QUELQUES LIVRES jadis une des raisons d'être de l'organisation. Rappelons encore l'imposture que le B.I.T. a couverte de son autorité en publiant, peu de temps après avoir admis l'Union soviétique, une monographie sur les conventions collectives dans le monde (Les Conventions collectives, Genève 1936). Ses propres fonctionnaires avaient mis au point un texte à maints égards exemplaire. Or on y inséra un chapitre sur les conventions collectives en U.R.S.S. qui reproduisait purement et simplement, sans le moindre examen critique, une prose fournie par un fonctionnaire du Conseil central des syndicats soviétiques. Bien que le régime des contrats collectifs se trouvât alors aboli depuis des années en Union soviétique, ce chapitre - truffé, il va de soi, de slogans staliniens - décrivait en détail le fonctionnement du système. Voici maintenant le résultat d'une des premières enquêtes entreprises à la suite de la proposition du groupe ouvrier : La Situation syndicale en U.R.S.S. Rapport d'une mission du Bureau international du Travail. Nulle trace de l'étude objective qu'avaient envisagée les initiateurs ; c'est, tout au contraire, une tentative d'envergure pour dissimuler la vérité. Cette fois, on s'est surpassé : le texte justifiant toutes les pratiques antiouvrières et antisyndicales en vigueur en U.R.S.S. n'a pas été rédigé par un scribe stipendié de la dictature, mais bien par les fonctionnaires du B.I.T. euxmêmes. La direction de celui-ci est apparemment très fière de ce tour de force. Elle a rompu la tradition des études anonymes et a publié dans l'introduction les noms de tous ceux qui ont pris part à l'enquête et à la rédaction du rapport. L'essentiel du travail dont on nous présente le résultat consiste en un voyage de deux mois effectué en Union soviétique par une mission du B.I.T. en 1959. Son organisation défie l'imagination. Tout d'abord, il fut décidé de s'adjoindre un fonctionnaire soviétique occupant un poste de conseiller au B.I.T., à Genève. Puis, une fois à pied d'œuvre, la mission fut prise en charge par un représentant du Comité d'État pour les questions du travail et du salaire et un autre du Conseil central des syndicats, qui ne l'ont plus quittée jusqu'à la fin de son séjour. Tout. ce que le rapport trouve à dire quant à cette surveillance, c'est que « le précieux concours » des deux fonctionniares a permis « de résoudre les problèmes que ne manque pas de poser un voyage d'une telle longueur». Que ce « précieux concours» n'ait pas gêné les enquêteurs s'explique lorsqu'on connaît leurs interlocuteurs. Partout où ils se rendirent, ils eurent exclusivement affaire aux représentants du t'ouvoir : chefs d'entreprise, responsables du Partt, porte-parole des syndicats d'Etat. Il ressort du rapport qu'ils n'ont pas même essayé d'entrer en contact avec le simple salarié pour savoir ce qu'il pense, à quoi il aspire, de quoi il se plaint. Ce qui ne les empêche pas de lui attribuer des Biblioteca Gino Bianco 245 opinions toujours conformes, comme par hasard, aux thèses officielles. Par exemple : Lors des entretiens prolongés et approfondis que les membres de la mission ont eus avec des directeurs d'usine et des dirigeants syndicaux, ils ont été frappés par les connaissances, les capacités et la confiance dans l'avenir de leur pays dont faisaient preuve leurs interlocuteurs. Ils ont pu se rendre compte que la campagne visant à égaler la production des Etats-Unis n'est pas seulement un slogan lancé par Moscou, mais qu'elle constitue vraiment un programme à l'exécution duquel tout un peuple consacre ses efforts confiants. Une seule chose aurait, paraît-il, gêné l'enquête : le manque de temps. C'est pour cela que « la mission n'a pu (...) assister à de nombreuses réunions syndicales ». Elle préférait aller voir des .films de propagande : Les membres de la mission ont également assisté à la projection de plusieurs films documentaires qui leur ont fourni de précieux renseignements sur la situation économique de diverses parties du pays ... Les vins de grands crus ont beaucoup retenu son attention : ...la ferme collective de Crimée produit aussi une grande quantité de raisin, culture à laquelle le climat de la région semble particulièrement convenir, et élargit considérablement ses vignobles. Un important établissement vinicole situé dans le même district, près de Yalta, produit, en grande quantité, des vins rouges et blancs. Ces vins de Crimée, de même que ceux de Géorgie, sont très. réputés en Union soviétique, et on a affirmé à la mission que la production vinicole totale du pays finira par égaler celle de la France. La production de champagne est actuellement en hausse. A Tbilissi [autrement dit : Tiflis], la mission a pu assister à la production, en grand, de champagne, selon la méthode traditionnelle de la fermentation en bouteille et aussi selon la technique nouvelle, plus rapide, impliquant l'utilisation de grandes cuves. Tous ces établissements possèdent d'ailleurs des installatiops modernes, dans lesquelles le rinçage, le remplissage, le bouchage, le scellage et l'étiquetage des bouteilles sont automatiques. La mission n'a visité que treize villes d'un pays immense, mais elle n'a pas manqué de faire un séjour à Yalta, ce paradis des estivants privilégiés au bord de la mer Noire, où elle s'est rendue, bien entendu, pour les besoins de l'enquête: Au cours de son séjour à Yalta, les membres de la mission ont visité deux sanatoriums et une colonie de vacances pour écoliers, afin de se familiariser avec cet aspect de l'activité syndicale. Malgré cette curieuse fa5on d' « étudier sur place», les enquêteurs auraient pu se faire une idée objective des syndicats soviétiques. La résolution du Conseil d'administration qui était à l'origine de la mission indiquait expressément qu'il ne fallait pas se limiter aux sources d'information officielles.Dès lors, un devoir élémentaire aurait consisté à étudier, entre autres, les ouvrages sérieux consacrés aux syndicats soviétiq_ues en Occident. On a préféré les ignorer tous, Jusques
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