Le Contrat Social - anno V - n. 5 - set.-ott. 1961

B. SOUV ARINE réalité des forces. Sur les points particuliers de friction entre les deux «personnalités» en désaccord inavouable sur le «culte», les suppositions plausibles abondent, les arguments contraires aussi. Khrouchtchev n'a pas les moyens (pacifiques) de contraindre Mao, lequel s'est avéré capable de choses insensées, mais nul ne sait comment la politique s'élabore dans le «groupe antiparti » maître du Parti à Pékin. La circonspection des protagonistes qui s'observent et se tâtent réciproquement laisse du temps pour exorciser le spectre jaune. Toutes les questions soulevées au Congrès seront à reprendre plus à fond et, en attendant, quelques considérations sur le programme s'imposent, en guise de préface. LE NOUVEAU TEXTE prétentieux, fastidieux, laborieux, grandiloquent, mensonger, dogmatique, redondant, contradictoire intitulé «programme», tissé de lieux communs et de platitudes, imprégné de vulgarité et d'arrogance, est une sorte de pot-pourri où s'affirme avec aplomb la pire confusion des genres, une somme de tous les clichés rebattus depuis quarante ans par la propagande. Il a fallu maintes cc brigades » de rédacteurs pour venir à bout de la tâche «historique» et, de peur de rien oublier, ceuxci ont rempli 144 pages (éd. russe) sans remarquer les répétitions, doubles et triples emplois, antinomies et divergences. Un certain F. N. Pétrov, cc membre du Parti depuis 1896 », s'est chargé de raconter au Congrès la triste histoire du projet : le XVIe congrès en 1930 avait décidé de refaire le programme ; neuf ans après, le XVIIIe congrès nomma une commission à cet effet; treize ans plus tard, le XIXe congrès réitéra la décision ; en 1956, le xxe congrès redécida... ; enfin Khrouchtchev vint et, en 1961. •• (Pravda, 27 oct., p. 6). L'histoire ne dit pas combien de rédacteurs ont péri d'une balle dans la nuque. Toujours est-il qu'en trente ans, les survivants n'ont pas eu cc le temps de faire court». Laissant de côté la diatribe du factum, délaissant les parties déjà largement réfutées au jour le jour ou suffisamment traitées d'autre part, on se bornera ici à des remarques préliminaires, sans préjudice de commentaires ultérieurs sur les thèmes qui mériteront une attention spéciale. Et d'abord il faut rappeler que le Parti avait proclamé l'achèvement des cc bases» du socialisme en 1932 (à sa 17e conférence) et la réalisation du socialisme en 1939 (à son XVIII0 congrès), annonçant alors la phase transitoire entre le socialisme et le communisme. C'est donc se moquer du monde que de prendre le « troisième programme » de 1961 comme point de départ pour la «construction (sic) de la société communiste». Et c'est reconnaître l'infériorité du socialisme par rapport au capitalisme en matière de production et de productivité puisque le Parti se propose de rejoindre, sur le papier, les pays les plus avancés à une date conditionnelle sans cesse ajournée. Biblioteca Gino Bianco 253 Le mode conditionnel entremêlé aux tournures ambiguës et aux formules à double sens permet d'ailleurs toutes les palinodies et les échappatoires. Il est dit, par exemple, que cc la complication de la situation internationale et la nécessité qui en découlera d'augmenter les dépenses pour la défense sont susceptibles de freiner la réalisation des plans de l'élévation du bien-être du peuple ». Or il dépend exclusivement du pouvoir soviétique de compliquer la situation internationale, comme il le montre sans cesse, et précisément une semaine après la publication du programme on a pu lire dans la presse soviétique que cc les soviets des entreprises de Moscou, Léningrad, Kiev, Gorki, et d'autres régions demandent (sic) au gouvernement d'autoriser (sic) les usines travaillant pour la défense nationale de passer de la journée de sept heures à celle de huit heures» (journaux du 8 août). On n'attendait pas aussi proche une preuve aussi convaincante que le programme est et sera un chiffon de papier. Elle dispense de démonstration sur bien d'autres articles de la «charte du bonheur». Le charlatanisme cc scientifique » passe toute mesure dans le chapitre relatif à la gratuité de certains services publics et communaux, de l'instruction publique, de l'assistance médicale, du logement, de l'alimentation dans les entreprises, etc., cc au terme des vingt prochaines années», et sous réserve de «l'accomplissement des tâches assignées par le Parti». D'autre part, les salaires seront parallèlement en augmentation constante et considérable, paraît-il. Ainsi, moins les travailleurs auront besoin d'argent, plus ils doivent en recevoir. A cette absurdité pratique s'ajoute la tromperie de principe sur l'éventuelle gratuité des services : à moins de fournir ces services par du travail non payé, les bénéficiaires payeront d'une manière ou d'une autre, indirectement sinon directement. Dans une société sans classes, les frais sont nécessairement couverts par l'ensemble des consommateurs, alors qu'on peut concevoir la gratuité assurée aux dépens d'une catégorie sociale (ou de plusieurs) dans une société de classes, par un système de taxations appropriées. Si le régime garantit la gratuité aux uns en taxant les autres, c'est qu'il se fonde sur l'inégalité sociale et par conséquent n'est point communiste, puisque déjà le socialisme se définit comme une société sans classes. «La période de construction en grand du communisme se distingue par l'accroissement du rôle et de l'importance du parti communiste », lit-on vers la fin du monstre doctrinal qui se réclame du marxisme-léninisme et qui proclame la pérennité du Parti, donc de l'Etat, bafouant ainsi la théorie de Marx et de Lénine. On aura encore à gloser sur le culte de l'EtatParti et des personnalitésj,~i l'incarnent, Khrouchtchev et Mao après St · e. B. SouvARINB.

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