228 en particulier aux condamnés pour « crimes contre l'Etat », pour « actes de banditisme » ou en tant que « pare~ts de traîtres à la patrie », « éléments socialement dangereux» ou « suspects d'espionnage». Il n'est pour s'en convaincre que de comparer les règles du régime sévère actuellement en vigueur dans les colonies à celles du régime sévère dans les camps du passé, telles qu'elles furent énumérées par un ancien inspecteur : garde renforcée et règlement intérieur plus strict ; appels plus fréquents et plus rigoureux ; d~placements sous escorte, même dans l'enceinte du camp ; restrictions à l'utilisation des détenus dans leur spécialité et à des travaux administratifs et techniques; affectation à un travail de manœuvres non spécialisés ; restrictions spéciales ou même privation complète du droit de correspondance, de visites et de colis, ainsi que du droit de disposer d'argent; surveillance minutieuse par la section spéciale (police secrète) ; équipement de qualité inférieure ; répression plus rigoureuse des infractions commises dans le camp (cf. L' Institution concentrationnaire en Russie. 1930-1957, pp. 158-159). L'augmentation du nombre des prisons et l'introduction du travail forcé dans ces dernières sont les seuls changements essentiels qui aient été apportés au système concentrationnaire depuis les réformes de 1954. Il est vrai que ces réformes, adoptées à la suite des grèves dans les camps, ne produisirent pas immédiatement leur plein effet. Surtout, la réduction du nombre des détenus s'étala sur plusieurs années. La raréfaction progressive de la main-d' œuvre qui en découlait entraîna probablement pour les forçats certaines améliorations matérielles. En ce sens, on peut parler de réformes ultérieures à 1954. Mais, simultanément, au cours des dernières années, les autorités revinrent, du moins partiellement, sur certaines réformes antérieures. C'est ainsi que le salaire du prisonnier, ou plutôt la fraction qui en reste après les diverses retenues, n'est plus versé en espèces : pour que l'administration puisse mieux contrôler l'emploi de leurs fonds par les détenus, un système de virements fut introduit ( Le Droit soviétique du travail correctif, p. 186). C'est ainsi également que fut remise en question la règle selon laquelle une journée de travail compte pour plus d'une journée de détention si la norme de rendement est atteinte ou dépassée. Cette règle, supprimée en 1939, fut rétablie dès 1948 pour les « droit commun» et étendue aux condamnés politiques après les grandes grèves. Or, en 1958, il fut proclamé qu'aucun détenu n'a droit à une telle mise en compte des journées de travail, que c'est là une faveur accordée à titre individuel par l'administration. En même temps, la portée en fut réduite et diversifiée suivant les catégories de détenus : dans le cas des condamnés pour « crimes dangereux contre l'Etat et autres crimes graves », une journée de travail ne peut compter au maximum que pour une journée et demie de détention; pour les BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE autres prisonniers, l'équivalence peut être portée à deux journées de détention au maximum (ibid., pp. 254-255). Auparavant, le maximum avait été de trois journées pour tout le monde (La Justice soviétique, 1957, n° 5). La réorganisation des camps en colonies, si tant est qu'elle ait eu lieu, n'alla donc pas au-delà d'un simple changement de nom, bien que les porte-parole du pouvoir prétendent que la nature même de la peine fut modifiée. Désormais celle-ci vise surtout, à les en croire, à rééduquer le délinquant. A partir de 1954, il est vrai, on introduisit dans les camps l'enseignement général, la formation professionnelle, la radiodiffusion et la projection de films ; on se mit à encourager diverses activités culturelles, à aménager des terrains de sport, etc. Mais des innovations de ce genre ne peuvent évidemment pas changer la nature de la peine : les théoriciens soviétiques eux-mêmes n'y croient pas et le professeur Outevski a écrit : La réalisation conséquente de la tâche de rééducation des condamnés ne signifie pas que la tâche de punir disparaisse dans l'activité des institutions de travail correctif. (...) Le fait même de voir une opposition entre la punition et l'éducation constitue une erreur (L'Etat soviétique et le droit, 1957, n° 3). A la conférence sur le droit du travail correctif en mai 1957, un juriste de renom déclara que « dans l'activité des établissements de travail correctif sont toujours présents, indépendamment du caractère de ceux-ci, des éléments de punition qui n'atteignent le but éducatif qu'en fin de compte et notamment par voie de coercition » (ibid., 1957, n° 12). Le Droit soviétique du travail correctif exprime la même idée : L'exécution stricte et obligatoire des impératifs du régime par les détenus des établissements soviétiques de privation de liberté, et l'application des sanctions disciplinaires à ceux qui les enfreignent, ont une valeur éducative : elles accoutument à la discipline et à l'autodiscipline (p. 97). Si les camps de concentration ne ressemblent en rien à une institution pédagogique, l'insistance mise sur le redressement et la rééducation des délinquants sert en revanche de prétexte au recrutement parmi les prisonniers de mouchards et autres hommes de confiance de l'administration. Les conseils de détenus, tombés en désuétude depuis longtemps, furent ressuscités dès 1954 et réorganisés à partir de 1958. Suivant la définition officielle, cet organe « aide l'administration à résoudre la tâche de redresser et de rééduquer les détenus et participe directement au développement par.t}li eux de l'émulation socialiste, à la lutte pour un mode de vie sain (sic) et un emploi utile des loisirs, ainsi qu'au dépistag~ des éléments parasites». Le conseil, qui se réunit en présence des représentants de l'administration, peut fournir des renseignements sur les prisonniers dont cette dernière entend proposer la libération conditionnelle
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