques traditionnels n'ont jamais ordonné la pollution des fontaines, méfait dont, au Moyen Age, on se contentait d'accuser les juifs. Leur magie était aussi blanche que leurs visages, nonobstant les formules qui les faisaient saluer comme « très redoutés seigneurs ». Eu égard aux écrouelles dont la source tuberculeuse est maintenant établie, est-il utile de rappeler qu'ils ne pouvaient qu'ignorer l'existence du bacille de Koch ? De plus utiles réflexions sur le beau livre de Marc Bloch, nourri d'une sûre et scrupuleuse érudition, nous mèneraient au « pouvoir charismatique »,au sens de Max Weber. Le « charisme », dont le champ d'action est plus spécifiquement politique que médico-physique, peut et doit être considéré comme la forme édulcorée de la thaumaturgie royale primitive. Il s'exerce, dans les rapports avec la foule, par la parole plus que par le contact, bien que l'imposition des mains ne manque point d~être observée, à tout le moins sous la forme démocratisée de la poignée de main. En France, la thaumaturgie médicale proprement dite s'est trouvée abolie par l'opération, plus radicale, de la guillotine ; en Angleterre, par une incrédulité qui avait été celle du souverain avant de gagner son peuple ; le charisme subsiste, et l'on en donnerait autant d'exemples républicains que royaux. C'est l'occasion de rappeler que les philosophes du xvu1e siècle, qui espéraient tant des Lumières, nourrissaient des illusions sur leur propre pouvoir. Le Montesquieu des Lettres persanes notamment, commémoré par Marc Bloch dans sa savante étude où se trouve cité le texte : « Le Roi est un grand mag1c1en... » L. G. CHRONIQUE Quarante ans après QUARANTAENSont passé depuis qu'un tribllll:al de l'Etat du Massachusetts a condamné à mort, en juillet 1921, deux anarchistes italiens, Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, pour un crime commis le 15 avril 1920: l'assassinat de deux employés d'une entreprise de chaussures à South Braintree, suivi d'un vol de I 5 .ooo dollars. Cinq hommes avaient pris part au coup. On finit par arrêter Sacco et Vanzetti· comme susp~cts, sans avoir contre eux de preuves suffisantes. De nomBiblioteca Gino Bianco · breux témoins· justifièrent leur alibi ; d'autres prétendirent les identifier. Après leur condamnation, bien' des témoignages à charge furent discrédités ou mis en doute. En 1925, un assassin condamné pour un autre meurtre avoua sa participation au coup de South Braintree, disculpa les deux Italiens. L'innocence de Sacco et de Vanzetti ne faisait pas de doute pour un nombre croissant de libéraux, de gens de gauche. Les réunions publiques, les motions, les pétitions se (
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==