368 n'essaye pas d'en faire bon marché, il est possible qu'ils s'efforcent désormais de veiller à ce que les dispositions légales ne restent pas, une fois de plus, lettre morte. Un troisième groupe de réformes dans la procédure consiste en des dispositions réellement nouvelles, et mérite par là plus d'attention. Le principe ~' « an~ogie », si critiqué, est aboli. Il permettru.tau tribunal, dans les cas où un acte « dangereux J?0Ur la société» n'avait pas été prévu par la 101,de condamner l'accusé en se référant à l'article du code pénal qui concernait un délit similaire. Depuis des années, les théoriciens du droit n'avaient cessé de critiquer cette règle de tan~ogie qui allait, à l'~ncontre du principe de Justice naturelle resume par la maxime nulla pœna sine crimine. En fait, la règle de l'analogie ne semble pas avoir été fréquemment appliquée. Les interrogatoires préliminaires menés par les enquêteurs (sliédovatiéli) des services de sécurité (K.G.B.) ne feront plus l'objet de règlements spéciaux et confidentiels qui devaient conférer des pouvoirs très étendus aux enquêteurs. Ces derniers continueront à procéder aux interrogatoires p~éliminaires qui concernent les délits contre l'Etat, mais ils seront soumis, tout comme les autres juges d'instruction, à la surveillance des procurateurs, de même qu'ils seront limités par les règles écrites qui régissent les enquêtes. Tel e~t du moins l'esprit des nouvelles lois. En effet, bien que les enquêteurs du K.G.B. aient été déjà soumis à la surveillance des procurateurs aux termes. du statut des procurateurs du 24 mai 1955, 11 semble que la Sécurité d'État détenait encore en décembre 1957 ses propres pouvoirs spéciaux, confidentiels 6 • Si les termes de la nouvelle loi sont appliqués à la lettre, les enquêteurs du K.G.B. pourraient tout au plus en appeler d'un procurateur à celui qui le précède immédiatement dans la hiérarchie, 1 a décision finale sur la manière de mener l'interrogatoire préliminaire restant au procurateur. Si les procurateurs font montre de courage et si le Parti leur laisse une liberté d'action suffisante, cette modificatfon dans la procédure pourrait prendre une importance considérable. LES DROITSde la défense ont été étendus de manière substantielle. L'avocat est « tenu d'user de tous les moyens prescrits par la loi et de toutes les méthodes de défense » pour venir en aide à son client; il peut s'entretenir avec lui, prendre part au procès et protester contre la conduite de l'instruction. Une fois qu'il a accepté une affaire, 6. Le texte officiel et le commentaire sur le code de procédure criminelle de la R.S.F.S.R., publié en décembre 1957, continue de faire mention des règles spéciales inédites qui président aux interrogatoires menés - par des officiers du K.G.B. · Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE il ne peut plus refuser d'agir. L'ill)portance de ces dispositions dépendra de la mesure dans laquelle les avocats pourront les traduire dans les faits. La tradition d'une défense indépendante et résolue n'est pas solidement implantée en Union soviétique. A une session du Soviet suprême en février 1957, le ministre de !'Instruction publique de la R.S.F.S.R. déplorait que le niveau des avocats et leur place dans la société ne fussent plus ce qu'ils étaient avant la révolution : cc De manière étrange, on soupçonne encore parfois les avocats de n'exister que pour gêner le cours de la justice. Il est aussi certains avocats qui hésitent à prendre · position contre le ministère public sur des questions de principe. » On comprend la critique du ministre quand on " sait que les avocats, même s'ils ne sont pas membres du Parti, dépendent pour leur gagne-pain du collège auquel ils sont attachés, lequel est entièrement soumis au Parti. De plus, les avocats sont très mal rétribués. Selon les derniers chiffres publiés, sur les 8.000 avocats que compte la R.S.F.S.R., 85 % environ gagnaient de 680 à 1.500 roubles par mois, et aucun avocat n'en gagnait plus de 2.000 7 • (A titre de comparaison, le salaire mensuel du fonctionnaire le plus i:nodestede l'appareil du Parti employé à plein temps, le secrétaire de cellule, s''élève à 1.400 roubles.) Certains signes indiquent néanmoins que la situation des avocats pourrait s'améliorer. Des mesures ont été prises pour augmenter leurs émoluments. A une occasion au moins (quoique la presse juridique ait formulé de sévères critiques), le ministre de la Justice de la R.S.F.S.R. a réintégré par cinq fois un avocat expulsé par son collège 8 • Ce qui laisse supposer que les bureaucrates au ministère ne partagent pas toujours le point de vue des fanatiques du Parti qui font la loi au collège. Deux autres changements méritent d'être notés. Les tribunaux ont maintenant le droit de prononcer, dans des cas appropriés, une sentence inférieure, au minimum prescrit, ce qui accroît leur pouvoir discrétionnaire en matière d'indulgence. D'autres règles vont également dans le sens d'une plus grande indulgence, par exemple pour ce qui touche la confiscation des biens ou les conséquences d'une condamnation. En revanche, les règles concernant les remises de peine ont été renforcées. Les autorités se sont inquiétées de la clémence de ceux qui dirigent les colonies de travail pénitentiaire (nouvelle appellation de la plupart des anciens camps). Les remises de peine n~ s~nt maintenant possibles que sur ordre du tribunal. Un nouveau décret du Conseil des ministres de l'URSS (non encore publié) a également renforcé l'administration disciplinaire des colonies pénitentiaires 9 • 7. La Justice soviétique, 1957, n° 7, p. 27. 8. La Légalité socialiste, 1959, n° 3, pp. 52-53. 9. Ibid., 19591 n° 11 p. 179,
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