320 continentale ne cessent de la proclamer, de la définir comme une «unité monolithique », et même de souligner modestement la préémineD:ce de l'Union soviétique « à la tête des pays socialistes » (lire : des pays subjugués par les armes communistes). Et tantôt ensemble, tantôt alternativement, les voix et les plumes officielles réitèrent à Pékin et à Moscou l'expression d'une communauté de vues politiques, doctrinales, bref « idéologiques ». Les preuves en abondent, jusqu'à prendre un caractère obsessionnel : l'article Vent d' Est, dans le dernier numéro de notre revue, en rapporte un bon nombre ; on pourrait désormais en réunir tout un volume, car de septembre à novembre, Mao et ses acolytes ont multiplié les affirmations de coexistence pacifique et de conformisme marxiste-léniniste, notamment à l'occasion des anniversaires de la saison. Cependant une théorie à la. mode veut que ce ne soit là qu'apparence dissimulant la réalité d'un antagonisme foncier, tout au moins d'un « conflit idéologique » gros de conséquences. A l'appui de cette théorie, les exégètes disposent d'une imposante collection de sous-entendus, de prétéritions, d'allusions sibyllines qu'ils interprètent à leur gré comme autant de signes annonciateurs de rupture virtuelle. De telles spéculations seraient sans autre importance si elles n'impliquaient, pour les pays relativement libres où elles se donnent libre cours, des conceptions trop conformes aux intérêts de l'expansion communiste. * * * D'APRÈSL'EXÉGÈSE à la mode, Khrouchtchev et Mao seraient à couteaux tirés : chaque fois que les Chinois dénoncent le « révisionnisme » et prennent Tito pour cible, vitupérant en lui un « valet de l'impérialisme», c'est Khrouchtchev en personne qui serait visé, donc le pouvoir sovi~tique. Un_eprofonde divergence sur les perspectives de paIXou de guerre opposerait les deux partis communistes, donc les deux États, l'un à l'autre : l'un tenant pour la coexistence pacifique l'autre p~ur l'inéluctabilit~ des guerres jusques ef y compris la guerre atomique. Il y aurait à Pékin des « durs », à Moscou des «mous », des libéraux auxquels certains « staliniens » invétérés mène~ rajent la vie dure, ce qui expliquerait la conduite decon~ertant: ( ?) de Khrouchtchev quand celui-ci brandit tantot ses foudres, tantôt son soulier. On se borne à résumer ici à grands traits les versions qui fon~ prime. dans toute la presse et dont les ondes !adi~phoru9ues s?nt saturées, au point de rendre.inutiles maintes citations et références 1 • On examinera plus loin les principales. Elles se rangent sous la quotidienne rubrique du « conflit 1. Cf. in JJst et ,Ouest, B.E.I.P.I., Paris 1960 : « D'un pr~te~du confüt doctrinal entre le P.C. soviétique et le P.C. chinois », par Branko Lazitch (n~ 239) ; « Sur la controverse entre communistes chinois et communistes soviétiques » par Claude Harmel (n° 241) ; « Le différend soviéto-chinois ; LE CONTRAT SOCIAL idéologique», particulièrement fournie depuis le 9oe anniversaire de la naissance de Lénine (avril 1960). Il faut d'abord en indiquer les sources les plus récentes : Varsovie et Belgrade, sources communistes de pureté douteuse, intéressées à faire admettre l'idée d'un communisme acceptable, libéral et pacifique, celui de Khrouchtchev, contrastant avec un communisme intransigeant · et belliqueux, que Mao incarne. Ainsi « de l'avis de tous les Polonais conscients, M. Khrouchtchev reste l'homme de la paix, face aux dangereuses ombres chinoises et au stalinisme», écrivait le mois dernier un correspondant du Monde (22 oct.) pour qui, « si son prestige [celui de Khrouchtchev] était en baisse, si l'homme était si peu que ce soit, chez lui, menacé ou critiqué, la Pologne et aussi (Occident (...) ne tarderaient pas à le regretter ». Echantillon qui suffit à caractériser toute une marchandise. De Yougoslavie vient, racontée par Tito lui-même en 1958, la révélation selon laquelle un Chinois innommé estime qu'en cas de guerre atomique, 300 millions de Chinois peuvent périr, 300 autres millions survivraient néanmoins pour s'assurer la victoire. On sait la fortune de cette prévision qui dispense d'accumuler les données de même origine. Ce sont pourtant de telles «informations » qui alimentent la ·chronique du « conflit idéologique », les chroniqueurs rivalisant d'imagination pour tenir le public en haleine 2 • Il n'est d'ailleurs pas exact que le prétendu « conflit idéologique» date du 9oe anniversaire de Lénine, comme le disait un éditorial du Times londonien (3 août 1960). Si l'on ne remonte, pour abréger, qu'à une dizaine d'années en arrière, l'article Mao shares the World with Stalin dans le supplément «confidentiel» de The Economist de Londres (19 juillet 1951) et trois articles intitulés Stalin and Mao dans le New York Herald Tribune (3 août 1951 et suiv.) reproduits dans (~ 0 242) ; « Les rapports sino-soviétiques » (n° 244) ; 11 Chro- ~ique du .<t conflit » sino-soviétique » (n° 245) - pour ne mentionner que les études les plus récentes de ce bulletin. Dans le sens opposé, cf. in Problems of Communism, Washington, 1960 : << Strains in the Sino-Soviet Alliance», by Donald S. Zagoria (n° 3) ; « Pattern and Limits of the SinoSoviet Dispute », by Z. Brzezinski (n° 5). The Economist, de .Londres, ne cesse de publier, de source polonaise, des articles du genre de celui qu'a reproduit la Documentatio11 française (Articles et Documents, n° 0.1025) sous le titre : << Le conflit idéologique entre l'URSS et la Chine », paru en anglais le 8 oct. 1960. 2. « Il y a deux ans, les Polonais étaient convaincus que le leader chinois avait exercé une action modératrice sur M. Khrouc.'htchev. A présent, pensent-ils, les rôles sont renversés- : la frénésie inquisitoriale de la Chine a fait de M. Khrouchtchev le moins intolérant des deux » ( The Economi'st, 18 oct. 1958). « Il y a eu des rapports insistants de Varsovie et de Belgrade depuis le printemps dernier, d'après lesquels les Chinois communistes souhaitent aggraver la situation internationale · et jugent la politique soviétique trop prudente» (The New York Times, 10 août 1958). Selon Tito, accusant les Chinois d'hostilité envers sa politique, « certaines de leurs personnalités disent que, dans un .coi:ifljt armé, il resterait encore quelque 300 millions de Chinois » (les Nouvelles yougoslaves, 10 juillet 1958).
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