E. PAPAGEORGIOU tuant le système majoritaire dans certaines circonscriptions, la proportionnelle dans d'autres. Des protestations s'élevèrent aussitôt contre la nouvelle loi, accusée d'avoir été conçue à l'avantage de M. Karamanlis. C'est ainsi que prit corps l'Union démocratique, à la fois signe de protestation et expédient électoral pour différents partis d' opposition. Les résultats tendirent à confirmer que le système électoral favorisait le parti de M. Karamanlis, puisque l'Union radicale nationale (E.R.E.) avait pu, avec 47,38 % des voix, obtenir 165 sièges au Parlement, alors que l'Union démocratique, avec 48,15 %, n'en obtenait que 139 (dont 18 pour les candidats de l'E.D.A.). Que la coalition de Front populaire fût aux yeux de ses membres non communistes un « mariage de convenance» était déjà visible avant les élections : ils avaient refusé, en dépit de fortes pressions de l'E.D .A., d'inscrire au programme la levée de l'interdiction du K.K .. E. réclamée par les communistes. Au lendemain des élections, leur collaboration avec l'E.D .A. cessa et les députés reprirent leur liberté d'action. Les communistes avaient cependant récolté les avantages qu'ils recherchaient. Malgré sa brièveté et sa nature illusoire, la coalition leur avait permis de sortir de l'isolement, de faire campagne sous une bannière commune, non seulement avec des compagnons de route, mais avec des partis nationaux du centre et de la gauche, et de retrouver ainsi un semblant de respectabilité. Ce facteur fut d'une importance capitale aux élections générales suivantes, deux ans plus tard, en mai 1958. Des tentatives furent de nouveau faites pour créer un Front populaire, mais les négociations échouèrent sur quatre points fondamentaux : 1. les partis nationaux voulaient une déclaration de programme affirmant que la Grèce maintiendrait ses alliances avec l'Occident, ce que l'E.D.A. n'accepta pas ; 2. l'E.D.A. tenait pour une déclaration s'opposant à l'installation en Grèce de rampes de lancement de fusées, refusée à son tour par les autres partis ; 3. l'E.D.A. réclamait une promesse expresse d'amnistie pour les proscrits et prisonniers politiques, mais les autres partis n'acceptèrent, à titre de compromis, qu'une déclaration de politique générale sur la nécessité d'oublier le passé ; 4. enfin, l'E.D .A. voulait que le programme promît d'augmenter de 30 °/4 les salaires et de 50 % les pensions, mais les autres partis refusèrent de prendre des engagements précis de cette importance avant un examen approfondi de la situation économique. Fait curieux, la position de l'E.D .A. dans ces négociations constitue le seul cas évident où elle n'ait pas suivi la direction du K.K.E. Apostolos Grozos (qui avait remplacé Zachariadis comme secrétaire général de l'organisation en exil après un remaniement en 1956) laissa en effet entendre, dans une déclaration radiodiffusée par le poste du Parti et publiée le 11 avril 1958 dans l'Avgi, que la direction du K.K.E. était favorable à une Biblioteca Gino Bianco 211 attitude plus conciliante de l'E.D .A. afin de faciliter la formation d'un Front populaire. Il suggéra notamment un compromis sur la question des alliances occidentales de la Grèce, en échange d'une acceptation des exigences de l'E.D .A. quant aux bases de fusées (problème de première importance dans la propagande communiste internationale). Selon Grozos ... .. .les divergences d'opinion sur la question des alliances existantes de la Grèce ne doivent pas devenir un obstacle à la coopération, étant donné que la gauche ne soulève pas pour le moment le problème du retrait de l'O.T.A.N. et que la lutte contre le danger de la guerre des fusées prime tout. Si le Front populaire avait échoué, l'E.D .A. réussit à inciter nombre de candidats à se présenter individuellement aux élections sous l' étiquette « personnalités coopérant avec l'E.D.A. en qualité d'indépendants», en échange de quoi elle leur assurait le soutien de son organisation dans leur campagne. Les résultats des élections de 1958 furent une surprise pour tout le monde. Le parti de M. Karamanlis, l'E.R.E., restait en tête avec 41,16 % des voix, obtenant 171 sièges sur 300. Mais l'E.D.A., en comptant ses propres candidats et ceux qui avaient accepté son patronage, arrivait en second avec 24,42 % des suffrages et 79 sièges. Le parti libéral centriste venait en troisième position avec 20,67 % et 36 sièges, tandis que le P.A.D.E., coalition des partis ayant refusé l'entente avec l'E.D.A., obtenait 10,62 % des voix et 10 sièges. L'interprétation des statistiques électorales obligeait de conclure que l'extrême gauche recueillait environ 15 % de voix de plus qu'en 1956. Raisons du succès L'EXPLICATIONde cette montée de l'E.D.A. réside dans une série complexe de facteurs politiques, économiques et sociaux, joints à des problèmes intérieurs et internationaux. L'une des causes fondamentales est la situation sociale et économique en Grèce. Le revenu moyen y est très bas, la richesse se concentrant aux mains d'une minorité. Les quatre cinquièmes de la population sont des petits fermiers pour lesquels il n'existe pas de programme d'assurance-maladie ni de retraites. On avait beaucoup espéré que la reprise économique d'après guerre, favorisée par l'aide des Etats-Unis, élèverait le niveau général des revenus ; mais comme l'essentiel de cette aide fut affecté à des projets de développement à long terme, la population n'a guère constaté l'amélioration de son sort. Le mécontentement monte et les gens sont de plus en plus enclins à espérer un changement qui amènerait des réformes économiques et sociales. Peu ou prou, la plupart des partis politiques ont pris conscience de la nécessité de ces réformes, mais divers facteurs dans la structure du pouvoir politique en ont empêché la réalisation, avant
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