Le Contrat Social - anno V - n. 1 - gennaio 1961

.. LA COLONISATION DANS L'HISTOIRE par Léon Etnery LA TERMINOLOGIE politique, peu précise par elle-même, subit en notre temps de terribles atteintes provoquées par les exagérations et les sophistications chères à la propagande et à la polémique. Parler du capitalisme, du socialisme, du marxisme, de la démocratie, supposerait désormais, si l'on voulait éviter tout malentendu, référence à des notes explicatives plus longues que le texte; de même, il est interdit de parler de la colonisation sans encourir de lourdes responsabilités. Selon la mode ou la loi régnante, elle doit être vouée à l'exécration, assimilée au mal absolu, en sorte que le plus urgent des devoirs est de décoloniser. Mais que signifie .ce manichéisme simpliste ? Décoloniser, est-ce à peu près dératiser ? Faut-il concevoir un génocide dont les colons ou leurs descendants feraient partout les frais ? Il n'est pas besoin d'alléguer l'exemple des Phéniciens, des Grecs, des Romains, des Normands et de cent autres peuples pour comprendre que la création des colonies fut et demeure liée à la vie des tribus, des cités et des nations. Qu'elle se soit accompagnée en bien des cas de massacres barbares et d'effroyables exactions, il en faut assurément conclure qu'on doit réparer, corriger, prohiber des modes et des méthodes; mais vouloir condamner toute colonisation à cause des abus et des crimes qu'on dénonce aisément revient à frapper d'interdit l'industrie humaine parce qu'elle est fréquemment organisée d'une manière injuste ou pernicieuse, parce qu'une de ses branches les plus :florissantes est l'industrie des armements. Non seulement c'est vanité et confusion que de vouloir taxer rétrospectivement d'infamie toute entreprise colonisatrice ; on peut même affirmer sans crainte que la colonisation continue sous nos yeux avec plus d'ampleur que jamais, et que si elle a changé de costume elle n'a pas changé de nature. Il est étranged'ailleursque les anticolonialistes les plus influentsne. se soient pas sentis ~ et ' Biblioteca Gino Bjanco ! ne se sentent toujours pas - en porte-à-faux. Lorsque Franklin D. Roosevelt lança les fameuses déclarations qui allaient déterminer le glissement de l'avalanche, pensa-t-il aux origines historiques des États-Unis, à l'époque où, colonie de la Couronne, ils ne s'en trouvaient pas si mal ? Les Russes, les Chinois, les Arabes, s'instituent aujourd'hui champions véhéments de la décolonisation, mais qu'ont donc fait les Russes en Sibérie et au Turkestan, les Chinois en Mongoli~ et en Indochine, les Arabes en vingt pays du monde où ils ont généralisé à leur profit le commerce des esclaves ? Il est patent que les vérités destinées à la tribune de l'O.N.U. ne sont que vérités de combat, slogans dictés par la conjoncture politique et la manœuvre. Si l'on désire voir un peu clair, et d'abord ne pas se laisser duper, il faut prendre appui non sur des principes dont naissent d'inutiles dialectiques, mais sur l'histoire. Et comme il faut bien se borner, nous nous en tiendrons à quelques remarques sur la colonisation anglaise et la colonisation française, sans rétrograder de beaucoup plus d'un siècle. * )f )f Aux ALENTOURS. de 1840 et presque. simultanément, le gouvernement britannique prend deux initiatives dont il est bien éloigné lui-même de mesurer la portée. D'une part - et sans qu'il soit besoin d'attendre pression ou révolte, - il octroie au Canada une autonomie à peu près complète ; le cours des choses étant irréversible, on voit bien que l'Angleterre s'est engagée une fois pour toutes dans la voie d'une sagesse empirique et libérale qui répudie toute fausse uniformité, qui va modeler les institutions de chaque territoire colonial sur les réalités sociales dont il offre le spectacle. Que le processus d'émancipation ait commencé par les colonies de race blanche, par les essaims sortis de la ruche

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